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  • De Marx à Teilhard de Chardin, de la place pour (presque) tout le monde...
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29 juin 2009

L'étranger dans les manuels algériens de littérature, par Djohar Khater

   

Introduction:

« Tout ce que tu dis, parle de toi: singulièrement quand tu parles de l’autre. », disait Alain. Les manuels de littérature arabe des lycées algériens n’échappent pas à cette règle. Ils servent prioritairement à l’ancrage des composantes de l’identité nationale telle que la conçoivent les autorités publiques. Car, même si leurs concepteurs affichent dans les préambules la volonté d’en faire un moyen d’ouverture des récepteurs sur le monde, l’objectif de cette démarche n’en est pas moins de renforcer le moi identitaire et la cohésion du groupe par la dévalorisation des hors-groupes. Aussi serait-il intéressant de savoir si la dominante dans les représentations de l’étranger, quoique rares dans le corpus littéraire, est négative ou positive, et ceci étant, en quoi l’étranger est celui dont le savoir et la sagesse ou les égarements et les perditions, sont enrichissants et édifiants, soit, quels traits culturels saillants ont fait ou font  sa puissance et sa grandeur ou , tout au contraire, sa déroute et sa ruine ? L’image dominante ne  sert-elle pas  à  donner bonne conscience et à maintenir le statu quo ? C’est ce qui nous essayerons de mettre à jour à travers la lecture des images véhiculées par les  manuels  sur l’étranger, et par celle des non-dits et des omissions, replacés dans leurs contextes respectifs.                                                                                                                                                            

L’école, un lieu d’enculturation :

C’est le contact  qui permet que la culture soit, et qu’elle se transmette. Dans l’enseignement, précisément, ce sont des hommes et des petits d’hommes qui s’adonnent ou se soumettent  aux  règles du contact, telles que dictées par la culture et aux règles de cette dernière.

C’est donc le plus naturellement que les enfants acquièrent  une image de leur propre culture maternelle. Mais l’enseignement qu’ils reçoivent à l’école leur permet en outre d’acquérir une image de la culture étrangère. Par les éléments culturels insoupçonnés qu’elle introduit dans leur sphère de vision, cette dernière  est un vecteur indéniable de changement,  dans certains aspects de leur identité culturelle. Sans que cela n’entame, cependant,  son image d’ensemble ou celle considérée comme telle: c’est que la culture diffusée est un prolongement de  la culture maternelle ou officielle, une idéalité. Elle reflète l’image que le groupe veut donner de lui-même et des autres. En ce sens, il est dans la tradition de la culture scolaire d’affectionner les représentations, car elles permettent les schématisations qui peuvent orienter l’opinion collective, et ce à travers les images qu’elle valorise.

Ces images, illustrent  la : « représentation que se fait un peuple, (une nation, une ethnie) de lui-même (auto-image) ou d’un autre peuple (hétéro-image). Le terme de représentation souligne le caractère médiat de ces images, généralement transmises par la littérature ou par l’histoire, et qui affleurent à la conscience collective sous forme d’opinions. En ce sens, toute image a un certain degré de réalité, mais cette réalité est devenue psychologique, donc subjective ; elle est faite d’un ensemble de signaux à partir  desquels l’opinion d’un peuple croit pouvoir se reconnaître ou reconnaître un autre peuple, ces signaux étant toujours chargés d’affectivité.» (Georges Michaud, 1971).  Laquelle affectivité s’insère dans la réalité du groupe et le sert ; s’inscrivant dans sa culture que ce faisant elle reproduit, elle permet à la collectivité de se reproduire.

L’école, lieu de socialisation :

Aussi,  définir une  culture, en parler, c’est nécessairement se référer à un mode de socialisation, à un type de personnalité et donc à une éducation. La société, la personne et la culture ne peuvent être conçus séparément. Les définitions de l’enculturation et de la socialisation aussi nombreuses soient-elles, le prouvent. Appartenir à une collectivité, c’est  se reconnaître dans le Nous collectif ; c’est s’identifier assez à ce Nous pour y puiser, du moins pour  une part, sa propre identité psychique et sociale. Ainsi, l’adaptation aux autres  apparaît comme le résultat continu de conditionnements commencés dés la naissance, et par lesquels se façonnent des besoins et des goûts, des sentiments, des manières de penser , de réfléchir, de sentir et de voir.

Autrement dit, enculturation et socialisation sont deux façons de désigner ou de définir un même processus de la formation de la personne, puisque celle-ci intègre par une série d’acquisitions continues,  des traits culturels qui lui permettent de s’adapter à son groupe. C’est de cette liaison essentielle entre la formation de la personne et son adaptation à son  environnement que résulte la personnalité profonde ( André Thévenin, p 115).

De ce long apprentissage, naissent les connivences  entre les hommes et les choses. C’est ce qui explique le malaise en dehors de la culture du groupe, la disharmonie entre l’étranger fondamental et son nouveau milieu.   

…D’où la difficulté d’être étranger

  L’étranger, cet homme venu d’ailleurs, reste souvent  par la  présence  en lui de tout  ce qu’il a laissé  loin derrière lui, très attaché  à sa culture d’origine réactivée aussi bien par les liens  familiaux  ou leurs souvenirs et la fréquentation de compatriotes. Elle est le moule qui façonne  sa structure psychique, qui conditionne son affectivité, et elle  représente son système de référence de base. D’où son  attitude vis-à-vis de la société d’accueil ; une attitude qui n’est  pas forcément positive, quel que soit son statut, qu’il vienne de la civilisation dominante, même si dans ce cas de figure, il a le beau rôle, ou de celle dominée, dont la dépendance envers la première, selon Ibn Khaldoun, le cantonne dans le rôle d’imitateur du dominant dans les aspects culturels auxquels il peut accéder ( manuel 3, p 35/36). 

