Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
A l'indépendant
Publicité
  • De Marx à Teilhard de Chardin, de la place pour (presque) tout le monde...
Newsletter
Archives
Visiteurs
Depuis la création 420 533
12 janvier 2009

Communiste et chrétien

par Bruno Cadez 

 

(Journaliste à Liberté hebdo, journal communiste du Nord de la France)

 

Aujourd'hui comme hier, la rencontre entre communistes et chrétiens, entre le communisme et le christianisme, sont possible, je dirais même nécessaire au moment où les interrogations sur le sens de la vie et de la marche du monde n'ont jamais été aussi vives.

 

L'Histoire, des clichés tenaces, font que ce que je vais dire ne va pas forcément de soi. Il se trouve pourtant des hommes et des femmes qui ont conjugué leur foi et leur engagement politique, jusqu'à adhérer et à militer dans une organisation communiste. C'est mon cas. De nombreuses années, j'ai cru pourtant que l'une était exclusive de l'autre. Catholique, très pratiquant jusque tard dans l'adolescence, j'ai ensuite violemment rejeté la religion, en même temps que je me suis mis à fréquenter la mouvance d'extrême gauche, libertaire, puis communiste. Je suis aujourd'hui membre du Parti communiste français (PCF). J'ai toutefois, au cours de mon expérience militante, même si je me suis revendiqué un temps athée, refusé de tomber dans le dogmatisme anti-religieux ("certains ont fait de l'athéisme leur religion" me dit parfois en souriant un ami communiste). 

 

Ce n'est pas très connu, mais Marx, comme Lénine, ont souvent critiqué, et parfois vivement, les "éradicateurs" de religieux. Marx était athée, mais il s'en prenait surtout à l'utilisation de la religion par les classes dominantes pour asservir le peuple - c'est en cela qu'il dénoncera "l'opium du peuple". Il ne s'opposait pas à la religion en soi. Il y voyait même un "cœur qui bat dans un monde sans cœur". Autrement, dit dans une lecture marxiste, la religion peut être utile dans le combat libérateur. D'ailleurs, j'ai la conviction profonde que mon engagement communiste s'est appuyé sur ce j'ai pu retenir de ma pratique chrétienne de l'enfance, ce Jésus qui me disait que "les derniers seront les premiers", "heureux les humbles", "aimez-vous les uns les autres"Y

 

Pourquoi le communisme ? Peut-être que la foi, justement, peut expliquer pourquoi j'ai ressenti le besoin de m'inscrire dans ce courant à la fois radical et populaire de transformation sociale. Sur ce chemin, j'ai aussi rencontré la pensée de Marx, qui m'a permis de découvrir que le "possible" pouvait être à portée de main, ici et maintenant, que le communisme n'était pas ce paradis à espérer dans 1 000 ans, mais bien ce "mouvement qui abolit l'état de choses existant" (Marx), cette capacité à mettre à nu les contradictions du capitalisme, à s'appuyer sur elles pour encourager le développement humain, plutôt que le capital. Aujourd'hui encore, plus que jamais, face à cette logique qui creuse les inégalités mondiales, encourage les valeurs boursières en même temps qu'elle plonge une grande partie de l'humanité dans la faim et le sous-développement, il n'y a jamais eu autant besoin de partage, de mise "en commun", de communisme. Voilà ce que signifie être communiste, aujourd'hui, selon moi. 

 

Partout, en permanence, poser la question des "fins" (que produit-on ? Pourquoi ? pourquoi?  le pouvoir, la politique pour quoi faire, au service de qui?), c'est-à-dire remettre les besoins humains essentiels au cœur du système, et remettre l'argent à sa place, c'est à dire au rang de moyen. Oui, communiste pour contribuer à donner du sens à ce monde qui se perd dans les méandres de la Finance toute puissante, en ne niant pas ce que ce mot porte comme lourdeurs historiques et sanglantes, mais justement en se cachant pas. Communiste, aussi pour ne pas oublier que l'appel à changer le monde peut avorter dans des tragédies, et qu'il faut donc s'emparer de l'héritage dans son ensemble.

 

Je ne nie pas que l'entreprise soit complexe. Qui plus est, en France, le PCF peine, je crois, à pousser plus avant ses efforts de renouvellement pratiques et théoriques, à articuler ses positions institutionnelles avec le besoin de donner au mouvement social de réels pouvoirs, à faire vivre l'idée avant la structure, le communisme avant l'appareil. Mais des choses bougent et je crois que l'ouverture qui avait été prônée par G. Marchais (incarnation lui aussi de multiples complexités et contradictions), dans son appel aux chrétiens lancé à Lyon en 1976, me semble être acquise. Ce n'est pas qu'une question de tolérance, mais une question stratégique essentielle. Si être communiste, c'est agir pour la mise en commun face à l'égoïsme, pour la démocratie directe face à l'autoritarisme patronal et étatique, cela implique de susciter en permanence le rassemblement susceptible de fertiliser le dépassement du capitalisme. A propos du communisme et du renouvellement théorique de celui-ci, un livre qui constitue pour moi une référence utile : "Commencer par les fins, la nouvelle question communiste", par Lucien Sève, philosophe, membre du PCF et considéré comme "refondateur".

