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5 mars 2008

Réconciliation de l’Internationale et de la nation

l’Humanité des débats. Jaurès

Par Michel Vovelle, historien (*).

Rédigeant mon essai sur « La géopolitique de la Révolution française », j’ai eu l’idée inattendue de cartographier, à partir des milliers de titres de son index, la géographie de l’Histoire socialiste, de Jean Jaurès. Quelle richesse ! « Pays », provinces, villes et campagnes, il en a le sens et plus encore un amour profond, celui même qui se retrouve dans ses pages sur « le paysan » ou « la nature ». Mais ne l’enfermons pas dans un monde « que nous avons perdu ». De l’histoire, et singulièrement de la Révolution, il tient son attachement à la patrie et à la nation, indissociables. Dans le contexte des affrontements des années 1900, il réaffirme (comme Bebel) au congrès de Stuttgart en 1907 « l’autonomie et la légitimité des nations », la nécessité de concilier patriotisme et internationalisme, au nom du devoir des travailleurs d’empêcher les guerres par toute l’énergie de leur action. Dans l’Armée nouvelle, il évoque la « pensée ouvrière complète » qui concilie « l’Internationale et la nation ». Dans son écrit sur les Alliances européennes, comme dans ses discours à la Chambre, il se démarque des nationalistes chauvins comme des ententes traditionnelles avec les députés couronnés, déclarant : « Nous ne voulons qu’une alliance, l’alliance de la France avec toute l’Europe en vue de la paix générale et du désarmement universel. » Entre les pays, la patrie, la nation et l’Internationale, comment s’inscrit l’Europe ? Elle est un maillon essentiel, telle que Jaurès l’évoque dans son Histoire socialiste de la révolution, puisqu’il consacre un tome entier à « l’Europe et la révolution ». Les grands historiens (Mathiez, Godechot, Soboul) y ont été sensibles, même s’ils relèvent les limites de la culture européenne de Jaurès (focalisation sur l’Allemagne et partiellement l’Angleterre, méconnaissance de l’Italie, attention portée à l’héritage européen des courants de pensée des Lumières). Mais tous ont relevé la référence qu’il fait au texte anticipateur de Barnave sur les origines de la Révolution : « Il n’y a pas à proprement parler une Révolution française, il y a une Révolution européenne qui a la France à son sommet. » Barnave en énonçait la cause fondamentale : « À une distribution nouvelle de richesses doit correspondre une distribution nouvelle des pouvoirs. » Mais la Révolution française l’amène à s’interroger sur la « trop grande dysharmonie de la France révolutionnaire et du reste du monde », due à « l’inégalité dans le développement des forces productives ». En exportant à travers l’Europe son modèle, malgré les résistances, la Révolution française a-t-elle forcé la « lente évolution des nations attardées » de l’Europe, ou a-t-elle, quelles qu’aient été « ses imprudences volontaires », ouvert les voies diversifiées de la marche vers la démocratie, telles qu’il les découvre à l’horizon 1900 ? Dans le contexte de l’état du monde d’il y a un siècle, Jaurès invite à des réflexions transposables à notre époque dans le cadre de l’Europe.

(*) Extraits d’un article publié dans l’Humanité (2005). Au cours du colloque, Michel Vovelle a évoqué la suppression, par Jack Lang en 2000, de la Commission d’histoire économique de la Révolution française auprès du Parlement, dont il fut le dernier président, et qui avait été créée en 1903 sous l’impulsion de Jaurès.

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