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28 août 2008

Communautarisme, colonialisme et racisme

Il est nécessaire de combattre tout à la fois le communautarisme, le colonialisme et le racisme

Par Hakim Arabdiou

Respublica N° 588 du Vendredi 25 avril 2008

Le film et le documentaire sur le passé trouble de l'ancien président, François Mitterrand, à Vichy, ainsi que les débats qui ont suivi, m'ont fait rappeler la première chose qui m'avait fait sursauter en lisant l'ouvrage Contre le communautarisme de Julien Landfried : le regret de celui-ci que l'État français ait demandé pardon à nos compatriotes juifs pour sa collusion dans l'extermination d'un grand nombre d'entre eux, durant cette période sombre de l'histoire de France.

J'ai été aussi surpris par les arguments surréalistes (p. 18 et suivantes) qu'il a avancé à cet effet. L'auteur tente de faire passer des vessies pour des lanternes à nos compatriotes qui ont failli être éradiqués de France et d'Europe, si avait été retardée encore d'une année et demie seulement, la contre-offensive d'abord et avant tout de l'armée rouge qui avait anéanti l'essentiel de l'armée allemande, dont les deux-tiers de ces forces et ses principales troupes d'élite étaient massées sur le front soviétique.

Ainsi, les Juifs de notre pays ont-ils eu tort d'avoir réclamé, puis d'avoir accepté la reconnaissance, pourtant minimale, par la nation de leur immense souffrance et du fait que leur propre État les ait livrés, pour destruction, à l'ennemi nazi. L'auteur usera d'autres spécieux pour prétendre que cette reconnaissance fut une grave erreur.
Cet auteur me fait rappeler, ici, certains républicains de gauche qui réagissent mal, et bien à tort, quand on demande que la France reconnaisse ses crimes coloniaux monstrueux. Ces républicains sont victimes de leur propre confusion entre République et colonialisme, comme d'autres confondent république et pétainisme, république et "islamophobie", etc.
Ils ont sur ces points le même mécanisme mental que les Indigènes de la République ou ceux qui avaient violemment réagi contre la publication, par un journal danois, des caricatures de Mohammed, le prophète des musulmans. Ceux-ci disent : "Non, il ne s'agit pas de liberté d?expression, mais ces caricatures visent en réalité à s'en prendre à l'islam et/ou aux musulmans". Ceux-là disent : "Non, ce n'est pas le colonialisme que vous visez, mais vous avez en fait la haine de la République". Il n'y a qu'à voir aussi leur silence coupable à propos de la loi du 23 février 2005 sur les « bienfaits de la colonisation », colonisation, qui, comme le régime fantoche de Pétain, a été une autre trahison des idéaux de la République.
D'autres républicains, qui sont aussi d'authentiques anticolonialistes, pourraient exprimer sincèrement leurs craintes que cette dernière reconnaissance (mais pas la première) pourrait entraîner la haine entre les peuples et les communautés, et que de toutes les façons tous les peuples ont été soit esclavagistes soit colonisateurs, dont les Arabes, les Ottomans. Pourtant, la demande de pardon du gouvernement des États-Unis d'Amérique à sa population noire ou celle plus récente du gouvernement australien aux Aborigènes n'ont ouvert la voie à aucune discorde, bien au contraire. C'est de manière solennelle et dans la communion de la grande majorité de leurs populations respectives que ces pardons avaient été prononcés.
De plus, si l'on suit leur logique jusqu'au bout, la communauté internationale devrait par exemple condamner le procès de Nuremberg et verser des dommages et intérêts aux descendants des vingt-quatre dignitaires nazis, Goring, Hess, Keitel, Ribbentrop, Rosenberg pour avoir été jugés et condamnés par des États tels que les États-Unis d'Amérique qui se sont érigés sur la destruction de la population de tout un continent, la France et la Grande-Bretagne dans leurs colonies et l'URSS avec ses camps d'esclavage et de la mort qu'étaient les goulags.
Les républicains que j'ai cités plus haut partagent également le même antiracisme non universaliste que les islamistes et leur marche-pieds au sein de la gauche. Les seconds ne réagissent que quand ce sont les musulmans qui sont les victimes de racisme. Aussi, jamais (ou presque) vous ne les entendrez condamner le racisme dont est victime un jeune Français de la part des parents musulmans de sa dulcinée, et qui refusent de lui accorder la main de celle-ci, parce qu'il est chrétien ou pire encore, parce qu'il est juif. Y compris quand ces parents marient leur fille de force au bled ou même l'assassinent pour l'empêcher de vivre sa vie. Quant aux premiers, ils ne réagissent que lorsqu'il s'agit d'actes antisémites, jamais lorsqu'il s'agit de musulmanophobie ou de négrophobie. Ils n'évoquent d'ailleurs la population musulmane ou de cette origine que pour la stigmatiser davantage, jamais quand, comme c'est souvent le cas, quand ces immigrés sont victimes de racisme.
Leur attitude, cette conception étriquée du républicanisme, les place, en recul par rapport à certains courants de la droite, et ne peut que faire le jeu des racistes, des communautaristes et des fondamentalistes.

