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10 décembre 2007

Extrémismes, politique, religions

Conseiller spécial du secrétaire général des Nations-Unies pour l’Alliance des civilisations, le Pakistanais Iqbal Riza évoque les conditions nécessaires à une meilleure compréhension entre le monde arabo-musulman et l’Occident.

« Les extrémismes trouvent leurs origines dans la politique et non dans les religions »

Al-Ahram Hebdo : Quel bilan faites-vous du dialogue des civilisations, depuis que l’initiative d’Alliance des civilisations a été lancée il y a trois ans ?

Iqbal Riza : Depuis que l’initiative a été lancée, un certain nombre de démarches ont été entreprises, comme la nomination du groupe de haut niveau des Nations-Unies qui a rédigé un rapport analysant les causes de l’animosité existante entre l’Occident et le monde arabo-musulman. Ce groupe a tiré des conclusions importantes, comme le fait que les racines des extrémismes se trouvent dans la politique et non pas dans les religions, et que celles-ci sont souvent instrumentalisées par certains groupes à des fins politiques. Le rapport a également laissé clair que les conflits non résolus, comme l’israélo-palestinien, l’intervention militaire en Iraq et en Afghanistan, ont fortement contribué à nourrir des sentiments de colère des peuples dans le monde musulman à l’égard de l’Occident. Celui-ci étant vu comme un parrain des actions militaires et d’une politique injuste vis-à-vis des peuples musulmans.

Pourquoi ne remarque-t-on pas une amélioration de la situation entre l’Occident et le monde arabo-musulman ? Au contraire la situation ne cesse de se dégrader...

— Il est sûr que la multiplication d’incidents et d’attaques armées a une répercussion directe sur les opinions publiques en Occident et dans le monde musulman créant une radicalisation et un repli identitaire des deux côtés.

Il existe des groupes radicaux qui nourrissent cette situation pour séduire les opinions publiques avec des idées extrémistes…

— Tant que les conflits continuent et les images des victimes des attaques, et celles des civils innocents dans des pays musulmans, sont sur les écrans des télévisions, les populations vont réagir. Et il est sûr que les groupes radicaux profitent de ces situations pour multiplier le nombre de leurs adeptes. De la même manière, si les attaques suicides continuent dans les pays occidentaux, les groupes radicaux en Occident seront renforcés. Ils vont dire aux autres que les musulmans sont naturellement violents, qu’ils sont là (en Occident) pour attaquer et tuer les Occidentaux. Il vont se dire qu’ils viennent comme des immigrants, s’installent dans leurs sociétés puis commencent à attaquer les gens.

Les populations musulmanes sont devenues très vulnérables à une version plus extrémiste de l’islam. Pourquoi ?

— Dans des pays comme le Pakistan, notamment à la frontière avec l’Afghanistan, ou dans d’autres pays islamiques dans le monde, on a remarqué que depuis 1979, quand l’ancienne Union soviétique a envahi l’Afghanistan, ces pays ont été gagnés par l’islamisme. C’est à ce moment-là que le Pakistan  a connu la radicalisation à cause des Moudjahidins et des Wahhabites, à cause de l’argent et des armes que les groupes radicaux ont reçus de l’extérieur. Ce moment fut un tournant qui a abouti aux situations que nous avons aujourd’hui.

Comment moderniser le discours islamique pour qu’il s’accorde à la réalité du XXIe siècle ?

— Une modernisation du discours islamique doit être faite à travers l’éducation accordée aux enfants et aux jeunes car c’est à ces étapes de la vie des gens que la radicalisation leur est inculquée. Dans les cas des madrassa (écoles traditionnelles), par exemple, ils ne reçoivent pas d’éducation progressiste, ils n’apprennent rien sur le monde extérieur, ils n’apprennent rien non plus sur les autres pays ou les autres religions de façon appropriée.

Je mets l’accent ici sur l’éducation, car c’est elle qui aide à ouvrir les esprits. Dans nos sociétés musulmanes, malheureusement les esprits sont fermés en proie à des interprétations archaïques de la religion et cela doit changer. Et il ne pourra se faire qu’à travers un travail de longue haleine ayant l’éducation pour base.

Comment évaluez-vous l’état présent des rapports entre le monde musulman et l’Occident ?

— Il est sûr que la violence ne s’est pas arrêtée. L’Alliance des civilisations ne pourra pas, à elle seule, arrêter la violence. Cette initiative ne peut pas résoudre les racines des problèmes politiques. Elle ne peut pas arrêter le conflit. Ceci revient aux gouvernements et aux parties impliquées. Ce que peut faire l’Alliance des civilisations est d’essayer de travailler auprès des sociétés civiles pour tenter d’améliorer la perception mutuelle entre les peuples dans ces deux mondes et essayer de réduire l’animosité existante entre eux. Mais tant que ces conflits ne seront pas résolus, les hostilités entre le monde musulman et l’Occident ne trouveront pas facilement le chemin de l’apaisement.

Comment améliorer la communication et l’entente entre un Occident laïc et un monde musulman où la religion reste toujours très ancrée dans les mœurs et les traditions ?

— Je pense et je dis toujours que, tant en Occident que dans le monde musulman, nous devons apprendre à accepter et respecter la diversité. Ainsi, les Occidentaux ne doivent pas insister sur le fait que leurs conceptions de la laïcité soient adoptées dans les pays musulmans. De la même manière que les immigrés musulmans dans les pays occidentaux ne doivent pas vouloir que les Européens ou Occidentaux deviennent des musulmans. Il y a du travail à faire dans les deux côtés pour faire en sorte qu’ils apprennent à s’accepter comme étant différents et à respecter ces différences.

Comment travaillez-vous avec les sociétés civiles et comment vous leur faites parvenir les idées de dialogue ?

— Ceci doit avoir lieu à plusieurs niveaux. L’Alliance a déjà commencé à travailler au niveau international et à mettre en application certaines des recommandations émises dans le rapport du groupe de haut niveau, comme par exemple la nomination de l’ancien président du Portugal, Jorge Sampaio comme haut représentant pour l’Alliance des civilisations. Parmi nos partenaires, nous avons déjà un que nous appelons le « Groupe d’amis », qui est une communauté composée par plus des 70 Etats membres des Nations-Unies, à qui nous avons demandé de préparer des plans aux niveaux nationaux pour réaliser les objectifs de l’Alliance des civilisations. Les pays membres du « Groupe des Amis », qui sont aussi pour la plupart les plus concernés par le problème, sont en position privilégiée pour développer des politiques et des pratiques effectives visant à créer une meilleure compréhension interculturelle et à œuvrer pour l’amélioration des relations entre les différentes communautés. Tout cela doit avoir lieu à travers un travail dans quatre domaines principaux précisés dans le rapport de l’Alliance des civilisations : l’éducation, la jeunesse, les communautés immigrées et les médias. Finalement et en plus du « Groupe des amis », nous comptons sur le soutien et l’appui de l’ensemble des organisations internationales.

Mais qui doit s’occuper de l’application de ces plans nationaux pour réaliser les objectifs de l’Alliance des civilisations ?

— Ces plans ne peuvent pas être appliqués uniquement par des gouvernements. Les sociétés civiles doivent évidemment participer aussi. Et je veux dire par là des institutions d’éducation, des groupes émanant de la jeunesse, des associations des femmes, des institutions religieuses, des volontaires, etc. Bref, toutes les composantes de la société civile.

Propos recueillis par Randa Achmawi

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