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23 novembre 2007

Y a-t-il un salut pour les salauds ?

Bonnes feuilles sur Témoignage Chrétien.fr

Y a-t-il un salut pour les salauds ? par Louis Pernot

Quand est posée la question de savoir qui sera sauvé, la tendance actuelle dans le christianisme est de répondre : tout le monde. L’enfer n’est plus guère prêché de nos jours (…). La mode est à un universalisme généreux et sympathique enseignant que tout le monde sera sauvé. (…) Quant à certains responsables d’Église, ils ne peuvent faire autrement que de rester attachés officiellement aux vieilles doctrines du paradis, de l’enfer, du purgatoire et du Jugement, mais on a pu entendre il y a peu l’un d’eux à qui l’on posait la question : « Croyez-vous encore à l’enfer, monseigneur ? » répondre : « Oui, mais je crois que l’enfer est vide ! »… Cette tendance est certes sympathique et généreuse, et c’est tant mieux que l’on n’entende pas dans nos églises de prédications utilisant la menace et la crainte d’un châtiment éternel, mais, pourtant, cet universalisme ne va pas sans poser des problèmes. En particulier, il résiste difficilement au passage aux limites : si tout le monde est sauvé, qu’en est-il d’Hitler ? Pense-t-on vraiment que dans le Royaume de Dieu, tout le monde se retrouvera à égalité, mère Teresa avec Judas, l’abbé Pierre avec le pire des criminels nazis ? (…)
Ce qui est curieux, c’est que la prédication du Christ, que l’on croit si généreuse et pleine de grâce, n’est pas du tout pour un salut universel et sans condition. Dans l’Évangile, il y a des sauvés et il y a des perdus (des réprouvés). On y parle certes de pardon et de paix, mais aussi de « Géhenne », de « pleurs et de grincements de dents », et d’un « feu qui ne s’éteint point » pour certaines personnes… et ces passages ne sont pas rares ; il y a, au contraire, de très nombreux textes pour essayer d’expliquer les processus et les critères. C’est sur ce point même, sans doute, que réside l’originalité de l’Évangile.
La tendance naturelle, si l’on accepte l’idée d’un jugement, c’est de l’imaginer sur les œuvres, les hommes étant sauvés ou non, en fonction du bien ou du mal qu’ils auraient fait sur Terre pendant leur vie. Or, précisément, l’Évangile n’est pas dans cette façon de voir les choses. Tout en admettant que tout le monde ne puisse être sauvé, il a, en quelque sorte, brouillé les cartes, s’opposant à l’idée que ceux qui font le bien seraient sauvés, et les « pécheurs », ceux qui font le mal, perdus. Jésus a ainsi accueilli des prostituées, dont il a dit qu’elles pourraient précéder les champions des bonnes œuvres dans le Royaume de Dieu, il a dit le salut immédiat au (bon) larron qui était à côté de lui sur une croix et a proclamé : « Les premiers seront les derniers. » Ainsi, le salut n’est-il plus donné simplement comme une récompense pour des bonnes œuvres, mais offert par grâce et reçu dans la foi.
Cela dit, si le salut est donné par la grâce de Dieu et non pas en fonction des bonnes œuvres, et si comme il apparaît dans l’Évangile, tout le monde n’est pas sauvé, se pose la question inéluctable de savoir selon quel critère la grâce de Dieu est donnée à l’un ou à l’autre pour qu’il soit sauvé.
La solution la plus simple est d’imaginer que cela dépend du bon vouloir de Dieu seul. Si les pécheurs peuvent être sauvés, non par les œuvres mais par la grâce de Dieu, et si tout le monde n’est pas sauvé, c’est que le salut dépend de Dieu qui choisit d’en sauver certains et de laisser les autres à leur triste sort. C’est la doctrine de la prédestination développée par saint Augustin et reprise par les Réformateurs. Cette solution a l’avantage de la simplicité, mais elle est difficilement admissible aujourd’hui. Cet arbitraire divin semble inacceptable pour beaucoup de nos contemporains, et même les protestants pour la plupart n’y adhèrent pas.
