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26 septembre 2008

Inventer un nouveau mode de vie

L’autre week-end près de Paris, lors d’un débat à la Fête de “l’Humanité”, un philosophe a fait un véritable tabac. « Bernard Stiegler a captivé l’attention du public. Le philosophe plaide pour l’invention d’un nouveau mode de vie », rapporte brièvement la journaliste Jacqueline Sellem. (1)

En fait, lorsqu’on lit le compte-rendu de cette conférence publié trois jours plus tard, on comprend l’intérêt que suscite dans l’opinion ce docteur de l’École des hautes études en sciences sociales, directeur du développement culturel au Centre Georges-Pompidou. En particulier lorsqu’il explique comment et pourquoi « aujourd’hui, ce qui fait le pouvoir, c’est le psychopouvoir, un pouvoir pris sur nos consciences par les médias, par tout un dispositif qui est devenu le nerf du capitalisme ». (2)
Bernard Stiegler se « considère héritier du marxisme mais plus comme marxiste » car « Marx ne pouvait pas voir venir le consumérisme du 20ème siècle. Cette société de consommation a été orchestrée par le marketing pour lutter contre une grande découverte du marxisme : la baisse tendancielle du taux de profit ».

Il rappelle notamment qu’« en 1867, Marx explique que le capitalisme atteindra rapidement sa propre limite. Selon lui, le taux de profit diminuera obligatoirement, entraînant l’effondrement de la rentabilité des investissements, un processus de surproduction et du chômage ». Et comme l’a montré l’Histoire, « quand le capitalisme rencontre ses limites, cela se termine en guerre. Il faut donc penser ces limites pour tenter, comme le voulait Jaurès, d’éviter les guerres ».

Bernard Stiegler continue en expliquant qu’une autre voie du capitalisme pour trouver une solution à la baisse tendancielle du profit consiste à élargir le marché, à inventer de nouveaux modes de production, de distribution et de commercialisation. C’est ce qu’il appelle « développer le consumérisme et mettre la consommation au cœur de l’existence. Cela s’appellera “the american way of life”. (...) Et cela va mener dans les années vingt à la naissance de ce que le philosophe allemand Adorno nommera les industries culturelles, dont il dira qu’elles font système avec les industries de production matérielle ».
Et de poser la question : « À quoi servent ces industries : cinéma, radio, télévision ? À capter le temps de notre attention pour mettre nos comportements au service de la consommation. Et nous adorerons consommer de plus en plus, et passer la grande part de notre existence devant la télévision, devant les embouteillages et devant la télévision. Le capitalisme du 20ème siècle a capté notre libido et l’a détournée des investissements sociaux ».

« Le capitalisme a connu deux limites, poursuit Bernard Stiegler. La première : la baisse tendancielle du taux de profit. La deuxième, la baisse de l’énergie libidinale. Une troisième a été annoncée par René Passet dès 1979 dans “l’Économique et le vivant”. Il montrait que le capitalisme s’autodétruirait en détruisant ses propres ressources : pétrole, eau, motivation etc. (...) Or, le capitalisme financier tend à devenir mafieux. Le capitalisme est en train de s’autodétruire et ce n’est pas une bonne nouvelle : cela pourrait être bien pire que la Première Guerre mondiale. Il n’y a pas aujourd’hui d’alternative crédible au capitalisme. Alors que faire ? »

Dans sa conclusion, Bernard Stiegler répond à cette question : « Le 19ème siècle a été régi par le productivisme, le 20ème par le consummérisme. Aujourd’hui, nous savons que ces modèles sont ruineux. À quoi cela sert de développer des comportements de consommation qui détruisent la planète ? Il faut inventer un nouveau mode de vie.
Les gens sont pris dans un piège, ils sont intoxiqués, devenus dépendants de l’automobile, de la télévision. Le capitalisme consummériste du 20ème siècle a développé cette addiction et fonctionne sur cette base. Il a développé la capacité de contrôler notre inconscient et de nous manipuler. Tout cela peut et doit changer : tel sera le chantier politique du 21ème siècle ».
Le débat est ouvert pour œuvrer ensemble à ce chantier.

Roger Orlu

(1) Voir “l’Humanité” du lundi 15 septembre 2008, page 11.
(2) Voir “l’Humanité” du jeudi 18 septembre 2008, pages 14 et 15.

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