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16 janvier 2009

Là où se cache le Hamas

 

Le secteur H-1 de Hébron

Je suis rentré mardi soir, d’un troisième voyage en Palestine occupée et en Israël. Je me suis trouvé près de Gaza, là où les journalistes regardent de loin vu l’interdiction d’accès à la Bande de Gaza par Israël. Outre le fait que de voir le constant pilonnage (parfois jusqu’à une explosion à chaque minute) donne une réalité troublante de l’ampleur de l’offensive, outre l’incroyable violence des impacts (où les débris montent à des hauteurs qui donnent aux édifices adjacents des allures de nains), il me semble crucial de rapporter ici certains constats qui me sont venus lors de ce séjour.

Sans aucun doute, Israël a le droit de se défendre, il a droit de revendiquer la sécurité de ses citoyens et de prendre les moyens nécessaires pour qu’aucun d’entre eux ne vive dans la terreur. On comprend le souhait d’éradiquer le Hamas, un organisme obscurantiste et dangereux. Oui, les qassams doivent arrêter, tout comme doit arrêter l’occupation. La paix et la justice doivent s’installer en cette plaie ouverte avant que la gangrène n’infecte le monde entier.

Mais l’anéantissement du Hamas est-il vraiment ce que cherche Israël ?

Les mouvements comme le Hamas, ou encore le Hezbollah au Liban présent au Parlement malgré le massacre de 2006, se nourrissent du ressentiment, de l’humiliation et la souffrance d’un peuple, de son besoin de résistance et du besoin d’un avenir actuellement inaccessible. Le Hamas fait partie de ces groupes qui ont leurs lieux forts dans la tête et le cœur des gens, dans leurs rancunes et leurs douleurs. Inutile de chercher à les déloger par les armes, ils se cacheront encore plus profondément dans les âmes. Ils trouveront toujours des chefs pour se relever après les assassinats, ils trouveront toujours des armes pour crier, des actes pour résister. On ne peut pas nier à un peuple le droit d’exister et s’attendre ensuite à ce qu’il ne résiste pas. Et c’est sur ce besoin vital que le Hamas puise sa force. Il utilise la peur, l’humiliation, le désespoir et le manque pour grossir, pour vivre. On peut détruire tous les qassams de ses militants, ils reviendront encore et toujours, quitte à le faire avec les armes des plus pauvres d’entre les pauvres, les missiles artisanaux, les autos piégées, et finalement, le retour des bombes humaines. Faute de lancer leurs roquettes artisanales, ils feront sauter leur rancune, leur douleur et leur peur dans les autobus qui mèneront de l’enfance à l’horreur. Le trajet est simple. L’autobus est plein. On peut croire à la destruction des tunnels où ils s’approvisionnent, le plus puissant d’entre eux se creusera encore plus loin au cœur du désespoir des civils, des familles en deuils, des fils de « martyrs ». Ce tunnel, beaucoup plus profond, ne se comblera jamais par une surenchère de violence. Partout où je suis allé en Cisjordanie, là où le Hamas n’avait plus d’assises réelles ni de crédibilité, il m’a fallu constater son renforcement, voire, sa résurrection. Il a aujourd’hui la cote dans les passions. Par cette offensive, Israël dope le Hamas aux stéroïdes.

Déjà, la situation était insupportable. Sans eau, sans électricité, sans horizon autre qu’un mur de ciment de 8 mètres de haut, sans avenir autre que les camps surpeuplés, les checkpoints omniprésents, l’humiliation des permis, l’aléatoire des incursions, des emprisonnements, des assassinats sélectifs, des maisons détruites par punitions collectives, des oliviers rasés, du racisme le plus abject et des sanctions les plus répressives, des couvre-feux et des barrages, sans les composantes même de la dignité, la vie n’est plus qu’une bulle dans le narguilé de Dieu. Ne reste que les mosquées où se rassembler. Et les barbus récoltent autant de disciples que de poils à leurs barbes.