Les facteurs de cette inadaptation ou de ce malaise souvent paroxystique en terre étrangère, de surcroît de culture dominante,  sont dus aux représentations fortement entachées d’ethnocentrisme, de racisme et de

chauvinisme, transmises par les cultures sociales respectives, et par les institutions éducatives entre autres et intériorisées aussi bien par le groupe d’accueil que par l’émigré. Tiraillé entre deux  modèles culturels aux exigences inconciliables, ce dernier ne peut éviter l’écartèlement et le déséquilibre. C’est qu’à  chaque fois qu’un individu appartient à deux groupes différents dont les normes sont opposées, il peut avoir du mal à être considéré ou à se considérer comme membre à part entière de l’un ou l’autre groupe (André Thévenin, p 116). 

Ces oppositions sont visibles dans le comportement global par exemple, des  populations brusquement transplantées dans des zones aux us et coutumes différents des leurs et qui en sont désorientées. Elles expliqueraient  également certaines attitudes réactionnelles ou anxiogènes observées  dans des populations réfugiées, émigrées ou rapatriées car « les immigrés sont obligés, en s’expatriant, de se séparer de leur culture, leur être premier, et  leur identité profonde  » ( Tahar Ben Jalloun, 1978).

D’où  la double exclusion; une première auto-exclusion nécessaire à l’adaptation à laquelle s’ajoutera  celle provenant  du regard et des attitudes  de l’autre. Le  combat à mener  s’annonce alors sans répit: résister à l’envahissement par l’autre, refuser la secondarité dans un champ culturel qui exige qu’on  renonce à sa langue et  par là même à son être intime, mais qui dans le même temps se refuse à l’autre, et se ferme à lui, car étant d’ailleurs.

Voilà qui autorise toutes les dérives : le sentiment exacerbé de mépris, d’injustice ou  le déni de  vie, pour des raisons culturelles, raciales ou nationales qui vont de l’auto-glorification à la haine de l’autre, peut à l’échelle d’une communauté, d’une nation ou simplement d’un groupe ou d’un individu,  déboucher sur des drames.   

L’UNESCO : Une école pour la paix :

Contre ces dérives et ces drames, l’Unesco a émis dés la fin de la deuxième guerre mondiale, des recommandations jugées nécessaires pour enrayer les dangereuses manifestations d’ethnocentrisme, de racisme et de nationalisme exacerbé dans les manuels scolaires et qu’y soit inculqué le sens du respect des cultures et des peuples pour  favoriser la paix dans le monde. Car l’école peut à juste titre jouer un rôle crucial dans l’acquisition d’un regard sinon bienveillant, du moins non agressif envers l’autre, de surcroît s’il est étranger – quand bien même il ne serait qu’à quelques encablures de ses frontières nationales  - en le représentant sous un jour avantageux, loin des stéréotypes stigmatisants.

Depuis, des modifications de fond ont été apportées aux supports éducatifs de toutes sortes dans ce domaine précis par des pays tels que le Japon, les Pays Scandinaves et la Belgique, avec pour ce dernier, les travaux de Luc Collés. Mais en règle générale, les ajustements à ces valeurs d’échange et de dialogue restent à ce jour insuffisants, bien que concrètement inexistants jusqu’en 1975 (Roy Preiswerk et Dominique Perrot, p15), ce qui est regrettable. Si le contact des hommes est la condition qui permet  la culture, ce contact est, par la  voie de l’école,  ce qui permet la rencontre des cultures, puisque l’enseignement peut éveiller à d’autres réalités.

L’école peut en effet constituer  une ouverture sur d’autres visions des choses, d’autres façons de vivre et de penser.  Elle peut en sensibilisant à l’existence d’autres traits culturels, aider l’élève à dépasser l’ethnocentrisme débordant et aveugle, ce qui est en soi, selon A.Thévenin, est une initiation, et dans un second temps une participation à ce qui est autre. C’est une ébauche de  reconnaissance de cette altérité, qui conduirait  une décentration,  et une incitation  à regarder autrement  sa propre culture.

Il est cependant hors de doute  que cette ouverture de l’enseignement sur d’autres horizons,  son  respect des cultures des hors-groupes, puisse    mener  à l’assimilation de traits culturels étrangers,  à l’intégration de ceux-ci, tels quels dans la culture globale d’accueil ( A.Thévenin, p 72). Et ce, bien qu’elle permette assurément une acculturation enrichissante, car fonctionnant selon son modèle propre.

Délimitation du champ de recherche : 

1-En ce sens, l’objectif de cette lecture est non pas de plaider une acculturation aveugle et bête, mais de débusquer les déformations inhérentes à l’ethnocentrisme, au racisme et au nationalisme à l’école.  Déformations qui visent à renforcer la cohésion du groupe contre les hors–groupes par un jeu intense de valorisation de soi et de dévalorisation des autres et à légitimer l’ordre établi. Et ce, par l’étude de l’image de l’étranger dans les manuels.

2- Les manuels ciblés sont ceux de la littérature arabe de la période post-indépendance jusqu’à 1989, le quatrième, facultatif, édité en 1979 a perduré jusqu’à 1989  et deux autres édités l’un en 1996/ 1997, l’autre en 2005/ 2006 ( six en tout). Les manuels d’arabe ont, à cause de leur support linguistique (même controversé) un impact plus large que ceux des  langues étrangères, dont le français, pourtant langue étrangère dominante ( ou butin de guerre, c’est selon...).