Je voudrais achever ce texte en disant encore deux ou trois mots à propos de l'ouvrage Contre le communautarisme de Julien Landfriend. Ce dernier apporte par ailleurs des réponses intéressantes à nombre de questions qui font débat au sein de la gauche et des laïques. Mais il ne comporte pas moins un grand nombre d'arguments qui suscitent mes réserves. Je me dois aussi de signaler la position, pour le moins tendancieuse, où l'auteur classe, comme « communautaire » (note p. 151), la revue Prochoix, pourtant à l'avant-garde du combat contre le communautarisme, ainsi que les fondamentalismes pour le féminisme et la laïcité. C'est ainsi qu'il classe cette revue parmi des associations telles que Lmistes (de Pierre Tévanian), oumma.com, le CapDiv, le CRAN, etc.

Hakim Arabdiou

Post-scriptum. Je partage les propos de Hakim Arabdiou. Précisons bien, ce qu'il fait lui-même d'ailleurs,concernant les excuses présentées par le Président Chirac pour les crimes commis par l'Etat français de Pétain, Laval et consorts contre les juifs, que cet état d'abdication, dictatorial, absolument illégitime, ne représentait pas la France. La France c'était Jean Moulin ou Guingouin, c'était De Gaulle ou Rol-Tanguy. Cette France, combattante, légitime, avait-t-elle des excuses à présenter ?


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Commentaires
A
Voici un extrait, dont je partage les termes, du livre de R. Garaudy "Le procés du sionisme israélien" (Editeur Al Fihrist,Beyrouth, 1998), pp 88 et 89:<br /> <br /> Le Général de Gaulle refusait toute légitimité aux FIGURANTS de Vichy qu'il n'a jamais considéré comme un Etat:"J'ai proclamé l'illégitimité d'un régime qui était à la discrétion de l'ennemi".("Mémoires",I, p107). "Il n'existe pas de gouvernement proprement français" (I,p388). "Hitler a créé Vichy"(I, p389).<br /> <br /> Or le 14 juillet 1995 sous la Présidence du Grand Rabbin, les sionistes obtenaient du Président de la République ce double démenti du général de Gaulle: sur Vichy-Etat et sur l'atttitude du peuple français: "La folie criminelle de l'occupant a été secondée par les français et l'Etat français", reconnaissant en Vichy un Etat français et faisant du peuple de France un collaborateur...<br /> <br /> De Gaulle n'a pas ce mépris pour le peuple de France:"l'immense majorité du peuple français, loin d'accepter un régime imposé par la violence et la trahison voit dans l'autorité de la France Libre l'expression de ses voeux et de sa volonté."(I, p394) et il ajoute la preuve: la levée du peuple de Paris:"quatre années d'oppression n'avaient pu réduire l'âme de la capitale, la trahison n'était qu'une écume ignoble à la surface d'un corps resté sain."(III, p194).<br /> <br /> Si Vichy était un Etat légitime, de Gaulle était un DESERTEUR (comme le nommait Vichy) et nous, les Résistants, tous des traîtres et des terroristes
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L
On notera quand même que Simone Weil jugeait elle aussi stupide l'idée de séparer la souffrance des Juifs de celle des autres peuples. C'est le genre d'idée qui lui vaut d'être accusée d'antisémitisme aujourd'hui, sans qu'elle ait la possibilité de défendre ses positions universalistes et antiracistes comme le gras Siné, avant toute chose excellent publicitaire de lui-même.<br /> <br /> Ce sont même les amies d'enfance de Simone Weil (Simone Pétrement) qui sont convoquées pour décrire une Simone Weil hystéro et emmerdeuse, pour charger le trait.<br /> <br /> Simone Weil a par ailleurs fréquenté les gaullistes à Londres et brossé un tableau peu flatteur de ce milieu de "résistants" ambitieux. Encore un point qui la rapproche de Mitterrand.<br /> <br /> Curieusement Pierre Péant a dénoncé les "amitiés douteuses" de Mitterrand, et rien dans son bouquin sur Chirac à propos des relations entre les avionneurs français, les Potez, Dassault, dont la famille Chirac était proche, et l'Occupant allemand.
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A
Votre remarque est fondée. Je rectifie donc le post scriptum ajouté à la suite de votre article.<br /> Amitié.
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H
Je suis entièrement d'accord avec votre propos qui ne devrait pas être néanmoins une réserve par rapport à mon article, puisque j'ai déjà indiqué que le régime de Pétain et le colonialisme de trahison de la République et ai dénoncé ceux qui les confondent. <br /> <br /> Cordialement,<br /> Hakim Arabdiou
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