Cette dernière offensive vient cimenter le désespoir. Ont déjà explosés : les stations de police, les ministères de l’intérieur, des affaires étrangères, des travaux publics, de la justice, de l’éducation, du travail et de la culture, le compound présidentiel, le Parlement, le bureau du Premier ministre. La population en conclut que ce n’est pas que le Hamas qui est visé mais la vie même de la bande de Gaza et de ses habitants. Trois écoles de l'ONU ont été bombardées dont une où plus de 40 personnes qui y avaient trouvé refuge, ont été tuées. Quand apparaît l’argument des boucliers humains, il est bon de savoir que la bande de Gaza est l’endroit où la densité de population est la plus élevée au monde. On trouve dans le camp de Jabalya, plus de 100 000 habitants sur un à deux kilomètre carré. Les humains qui servent supposément de boucliers n’ont nulle part où aller.

L’ONU crie au cessez-le-feu immédiat, la Croix-Rouge blâme Israël comme elle l’a fait auparavant avec aucun autre agresseur, et pourtant, personne ne bouge : aucune sanction économique, aucune pression comme celle sur Cuba, sur l’Irak, sur l’Afghanistan…

Ou sur l’Iran. Depuis le début de 2008, les rumeurs de frappes américaines sur l’Iran pour pulvériser ses installations nucléaires faisaient l’espoir de certaines classes israéliennes. Cependant peu à peu, un recul aux États-Unis face à cette stratégie s’est fait sentir. Et finalement, avec l’élection d’Obama, une vague d’ouverture est plausible envers Téhéran. Les frappes démesurées sur le Liban censées viser le Hezbollah et celles, encore plus horribles, sur Gaza, envers le Hamas, sont des gifles dangereuses à l’Iran qui ne peuvent que nourrir la tension entre ces pays. Ce sont de nouvelles marches dans l’escalade d’un conflit déjà international. Certains prétendent déjà que c’est l’objectif visé, afin d’ouvrir les hostilités envers l’Iran, seule menace réelle de la région. Je n’ose croire en ce scénario.

Quoi qu’il en soit, il faut remarquer qu’un Hamas fort permettra toujours aux Israéliens de repousser l’idée de deux États côte à côte, remettant à jamais la création de l’État de la Palestine. Ces agressions ne feront qu’enflammer la rage des groupes armés de Palestine, les poussant à l’action et permettant une fois encore à Israël de se défendre, et ainsi de ne pas respecter ce envers quoi il s’est engagé, soit : l’arrêt de la colonisation1, la levée des sanctions et des sièges, et finalement l’arrêt de l’occupation et la création d’un État palestinien indépendant.

Ceci dit, ce qui est encore plus terrifiant, c’est que ce nouveau massacre à ajouter à la liste perpétuelle des insultes que vit depuis 60 ans le peuple Palestinien grossit également la haine et la rancune des autres musulmans à travers le monde. Partout, les musulmans se sentent humiliés. Ils s’identifient aux Palestiniens, ils savent que leur cause ne pèse que trop peu dans la balance de la realpolitik. Même si leurs gouvernements ne font rien. Il est évident que les barbus, que ce soient ceux du Liban ou de Palestine, ou encore plus inquiétant, ceux d’Iran, d’Afghanistan ou ceux d’Al-Qaïda, ou des autres copycats qui en découlent, eux, sauront capitaliser sur l’horreur de ce cette destruction massive. Plus la supposée riposte sera démesurée, plus seront alimenté la rancune et la haine. Et ce, face à Israël précisément, mais aussi face aux démocraties de l’occident en général qui en toute complicité, parfaitement conscients ce qui se passe, accélèrent leurs échanges commerciaux et diplomatiques en proclamant inlassablement l’impunité de l’État d’Israël.