L’identité est le thème récurrent du corpus littéraire de ces manuels, puisque l’un des objectifs de la discipline est la mise en valeur des composantes de l’identité nationale et de l’appartenance civilisationnelle de l’Algérie. Pour ce faire, le recours au passé est la voie favorite. Les gloires et les drames sont revisités, exposés. L’autre, qui en fit partie ou l’autre tout court, est également mis sur scène. Tant il est vrai que parler de l’autre, c’est d’abord et avant tout, parler de soit.

3-L’autre, précisément l’étranger, dans ces manuels, est le non-arabe et son monde. L’arabe lui, est le frère, issu de la même matrice : la civilisation arabe. Appartenant à la même aire civilisationnelle, les arabes, qu’ils soient d’Orient ( El Machrek) ou d’Occident ( El Maghreb ), partagent les mêmes constituantes identitaires, l’arabité et pour la plupart, l’islamité. En sus d’un passé commun, ils ont tous connus les affres de la domination étrangère sous une forme ou une autre. La similitude de leurs problèmes actuels, est soulignée à dessein. C’est ainsi que  malgré les frontières qui séparent les peuples, les régimes politiques qui différent d’un pays à un autre, les dissensions et les désaccords permanents entre les dirigeants, la Nation arabe est une évidence dans ces manuels, tout autant que l’identité arabe. De ce fait, l’étranger est celui ou ce qui est hors du  champ arabe.

  Au sens classique donc, l’émigré est celui qui s’est arraché à ce vaste champ pour vivre en dehors : l’émigration est extra-muros. Elle se fait et se vit dans la douleur. Elle est telle dés lors que l’enceinte du monde arabe a été franchie. Ceci pour le discours, la réalité étant moins reluisante. En fait,  les barrières sont là, délimitant les territoires, et tout un chacun du dedans (soit un arabe)  qui a franchi ses frontières nationales,  même s’il n’a pas quitté celle de l’Oumma, est  considéré comme étranger.    

 

C’est pourquoi le thème de l’émigration, clairement énoncé dans ces manuels, est abordé à travers les poignants  poèmes de la littérature du Mahjar ou de l’immigration en Amérique , dont ceux d’Ilyas Ferhat et d’Iliya Abu Madhi . Ce dernier  quitta le Liban pour l’Egypte en 1900, puis émigra aux U.S.A en 1911 et y resta jusqu’en 1957, date de son décès à New York. Comme ses compatriotes émigrés, il pleure  sa jeunesse et sa quiétude perdues à New York, cet océan de fer et de féroce compétition, où s’est diluée sa langue chantante et sa culture orientale qui illumine dans ses souvenirs les visages des Libanais...Il dit, à l’instar des autres exilés, sa fierté d’appartenir à l’Orient, sa nostalgie poignante du pays et    des siens, plus chers à ses yeux que tout au monde, mais qu’il a dû quitter dans la quête d’un mieux-être. Car les étrangers ont tout accaparé, ne laissant aux dominés  privés des  moyens de subsistance, que la terre pour s’y coucher ( manuel 3 – p 133/134, 371).

A ces textes, s’ajoutent deux autres : l’un de Abu Tayeb El Mutanabbi ( 303/354 de l’hégire ; 925/976 de notre ère), jouissant en terre conquise de Perse, lors d’un voyage officiel, de la féerique beauté des paysages de la vallée de Buwane, tout en se sachant étranger à la contrée et en se sentant dépaysé ( manuel 2 – p 105). L’autre, datant de 1978, soulève à travers le manuel de 1996 le problème de la perdition de la jeunesse algérienne émigrée en France à cause de la mal vie quotidienne ; une mal vie d’une intensité telle que la rupture avec le pays d’origine est inéluctable ( manuel 5 - p 241/242).    

Nonobstant la diversité des réalités qui ont suscité le déplacement des uns et des autres, il est cependant clair que l’expérience est loin d’être agréable et n’est souvent ni une réussite, ni un moment de plaisance, bien au contraire. Mais les véritables facteurs de cette tragique ou pour le moins triste situation, soit  l’ethnocentrisme, le racisme et le nationalisme chauvin, n’en sont pas moins tout à fait occultés.  me drame de l’émigré, cet autre par l’ethnie, la race ou la nation ou par ces trois facteurs regroupés, n’est-il pas dans l’intériorisation des attitudes inhérentes aux appartenances sus-citées et le rejet des autres, aussi bien par lui-même et son groupe d’origine, que par le groupe d’accueil, grâce entre autres aux institutions éducatives ?

Quelles sont donc les représentations de l’étranger par rapport au moi, à travers les étapes traduites par les manuels ?

-Dans les manuels post-indépendance, jusqu’à 1989, de même que dans les manuels d’histoire occidentaux  et précisément français de la période jusqu’en 1977, le réflexe identitaire est à son comble, suscité par les traumatismes de la décolonisation et par projet de la reconstruction nationale de ce côté-ci de la Méditerranée et de la construction européenne de l’autre.

Dans ces manuels algériens, aucun texte étranger, à l’exception de Kalila wa Dimna ( trad. arabe d’ Ibn El Moukaffaâ ( né et décédé en 106/145 de l’hégire ; 728/767 de notre ère )  du célèbre récit hindou «  le Livre des animaux ») ( m2- p.131/132 ).