Une autre solution est de dire que le critère du salut, s’il n’est pas les œuvres, est la foi en Jésus-Christ. On peut trouver dans l’Évangile des passages allant dans ce sens, comme dans Jean 3,16 : « Dieu […] a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. » Cette solution a aussi l’avantage d’être simple et claire. Mais outre qu’elle est choquante en ce qu’on ne peut exclure du salut tous les non-chrétiens et les athées, elle se trouve elle-même contredite dans l’Évangile dans certains passages comme en particulier dans le célèbre chapitre 25,31 ss de Matthieu concernant le Jugement des Nations. Là, aucun critère de foi n’est retenu, seul le fait d’avoir eu de la compassion est pris en compte, comme d’avoir donné à boire à celui qui avait soif, et ceux qui sont sauvés sont tout étonnés, pensant n’avoir jamais eu affaire avec le Christ.
On peut alors faire une interprétation large du célèbre verset de Jean 14,6 : « Je suis le chemin et la vérité et la vie, nul ne vient au père que par moi » en pensant que le chemin n’est pas le Christ en tant que personne, mais son enseignement, ce qu’il a dit, son message. Or, le message de l’Évangile en soi n’est pas une exclusivité, c’est l’amour, le pardon, le service, l’humilité et la paix. On peut penser en effet, sans être sectaire, qu’il n’y a pas d’autre chemin vers la Vie et vers Dieu, quel que soit le nom qu’on lui donne, que l’amour, le pardon et la paix.
Certes, on peut connaître ce chemin par le Christ, mais on peut aussi le connaître par ailleurs. La condition pour être sauvé ne serait pas alors d’être ou de ne pas être chrétien, de connaître ou de ne pas connaître Jésus, mais de savoir si dans sa vie il y a ou non de l’amour et de la gratuité. C’est certes une belle approche, mais elle n’est pas sans difficulté en ce que l’on retombe, d’une certaine manière, dans une sorte de théologie des œuvres.
Reste alors une possibilité c’est de bien faire dépendre le salut de Dieu seul et de sa grâce, de bien affirmer que la grâce est proposée à tous, mais d’envisager qu’il y ait une condition pour pouvoir bénéficier de cette grâce. En particulier, il est souvent dit que le pécheur peut être pardonné… dans la mesure où il demande pardon, ou s’il se repent. Il est évident, semble-t-il, que Dieu pardonne au pécheur qui se repent de tout son cœur. On le voit dans maints textes de l’Évangile, comme dans la parabole du fils prodigue (Luc 15,11 ss), ou dans l’épisode du bon larron (Luc 23,39 ss). Mais sommes-nous réellement prêts à l’affirmer dans tous les cas ? En particulier, pense-t-on que si Judas s’était repenti, il aurait pu avoir été pardonné et réhabilité dans le cercle des Apôtres ? Cela n’est pas évident du tout. En particulier, il y a des paroles très dures attribuées au Christ dans l’Évangile, comme en Marc 14,21 : « Le Fils de l’homme s’en va selon ce qui est écrit de lui. Mais malheur à l’homme par qui le Fils de l’homme est livré ! Mieux vaudrait pour cet homme qu’il ne fût pas né. »
Cela pose la question de savoir s’il n’y aurait pas, même pour Dieu, des fautes impardonnables. La question est abordée dans l’Évangile quand le Christ dit que tout péché peut être pardonné, sauf le blasphème contre le Saint-Esprit (Mt 12,31). Or, le « Saint-Esprit », c’est Dieu, il semble donc que le seul péché impardonnable c’est, non pas une faute quelconque sur terre, mais de s’opposer à Dieu lui-même, c’est de refuser Dieu lui-même en tant qu’il est précisément la possibilité du pardon. La seule attitude qui ne puisse être pardonnée, c’est celle qui consiste à refuser le pardon, et c’est logique puisque Dieu ne peut l’imposer. On peut donc penser qu’effectivement, TOUT puisse être pardonné à celui qui se tourne sincèrement vers Dieu. Il n’y