 

Car qui peut encore prétendre croire à un ordre mondial basé sur la liberté et les droits individuels quand nos pays laissent des massacres d’une telle importance continuer sans rien dire, ni faire ? Qui peut encore prétendre croire à la justice, à la démocratie, à la bonne conscience de nos dirigeants quand on voit les droits fondamentaux des Palestiniens bafoués sans vergogne, et ce, depuis plus de 60 ans ? La Croix-Rouge tente déjà de poursuivre Israël devant les tribunaux pour crime de guerre. L’ONU passe une résolution de cessez-le-feu à 14 voix pour et une abstention et ce document ne reste qu’une lettre d’opinion de plus dans un journal banal… Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a adopté une autre résolution pour condamner « vigoureusement l'opération israélienne» et qui demande «l'arrêt immédiat» de l'offensive des forces armées israéliennes, en spécifiant qu’elle «s'est traduite par des violations massives des droits de l'homme et la destruction systématique des infrastructures» palestiniennes, exigeant également « qu'Israël cesse de prendre pour cible des civils ainsi que le personnel médical et les installations médicales… ». Cette résolution a été adoptée à 33 voix pour, 1 contre et 13 abstentions. La voix contre ? Le Canada. Notre gouvernement ! Le même gouvernement qui fut le premier à couper l’aide aux Palestiniens après l’élection du Hamas, avant même les Etats-Unis.

Nos gouvernements sont coupables d’une augmentation des tensions qui risquent fort d’être explosive. Nous devenons alors la vache à lait de cet ennemi invisible et omniprésent, en alimentant sa source de vie qui est cette rancune, ce désespoir. Nous devenons l’ennemi.

L’impunité complète face à ses actions qu’Israël possède dans le monde doit cesser. Et accuser tous ceux qui s’y opposent d’antisémitisme, censurer toute opposition, ne peut que mener à l’horreur. Quand un peuple ne peut plus faire son autocritique, quand il est sourd à toute critique extérieure, il marche alors inévitablement vers l’inacceptable. Le fait qu’Israël soit issu de l’oppression infâme des Juifs tout au long de l’histoire ne lui donne aucun droit à l’oppression, ni aucune circonstance atténuante.

Il y a moins d’une semaine, je marchais dans les rues désolées du secteur H-1 au centre ville d’Hébron, centre industriel du sud de la Cisjordanie. À Hébron, 400 colons y vivent protégés par 2000 soldats. Les chiffres varient d’après les sources, mais le rapport reste le même. Et lorsqu’on marche dans le secteur H-, contrôlé par les soldats Israéliens où les colons résident, il est facile de constater l’écart entre les soldats et les habitants. Les soldats sont partout. Certains sont en colère envers les colons qu’ils considèrent comme les plus radicaux de tous les radicaux. C’est à Hébron que Barush Goldstein colon radical a ouvert le feu en 1994 pendant la prière, dans la mosquée Ibrahimi, le caveau des Patriarches où repose Abraham. 29 morts sur le coup. C’était un fou, me direz-vous, un fanatique… Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que dans East Har Hevron, la colonie qui borde le secteur H-1, une stèle a été érigée en son honneur au milieu d’un parc.

À la sortie du secteur H-1, j’ai croisé un Palestinien, commerçant dans une des deux boutiques encore ouvertes pour les touristes. Je lui ai demandé, comment va la vie ? Il m’a répondu : On ne peut pas demander à un homme sans emploi comment va le travail ou à un célibataire, comment vont ses amours… C’est pareil pour nous avec la vie.

Si vous voulez qu’ils arrêtent de tuer au nom de la vie, donnez leurs le sentiment d’en avoir une.


Philippe Ducros
Montréal

hotelmotel@lecabinet.com

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Commentaires
A
sur le forum de Chancogne, vous dites que votre article a été censuré par Bellaciao<br /> <br /> c'est faux, il est ici :<br /> <br /> http://bellaciao.org/fr/spip.php?article78301<br /> <br /> avec ses commentaires...
Répondre
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