Des représentations  négatives

  • Du passé de l’Occident:

Les représentations de l’étranger majoritairement occidental, disséminées dans  les textes, les mots ou les paragraphes, sont globalement négatives. Ainsi, sont dévalorisés et discrédités les grands philosophes grecs et latins pour leur ridicule vision de la femme ; laquelle vision a perduré et a coûté la vie à la jeune et resplendissante Hépathya, lapidée au quatrième siècle en Alexandrie pour avoir aimé et enseigné la philosophie néo-platonicienne ( m3- p.212/213), les Généraux des armées adverses et leurs  collaborateurs pour leur couardise qui les fait fuir devant les Califes ( m2-p .45, 48, 93, 95, 216)  .

  L’extermination même, de la population de Tolède par les musulmans est revendiquée comme une vengeance divine pour apaiser les cœurs meurtris des musulmans    ( m 2 –p.273).  Tandis que les Croisés combattus par Salah Eddine en l’an 583 (1205 de notre ère) pour reprendre Jérusalem,  sont comparés à un tas d’immondices ( m 2- p 197) ...Les Romains sont de mœurs dépravées selon Cléopâtre, qui met ses domestiques  en garde de jamais les imiter  ( m3- p 105). Et de façon générale, ce sont les auxillaires d’origine non arabe et les esclaves affranchis, intrigants et  conspirateurs qui semèrent la zizanie au cœur des palais des Califes, provoquant la décadence de la civilisation  musulmane ( m2- p.79) . 

  • Des noirs :

Ces derniers « ezzing », sont méprisés. Leur cruauté est  décrite par Ibn Errumi à travers un poème de 2 pages qui décrit la destruction de la ville de Bassora en l’an 275 de l’hégire par incinération, ainsi que le massacre de ses  populations  (m2- p 86/89).    Leur caractère fourbe et mesquin, leur puanteur sont mis en index dans un poème  satirique visant  Kafur El Ikhchidy, Gouverneur noir d’Egypte ( m 2 – p 308 ) par El Mutanabbi ( 303/354 de l’hégire ; 925/975 de notre ère), connu pour être le plus grand des poètes arabes de toutes les époques. Cette absence de mesure est le trait de caractère dominant des noirs ; l’esclavage en est l’aboutissement. Un texte décrit le déni de droit et de dignité qui les frappe aux Etats Unis d’Amérique, où ils sont humiliés et surexploités (m3- p .377).   

  • Des politiques   et sciences contemporaines :

Dans ces manuels, les occidentaux, français en tête, sont la première cause du sous-développement, voir de la misère des peuples arabes en général (m3- p88, 375 );  peuples qu’ils ont écrasés par une exploitation impitoyable et auxquels ils répondirent, quand ils voulurent défendre leur liberté et leurs droits spoliés, avec une barbarie telle que la nuit s’emplissait de bombes et de mort, que le ciel tonnait menaçant et l’horizon flambait et noircissait (m3- p 136 ; 86/88).

Faisant suite à la dénonciation du fait colonial dans sa nuisibilité, la science et la technologie modernes, d’essence et de conception occidentales, sont péremptoirement rejetées. Ainsi, le savoir occidental est tourné en dérision et les découvertes et inventions  technologiques  diabolisées, tel le sous-marin, ce monstre destructeur, et la conquête spatiale  qui a avili  la lune et terni sa beauté    (  m3- p 98/99 et  417/418) . Dans la même trajectoire, la  vie citadine mécanisée, est méprisée au profit de la vie bédouine, via l’Emir Abdelkader, à travers un poème de 2 pages (m3- p 64/65 ).

  • Supériorité   des arabes sur les autres :

Il est évident que les Arabes auxquels, selon l’école algérienne, s’apparentent les Algériens,  sont encensés tout au long des  corpus. Sont valorisés également à travers les para-textes, les Arabes originaires du Machrek, qui restèrent fidèles à leur culture  d’origine. La  compétence avérée de ces derniers, dans des champs spécifiques du savoir,  a  joué  un rôle déterminant dans la transmission des connaissances du Machreq au Maghreb, lequel contribua grâce à ces échanges et  liens  à l’essor de la civilisation musulmane, tels Ibn Rashiq El Kairawani, d’origine yéménite, ( 390/456 de l’hégire ; 1012/1078 de notre ère)  né à Msila  en Algérie et que la quête du savoir mena des royaumes du Maghreb jusqu’en Sicile  ( m2- p.145/158 ); ou Ibn Khaldoun ( 732/808 de l’hégire ; 1354/1430 de notre ère ) , d’origine yéménite également , né en Tunisie et connu dans les contrées du Maghreb , du Machreq  et de l’Andalousie ( m3- p.26/36 ). Quant aux  acculturés,  tels que El Maâri( 363/ 449 de l’hégire ; 985/1071 de notre ère ,  m2 – p.115)    ) ou Ibn Hany ( 326/363 de l’hégire ; 948/985 de notre ère,  m2 – p 215 )   … et ceux dont la singularité d’origine a résisté à l’effacement total, tels  Abu Nawas, d’origine persane ( 145/ 199 de l’hégire; 767/821 de notre ère, m 2- p 5    ), ou  Ibn  El Mukaffaâ, d’origine persane ( né et décédé en 106/ 145 de l’hégire ; 728/767 de notre ère, m 2- p 124  )... les préambules rappellent  qu’ils ont été accusés  d’hérésie ou d’ hétérodoxie : le plus grand des crimes en Islam. Ce qui a fait encourir à certains d’entre eux la peine de mort.