a donc pas de pécheur impardonnable en dehors de celui qui refuse de croire au pardon. Certainement donc que, si je demande pardon, je puis être pardonné, mais il est pensable que le pardon de Dieu aille plus loin, et que Dieu puisse pardonner, même si l’on ne demande pas pardon. On le voit dans bien des passages de l’Évangile, en particulier dans le célèbre épisode de la femme adultère de Jean 8 ; Jésus lui pardonne, pourtant, elle ne donne aucun signe de repentance ni ne demande pardon. En Matthieu 18,21, Jésus commande de pardonner jusqu’à soixante-dix fois sept fois son frère, sans évoquer aucune condition, et on peut penser que Dieu ne fait pas moins que ce qu’il nous demande !
Et pourquoi Dieu pardonnerait-il comme ça, sans condition ? Tout simplement parce qu’il nous aime. N’importe quel père humain pardonne à son enfant petit quand il fait une bêtise, même si celui-ci ne vient pas se traîner à ses pieds pour implorer son pardon. Là aussi, on ne peut supposer que Dieu ait moins d’amour pour nous qu’un père de famille avec son fils.
Mais on peut aussi nuancer cette théorie de la grâce première. Certains textes, comme la parabole du serviteur impitoyable (Mt 18,23 ss) montrent que Dieu pardonne en premier et offre la grâce, mais il suppose qu’ensuite, l’intéressé vive en conformité avec cette grâce reçue, au risque de la perdre. La grâce, le salut sont donc bien offerts gratuitement et sans condition, mais le problème, c’est ensuite de rester dans cette grâce et de ne pas perdre ce pardon.
Il y a enfin une tout autre solution au problème, provenant d’une manière absolument différente d’aborder la question en ne restant pas dans cette vision binaire voulant cataloguer les hommes en deux catégories : les bons et les méchants, les sauvés et les réprouvés. Cette solution peut être trouvée à partir d’un passage de la première épître de Paul aux Corinthiens (1 Cor 3). Il y montre chaque existence comme étant constituée d’éléments de diverses valeurs, certains étant comme du bois, du foin, du chaume, et d’autres de plus de valeur, comme de métal ou de pierre précieuse. Paul voit le jugement comme un feu révélant la valeur de chacun, un feu qui brûle ce qui ne vaut rien, et qui laisse demeurer ce qui a de la valeur. Ainsi, pour lui-même l’individu le plus mauvais sera sauvé… mais comme à travers le feu.
Il y a là une solution assez satisfaisante : tout le monde est sauvé, mais pas tout le monde de la même manière, Dieu ne garde que la meilleure partie de la vie de chacun… Ainsi, pour être perdu totalement, il faudrait qu’il n’y ait absolument rien de bon dans l’homme, qu’il n’y ait jamais eu en lui la moindre trace d’amour, de pardon, de gratuité. Mais est-ce possible ?
Une des conséquences d’une telle théorie, c’est que, si d’une certaine manière, tout le monde est sauvé, tous ne sont pas à égalité dans le Royaume de Dieu, il y a nécessairement des grands et des petits, parce qu’en certains, il y a beaucoup à garder et en d’autres, très peu. Cela déplaît à la volonté d’égalité de quelques croyants d’aujourd’hui qui pensent que Dieu met tout le monde au même niveau. Pourtant, l’Évangile va bien dans ce sens d’une hiérarchie dans le Royaume, et le Christ laisse entendre à plusieurs reprises qu’il y aura dans le Royaume de Dieu des premiers et des derniers, des grands et des petits. Ainsi, dit-il (Luc 7,28), « Je vous le dis, parmi ceux qui sont nés de femmes, il n’y en a point de plus grand que Jean. Cependant, le plus petit dans le Royaume de Dieu est plus grand que lui. » Y a-t-il un salut pour le plus infâme des infâmes ? Sans doute, la miséricorde de Dieu étant plus grande que la méchanceté de l’homme, mais certainement que Dieu, s’il sauve l’infâme, ne sauve pas son infamie.

Jérôme Anciberro

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