Comprendre et rêver le monde

Extrait d'une célébration à l'ONU le 7 avril 2005

COMPRENDRE ET RÊVER LE MONDE AVEC PIERRE TEILHARD DE CHARDIN ?

par André DANZIN, coauteur avec Jacques MASUREL de l’ouvrage " Pierre Teilhard de Chardin, visionnaire du monde nouveau "

Le monde vient de changer fondamentalement. L’effondrement soviétique marque la fin des idéologies du XIXème siècle. La guerre froide affirmait les frontières. L’économie mondialisée les abaisse dans un cortège de délocalisations des capitaux et des emplois, de migrations depopulations et de cerveaux. N'a-t-on pas réfléchi à ce qu'est aujourd'hui l'impuissance des puissants ? Les supériorités militaire, technologique et financière des États-Unis échouent à dominer les conflits du Moyen-Orient Les conflits tournent aux heurts de civilisation où resurgissent les intolérances religieuses.

Précurseurs d’une nouvelle humanité, sommes-nous capables d’en concevoir les nouvelles harmonies ?

Une théorie de l'Évolution

La relecture de Teilhard de Chardin est précieuse pour comprendre et rêver le monde. De 1911 à sa mort en 1955, il médite la théorie de l’Évolution, y reconnaît une valeur scientifique, étend l’idée du transformisme à la matière et à l’humain, débordant les limites de la biologie. Cinquante ans de progrès de la connaissance confirment cette vue. La génétique explique les mutations du génome ; l’astrophysique avance la thèse du big-bang qui décrit l’histoire de l’univers. Nous sommes en droit d’extrapoler le concept d’Évolution vers l’avenir. La création s'accomplit par une activité permanente, l'homo sapiens jaillit de ce mouvement dans lequel Teilhard reconnaît un " changement d'état ", c'est-à-dire l'apparition d'un être d'une nature nouvellepar ses capacités exceptionnelles, mystère et miracle de l'évolution.

Notre responsabilité dans la marche vers " l'ultra-humain "

Voir l'Évolution comme un phénomène majeur dans la vie de l'univers convie à repenser le rôle des différences et de la diversité, les concepts de liberté, d'égalité et de jeu des sélections.Teilhard nous propose un spectreprécieux d’idées-forces dans cette mutation récente des paradigmes. Teilhard en connaît lesprincipaux, pressent ceux qui vont naître, en propose qui lui sont propres. Il nous presse de nous sentir co-ouvrier de Dieu, comme l’avait déjà dit Saintpaul. En dépit des chutes temporaires, il prévoit notre marche vers un ultra-humain que nous devons contribuer à construire. L’avenir est ainsi ré-enchanté… de nouveaux progrès sont inévitables.

Teilhard avait annoncé la " planétisation  " de l’humanité prise en masse sous la puissance des moyens de télécommunication et sous la poussée complexifiante des interdépendances. La mondialisation-globalisation n’est donc pas due à une option politique, il faut le comprendre, mais à l’inévitable fruit des technologies.

Repenser l'avenir grâce au concept de "noosphère"

Dans sa vision de la "  noosphère  " englobant la "  biosphère  " d’un logiciel humain à température psychique croissante, il prévoit l’émergence des forces immatérielles, l’homme allant vers son statut d’adulte en passan tpar une phase de puberté. Nous sommes dans cette crise du transformisme, toujours plus nombreux, encore resserrés sur une planète dont nous mesurons la finitude. Teilhard nous demande d’accepter nos devoirs nouveaux d’engagement dans cette mutation qui retentit sur toutes nos activités. Elle soumet la géopolitique classique à la "  géotechnique  " et à la "  géoculture  " , la science au premier rang des facteurs de puissance.

Une espérance pour notre temps

Il est alors possible de proposer des solutions teilhardiennes pour les problèmes les plus critiques de notre temps - travail et emploi, protection de la relation Homme-Nature, relations de la morale au bonheur, éducation, vocation de l’Union européenne - liées à l’éthique de ses projets d’action.

L’avenir se charge d’une espérance positive pour nos descendants. Mais il est vrai, l’heure est grave, les dangers bien réels alors que l’esprit de prospective n’est plus actif et que l’humanité et, notamment l’Union européenne, se caractérisent par l’absence d’une volonté irrésistible d’action et par l’insuffisance de projets pour le long terme. Mais Teilhard réveille notre espérance.

La foi religieuse de Teilhard le conduit à imaginer une convergence finale dans le Christ Omega, mais son message sociologique, par sa puissance, s'adresse à tous les hommes, croyants de toutes confessions et incroyants.

Ces lignes sont écrites à l’occasion de la célébration à l’ONU, le 7 avril 2005, du cinquantième anniversaire de la mort de Pierre Teilhard de Chardin. Elles résument une étude appuyée sur une série d’entretiens avec de hauts responsables de l'enseignement, de la science et l’économie qui lancent un appel pour des efforts de prospective et pour la promotion de projets réducteurs d'affrontements intercivilisationnels, moteurs de solidarités nouvelles.

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