 

Mais bien plus, je pense que foi et militantisme peuvent se nourrir et permettre une rencontre fertile. Pour tout dire, j'ai repris contact avec le milieu religieux depuis peu, à un moment de mon parcours où les difficultés de la vie, y compris dans mon engagement, me laissaient à craindre que le désespoir ne commence à prendre le pas sur l'espoir. Je retourne petit à petit au message chrétien, en raison de ce que je disais plus haut. Au fond de moi, la voix de Jésus ne s'est jamais tout à fait éteinte. Elle est synonyme d'espoir, de confiance surtout (c'est Eugen Drewermann qui évoque beaucoup la confiance. "Qui croit en moi, vivra". C'est profondément vrai. J'ai aussi découvert que je n'étais pas seul. Que certains chrétiens sont également engagés au parti communiste. 

 

Une recherche sur le Web, m'a amené à m'intéresser aux unitariens, dont j'apprécie l'ouverture d'esprit, la tolérance, la richesse de leurs travaux. Pour le moment, je continue de fréquenter l'Église catholique, la paroisse de mon quartier. J'y vais pour y entendre la parole de Dieu, méditer, prier. J'ai redécouvert la prière, qui me permet de ne plus m'accrocher à mes angoisses, mais à m'en remettre à ce que j'appelle Dieu, c'est-à-dire cette force créatrice, d'amour, qui m'ouvre ses possibles dans lesquels il me faut s'insérer. La dimension spirituelle offre, je crois, également un potentiel libérateur.

Tribune libre unitarienne  vol.2, no.1, 2006

 

Publicité
Publicité
Commentaires
X
JE SUIS GRECQUE ET PENDANT LA DICTATURE DES COLONELS J'AI MILITE POUR LA DEMOCRATIE,JE ME CROYAIT ATHEE MAIS JE PENSE QUE DANS MON COEUR IL Y A L'ECHO DES MOTS DU JESUS DU SERMON SUR LA MONTAGNE,LA RECHERCHE DE JUSTISE MARQUE MON MILITANTISME.JE NE PENSE A UN AU DELA ABSTRAIT MAIS JE TROUVE QUE LA GAUCHE ET LES CHRETIENS PEUVENT MILITER POUR UN MONDE QUI N'ECRASE PAS LES EXISTENCES HUMAINES SURTOUX CEUX ET CELLES QUI SOUFFRENT<br /> CHRISTINA DERVISSI
Répondre
L
C'est au plan scientifique que le communisme rejoint le catholicisme. Les études britanniques de Marx et Engels les ont conduits vers l'humanisme de la Renaissance, en berne depuis la fin du XVIe siècle, et notamment vers l'humanisme anglais, dominé par le savoir étendu de Roger Bacon, prolongé par celui de François Bacon.<br /> <br /> Joseph Ratzinger, théologien, a parfaitement raison de condamner Karl Marx et François Bacon ensemble. En revanche, il ment ou fait preuve d'ignorance en en faisant les pères du 'rationalisme' et de la polytechnique militaire.<br /> <br /> Cette vérité est en grande partie occultée par le fait que le catholicisme de la Renaissance est 'anticlérical', de façon beaucoup plus profonde et forte que le mouvement de la théologie de la Libération dans les années soixante ou soixante-dix ne le fut.<br /> Le catholicisme de la Renaissance ne conçoit pas la fondation de l'Eglise sur Pierre comme un moyen de préserver la vérité dogmatique des errements humains. Jésus n'a choisi ni le plus fiable, ni le moins brutal, ni le plus docte des apôtres, au demeurant.<br /> <br /> La Vérité, pour un catholique de la Renaissance, c'est Dieu et non une idée. Et Dieu n'a bien sûr aucun besoin de garanties juridiques pour se préserver contre l'erreur. Le dogme est fait pour l'homme et non l'homme pour le dogme.<br /> C'est ce qui conduit à interpréter François Bacon, par exemple, comme un savant peu chrétien, sous prétexte qu'il ne se répand pas en hystériques bigoteries comme Pascal ou Thérèse d'Avila.<br /> <br /> Il faut bien sûr tenir compte du fait que le combat de Marx et Engels contre l'idéologie allemande fut progressif.<br /> <br /> Pour résumer la convergence scientifique entre Marx et la Renaissance catholique, on peut dire que la rencontre se fait dans les pièces apocalyptiques de Shakespeare.<br /> Ou bien qu'un marxiste comme un catholique n'est pas disposé à gober cette idéologie selon laquelle c'est la terre qui tourne autour du soleil et non l'inverse, idéologie commune aux nullibistes chrétiens du XVIIe siècle (Descartes, Huygens, More, Newton) et aux libéraux laïcs qu'ils ont engendrés, idéologie dont le résultat significatif, si ce n'est le but, est de rendre la Bible incohérente avec la science (photographique).<br /> <br /> Un athée qui se passionne pour Shakespeare, cela ne se peut pas, à moins qu'il ne s'agisse d'un âne bâté, et ce n'est pas le cas de Marx.
Répondre
L
Merci pour votre témoignage. J'ai toujours eu, moi aussi, la conviction que christianisme et communisme (dans son essence même) étaient compatibles. Les Actes des Apôtres nous montrent que les premiers chrétiens mettaient tout en commun.<br /> <br /> Le problème, c'est que, quand nous adhérons à une organisation, nous en assumons toute l'histoire. Et il y en a eu des errances dans le P.C.! En Belgique, ce parti ne représente plus grand-chose. Dans le contexte belge qui est très complexe, il est très difficile de choisir son parti. Le P.S. reste en partie anti-chrétien. Le CDH (parti démocrate humaniste), ex-P.S.C (parti social chrétien) est un parti de gauche mais qui a une forte aile conservatrice. Bref, en Belgique, nous sommes un peu paumés quand on se veut engagé à gauche.
Répondre
Publicité