L’ambivalence des images positives     

  • Des femmes :    Les seuls étrangers cités en tant que personnages positifs , à travers   deux longs textes sont deux femmes. L’une est victime des mentalités   rétrogrades des hommes de son époque envers la femme et notamment   envers celle qui détient une prérogative traditionnellement masculine,   ici le savoir. L’autre est une jeune et gracieuse japonaise qui s’engage   volontairement pour servir les contingents japonais sur un champ de   combat.

May Ziyada, écrivaine féministe d’origine libanaise (1886/1941), retrace, à travers le premier texte, la malheureuse expérience d’une femme qui finit lapidée dans les rues d’Alexandrie au début du 4e siècle pour avoir voulu enseigner et vulgariser la philosophie néo-platonicienne, en l’occurrence la jeune et belle Hépathya, fille Théonyos, le célèbre mathématicien. Le texte met en valeur le valeureux combat des femmes à travers l’histoire et le drame auquel confinait leur vie. Il donne à réfléchir sur les conclusions à en tirer (m3- p.213) : il est mortel de se hasarder sur les chemins interdits. Discrédités pour cette barbarie, les grecs donnent néanmoins la leçon.

L’autre, de Hafiz Ibrahim (1872/1932) a été conçu pour engager les hommes de son pays, l’Egypte, à sortir de leur indolence et à s’armer de courage. Et ce, afin de faire la guerre à l’ennemi à l’instar de la téméraire jeune et belle japonaise qui préféra s’exposer à la mort  et soulager ses frères blessés à  une vie sans dignité (m3- p.115/116 ). En réalité, ce personnage qui est sensé servir de modèle pour la gent masculine, devient un modèle négatif dés lors qu’il s’agit de l’éducation préconisée par H.Ibrahim aux femmes de son pays( même manuel).

  • Des chefs - d’eouvre   : Pour ce qui est des chefs-d’œuvre artistiques et architecturaux,   produits du génie arabe et islamique, ces derniers sont minutieusement   décrits, valorisés, admirés. S’ils sont touchés par la détérioration   ou la destruction, pleurés, plaints et déplorés. Par contre, ceux   des civilisations antérieures à celle des arabes ou étrangères à   elle, jusqu’aux merveilles universellement connues et aux savoirs   à l’efficacité irrécusable en Mésopotamie, en Egypte, en Chine,   au Japon, en Inde et en Amérique, sont superbement ignorés. Cependant,   il est fait référence à 2 d’entre eux, exceptionnellement, et à   titre d’illustration de certains genres ou prouesses poétiques arabes.   Pour la didactique, l’attention a échu à une strophe de la versification   de Abane Ellahiki (décédé en 205 de l’hégire ; 827 de notre ère)    de la version arabe de Kalila Wa Dimna, et qui loue en 3 vers,    les mérites du Livre des ruses, des drames et des dures réalités   du monde, énoncées par et à travers les animaux ( m2- p 190).

Pour la poésie raffinée, la palme revient à El Buhturi ( 206/284 de l’hégire ; 828/906 de notre ère ), en tant que  poète du Beau, dont les poèmes sont des «  chaînes en or » aussi bien par le style bien particulier que par certains des thèmes inédits jusqu’alors dans la poésie arabe, tels la description des vestiges des civilisations en tant que sites historiques touristiques... Le texte dont la moitié seulement est présentée, est la célèbre Siniya ( par référence au S de la rime de l’ensemble du poème). A travers sa Siniya, El Buhturi  fait le parallèle entre la splendeur passée du Palais Madaiene de l’empereur de Perse Anu Chirwan - situé dans l’ancienne capitale du pays -  et sa  décadence présente  qui n’en dit pas moins la magnificence et les bouleversements qui ont chassé ses beaux jours,  chamboulant sa vie et provoquant son malheur. Or, s’affliger de l’état délabré du palais « Le plus blanc de Madaiene », le plaindre, c’est pleurer son propre sort de vedette déchue et son bonheur perdu ( m2-p.59/74).  Si le poète donc s’identifie à cette merveille délabrée et à ses anciens occupants  et compatit à leur détresse, c’est pour y trouver un réconfort  et y puiser le courage de supporter les épreuves de la vie.

Homme ou chose,  l’étranger, c’est évident,  est accessoire dans les deux cas de figure : les deux genres de poèmes dont il vient d’être question  aussi bien que  les modèles féminins cités plus hauts. Rien de ce qui étranger ne vaut pour lui-même, en tant qu’être singulier, dont la particularité mérite attention et considération, pour ce qu’elle est. Et ce, même si d évidence, rien n’est fortuit dans un manuel, ni gratuit, et qu’une  fonction bien déterminée est assignée  à toute représentation.    

- Repli identitaire/ Ignorance de l’apport de l’autre

 

Il est clair qu’à ce stade, le repli identitaire est  extrême. Ainsi, en tout cas, le laisse entendre le discours des manuels, traduction sur le terrain du discours officiel qui prêche l’anti-colonialisme et l’anti-impérialisme pur et dur pour susciter l’adhésion des masses et les rassurer. L’introduction du m3 affirme bien que ce dernier a été conçu dans un esprit d’ouverture sur le monde, mais rien dans le corpus n’est venu concrétiser cette déclaration d’intention.    La preuve en est que ces étrangers,  toutes nations confondues, pourtant amis de l’Algérie, n’y ont pas droit de cité, ni d’ailleurs, aucun extrait d’une de leurs œuvres. Pourtant, persécutions, traumatismes indélébiles quant ce n’est pas la mort, sont autant de preuves ultimes de l’engagement total, sincère et désintéressé, de ceux qui ont choisi le camp des opprimés, souvent contre celui des leurs. Rien n’y fait. L’étranger, quel qu’il soit, est ennemi : il constitue un danger pour l’Oumma ou la Nation. C’est ainsi qu’il doit être perçu. La cohésion sociale et la stabilité sont à ce prix, semble-t-il. L’idéologie ne s’embarrasse pas de vérités. Il y’a les bons d’un côté et les méchants de l’autre : ceux qui ont transgressé les normes des deux camps, qui ont choisi la vérité de l’autre, sont des traîtres...D’où ce silence si lourd de sens...

De fait, les traîtres de la cause collective, n’existent pas, comprend-on à travers l’exécution de Ali Chekkal. L’élimination de ce traître notoire, alors même qu’il se trouvait aux côtés du Président français à Paris, par un Moudjahid algérien est une fierté et un soulagement pour le poète Abdesslam Habib, qui rapporte l’événement (m3- p.322). S’il existe de fortes raisons de politique intérieure à ce rappel, comment expliquer l’absence de reconnaissance envers ces hommes d’ailleurs,  qui avaient pour la plupart renié l’idéal belliqueux de leur mère patrie et sa raison d’Etat.

La chape de plomb imposée à leurs sacrifices  signifie t-elle le déni officiel continu de la France pour ses  traîtres d’hier ? Ou que l’alliance avec l’ennemi contre son pays, même pour une juste cause, est un crime impardonnable  sanctionné par l’oubli par ceux-là mêmes auxquels a bénéficié l’acte et  par conséquent, que ces hommes sont loin de constituer des modèles ? Ou  simplement et plus généralement encore que l’idéal révolutionnaire n’est plus à l’ordre du jour, et à tel point, qu’un homme comme France Fanon. qui n’a pas réagi à la bêtise coloniale par objection de conscience , mais par esprit de solidarité humaine, est banni des manuels, non seulement en tant que militant de la cause nationale mais aussi comme scientifique et auteur de certains des plus pertinents livres de l’époque.

Paradoxalement,  l’ingratitude est moins crasse dans la réalité, puisque le nom de certains de ces martyrs illustre parfois une place publique ou un établissement scolaire, telle la place Maurice Audin, le lycée Frantz Fanon,...Cependant, l’histoire de ces hommes hors du commun est en règle générale méconnue ou pas du tout (celle des nationaux ne l’est pas moins).

- Primauté de la raison d’Etat :

L’intérêt supérieur de la nation, en tant qu’entité politique, doit laisser loin derrière, toute  autre considération même d’essence humanitaire. Ceci est d’autant plus clair, que l’amour de la Nation  est déclaré prioritaire par rapport à toute autre question. Ainsi, la déclaration d’amour de Iliya Abu Madhi, qui chante l’amour des  hommes quels que soient leur religion et leurs rites, car issus tous  de l’Esprit,  seule et unique religion,  et qui invoque la tolérance, le rejet du fanatisme et le bien vouloir, est  vidée de sens. C’est que les idées d’Iliya Abu Madhi, de confession chrétienne, sont opposées aux recommandations de l’Islam, contre lequel il est accusé de s’insurger ( m3-p.131 ; 353 ).

 

A l’opposé, Ibn Badis,  symbole national contemporain de la renaissance islamique en Algérie, déclare qu’il est du devoir de tout être humain de respecter les religions et les nations, car l’Islam respecte l’humanité dans toutes ses composantes. C’est  pourquoi, œuvrer pour sa Nation propre est le premier pas de l’homme  au bénéfice de l’humanité..../ ...Il dit ailleurs : « Nous aimons l’humanité, nous la considérons comme un tout. Et nous aimons notre Nation que nous considérons en faire partie...Nous aimons celui qui aime l’humanité et la sert, mais nous haïssons celui qui la hait et lui nuit. » ( m3- p 261 ; 394 )  Enoncées dans un contexte , celui de la colonisation, ces paroles avaient un sens et une portée certainement autre que celui dans lequel elles sont exploitées. La nation, est au cœur de ces discours du passé,  instrumentalisés en temps d’indépendance. 

C’est que l’Algérie monolithique que l’on envisage de construire n’a nul besoin de ces modèles hautement humanitaires dont l’absence est signalée, ci- dessus. Et,  s’il faut se rappeler les sacrifices consentis pour l’indépendance, tels que les rappelle Mohamed Elaïd El Khalifa, à l’occasion de l’Aïd El Adha 1965, dans un poème intitulé : « Auprès des tombes des martyrs », c’est en  sanctifiant les acteurs dans les cœurs, l’Algérie étant devenue, grâce à eux, en période d’Indépendance, un Paradis de paix et de bonheur ( m3- p 119/120). Un autre texte, rappelant les horreurs de la guerre et le supplice des hommes, raconte l’héroïsme et le martyre de A. Zabana (exécuté par pendaison à l’aube de juillet 1955, à la prison de Barberousse, à Alger) pour son pays ; texte rarement lu et jamais étudié du fait de la place qui lui échoit en fin de manuel ( m3- p.420/421 ).

Libéré du joug colonial, le pays  a  enfin accédé à la dignité. Une dignité dont est privé tout peuple opprimé par le dictateur qui le maintient dans l’ignorance pour mieux le dominer. Ainsi parle El Kawakibi ( 1849/1902)  dans un long réquisitoire contre le colonialisme. Son combat en vue d’émanciper les  musulmans, nous apprend le manuel,  a été couronné par la victoire de ces derniers sur les dictatures qui les enchaînaient (m3- p 144/146 ; 148). Le combat a donc abouti, la question est close.

-La liberté, une utopie :

C’est pourquoi, l’Indépendance chèrement acquise, l’esprit d’indépendance, ovationné ci-dessus est mis au placard.  Or, il ne pourrait être sauvegardé ou élargi sans l’initiation et  l’exercice à la liberté de conscience d’hommes qui se seront identifiés aux modèles occultés, ceux des hommes épris de liberté et de justice, d’ici mais aussi d’ailleurs. Un passage de Amine Errayhani, présenté  en illustration des thèmes traités  par les écrivains du Mahjar, énonce que la liberté est le signe premier du bien-être, et que : «  Le premier des droits de l’homme, c’est la liberté : la liberté de pensée, la liberté d’expression, et la liberté d’action. » ( m3- p.353 ) .

A contresens de ces 3 lignes, un texte de 30 lignes, du Cheikh Abdehamid Ibn Badis, s’attelle à nier l’existence de la liberté. L’auteur qui dit l’avoir cherchée en vain chez les riches comme chez les pauvres, conclut en 8 lignes ne l’avoir trouvée et perçue finalement que dans le regard clairvoyant de ceux qui cherchent la vérité et dans le cœur de ceux qui ont la foi, auxquels il fait vœu de s’apparenter ( m3- p 239/241 ) .  Si donc la liberté n’a pas d’existence dans la réalité, sa quête ne peut être qu’utopique, une perte de temps, pourrait-on  conclure.

 

La lucidité, pour tout algérien, consiste donc à comprendre les restrictions  faites au nom du FLN,  le Parti unique algérien,  en matière de liberté et à avoir  foi en ses choix. Que  la vérité, c’est celle proclamée par les discours politiques et toute voix discordante est une atteinte à l’ordre public et à l’intégrité de l’Etat. En ce sens, le bon citoyen est celui qui applaudit, fête et renforce les faits les plus anodins de ses supérieurs de tous ordres: la soumission doit être totale.

Ce n’est pas un hasard, si 15,86 % des auteurs du corpus littéraire, des poètes  et des écrivains grands et petits, ont fait l’apologie des Califes, des Gouverneurs ou sultans de leur époque et ont goûté aux joies de la reconnaissance et de la gloire, dont la promotion aux Hautes charges de l’Etat ( J.E.Bencheich, p 29).

Si certains tombèrent de leur piédestal, tient- on à préciser, c’est à cause des intrigues de leurs congénères. Déçus, le plus souvent pour avoir été déchus  et  pour échappé à la prison ou la mort de justesse,  ils se lamentent sur leur sort dans 12  textes qui   dénoncent directement ou implicitement les travers de l’exercice de la politique ( Ibn Khatib,  m2; IlIya Abu Madhi, m3 ; Abdelhamid Elkhatib, m1;  Ibn Zaydoune, ‘5 textes’ m2  ; Mahmud Samy El Barudy, ‘2 textes’, m 3 ).

-Le Califat, un idéal :     

Faut-il le rappeler, à l’origine le Califat sous sa véritable forme, était loin d’être une dictature. La justice étant au cœur de l’Islam,  la juste mesure était sa devise. L’incitation au bien et l’interdiction du mal, était un devoir pour le musulman et ce dernier pouvait exprimer une opinion contraire, remettre en cause un jugement, même émanant du Prophète en personne. De fait, il est reconnu en Islam, que la diversité  et la différence sont une grâce. Aussi, les schismes, les dissidences, les oppositions, les écoles et doctrines... ont-ils fortement émaillé, pour des motifs divers, l’histoire politique et autre, des musulmans.  Mais, aussi étrange que ce soit,  aucun texte n’est critique envers  les Chefs déviants, majoritaires, et  ceux qui se sont illustrés par un despotisme sans pareille, présentés pourtant en leaders modèles, dont le Gouverneur Abu Jaafar El Mansur ( 41/94 de l’hégire ; 663/716 de notre ère ; in m 1 – p 163 ).

Un seul texte bouscule le silence, véhiculant une image négative des Gouverneurs  Mamluks. Intitulé « des princes à vendre » : le texte raconte les mésaventures des Princes Mamluks auxquels le Cheikh Abdelaziz Ibn Abdessalam ( décédé en 660 de l’hégire ; 1282 de notre ère )  infligea l’humiliation suprême de les vendre aux enchères comme des esclaves, en vue de rétablir la justice piétinée par leur despotisme ( m3- p 167/171 ). C’est dire que le Califat est l’incarnation de la volonté divine puisque  le pouvoir des religieux empêche toute dérive.

-La république,  une ineptie:

Bien que le Califat soit au musée depuis 1922, aucun texte ne reconnaît un  quelconque  mérite à l’Etat moderne, lequel loin d’être parfait, promet tout de même par les mécanismes institutionnels qu’il met en œuvre, et les instruments qu’il se donne, une meilleure protection des droits des citoyens ( A.Laroui,  p 40). Ni ne met en valeur les aspects saillants du régime politique algérien et n’en définit les contours tels que définis par le fameux Congrès de la Soummam en Août  1956.

Le mode de gouvernance islamique classique, le Sultanat, sous la dénomination du Califat, est dans les manuels,  le modèle par excellence. Serait- ce pour rassurer sur la continuité de la raison d’être du premier dans sa version contemporaine en Algérie, qui est l’instauration de l’ordre et de la justice ?  Ahmed Chawki, le Prince des poètes, pour les auteurs des manuels, le dit sans équivoque : l’instauration de la république turque par Kamel Attaturk, est un enterrement du Califat qui endeuille les musulmans ( m3- p.361 ).

L’abolition du régime d’obédience islamique qui a permis à Istanbul de gouverner  le monde musulman pendant 6 siècles, a sonné le glas de l’empire Ottoman, depuis longtemps en voie de décrépitude. Il a été  remplacé en 1923 par la république laïque de Turquie, d’inspiration et d’essence occidentales. La réaction de A.Chawki, est normale : n’a-t-il pas  connu les fastes et les merveilles du palais des Khédives, pour y avoir passé une enfance de rêve et y avoir grandi et travaillé?

Les non-dits des manuels

La république, une institution moderne :

La réalité est que le Califat ottoman, comme tout autre modèle de gouvernement, après les Compagnons du Prophète, et surtout après ce dernier,  et tout système politique qu’il soit socialiste ou démocratique, a ses privilégiés, ses castes prioritaires, et ses laissés pour compte ou exclus.  Il  s’agit  simplement de ne pas  cultiver l’utopie mais de construire, puisque le propre de l’homme, est d’être interpellé par le passé au moment même où se projette dans l’avenir. Le comment ne peut en aucun cas se dissocier du qui : les héritiers d’une civilisation, d’une culture, d’une tradition, doivent en témoigner.  En tant que legs à l’humanité  de leur patrimoine le plus caractéristiquement humain et positif. Ils se doivent tout autant de tenir compte de l’évolution de la vie et donc de s’arrimer aux apports de la modernité de leur époque.

En matière de système de gouvernement, le mode de gouvernance moderne, la République en l’occurrence, est dépositaire en tant qu’instance légitime de la souveraineté populaire pour l’égalité  devant la loi et l’intérêt général, selon J.J.Rousseau ( Le contrat social, p39/40).

Le contrat social, à l’origine, stipulait qu’en contrepartie d’une part de la liberté d’action de tout un chacun cédée à l’Etat, ce dernier était tenu de lui assurer la sécurité en cas de menace par  les autres, ceux de l’intérieur et de l’extérieur, de satisfaire ses besoins par une répartition équitable des richesses et des impositions communes, de veiller à la régulation de son état civil. Historiquement situé au 4e siècle avant J-C, ce système pratiqué alors par les Grecs, plaça la loi et les  valeurs  au-dessus du gouverneur lui-même. Revendiqué comme héritage européen commun face à celui  despotique de l’Orient, il est réinstauré  par les révolutions scientifiques du 18e siècle.

 

  En réalité, la république moderne, initialement conçue pour  protéger le capital et le multiplier dans la paix, par l’adhésion des masses à son projet social, veilla, une fois installée, à l’intensification de la production par une politique du marché suivie d’un conditionnement intensif à la consommation. L’idéal de justice de départ n’a pas tenu ses promesses, car dévoyé par les appétits insatiables de ceux qui ont les plus fortes capacités de nuisance. Cela a débouché sur la domination universelle du capital.

Cependant, les majorités humaines qui en dépendent en Occident, bien que rongées par le stress inhérent au  mode de vie moderne, et quoique loin du bonheur,  vivent tout de même au-dessus du seuil de la pauvreté qui colle à la peau des populations du Tiers monde. Leur lutte quotidienne pour un meilleur vécu, un mieux-être, devrait être une leçon de vie  et un stimulant pour une société sous- développée où l’indolence et l’indifférence à la vie, à sa qualité, au temps qui la fait, est une règle. Laquelle règle est la cause du sous-développement mais aussi sa  conséquence la plus directe. 

Le sous-développement est une mentalité :

Cet état de sous-développement qui caractérise la société n’est sans doute pas le fait du hasard. Il  découle d’une conjonction de facteurs historiques et culturels qui ont déterminé la construction des  personnalités et des mentalités. A l’origine, il y a  le mode de vie et le système d’organisation sociale ancestraux des berbères viscéralement anarchiques, et d’un égalitarisme pointilleux et farouche, auquel s’ajoute la  sobriété  et la rusticité des ruraux, étroitement liées à l’animisme originel, le tout fondu dans le Canon propre à tout  groupe,   resté en ce qui concerne la Kabylie par exemple, en l’état jusqu’à l’indépendance,  selon Arkoun  (الفكر الإسلامي، ص 170) .Et auquel est venu se greffer un Islam rigoriste. Autant d’ingrédients dont la volonté expresse sert à briser sinon freiner les appétences matérialistes, à encourager l’altruisme et invoquer le monde des esprits et/ou Dieu,  pour la survie du groupe. C’est ce qui a empreint la société traditionnelle d’un certain sens d’humanité ( M.Mammeri, 8-15 ). 

Le message d’Allah qui  s’est greffé à ladite religion primitive a remodelé la spiritualité  là où il a pu s’enraciner, ce qui a  donné jour à une autre façon  d’être au monde : la citadinité. Nul doute que l’urbanité a imposé des besoins jusque-là inconnus, et donc de nouveaux comportements et d’autres conduites, mais les anciens réflexes et repères ruraux sont restés latents ou  pas tout à fait travestis, du fait de la proximité du monde rural, dans le temps et l’espace. Un croisement dont est né un entre-deux au dedans duquel s’est épanouie une culture autre, mais  authentique pour ne pas avoir  renié  l’ancienne. Ce à quoi est due l’existence des cités et royaumes rayonnants à la tonalité   spécifiquement    maghrébine  à l’époque de la civilisation musulmane... 

La longue décadence à partir du Moyen Age mena à la dislocation de ces royaumes amorçant le retour aux anciennes structures tribales qui réactivèrent ce qui restait de leurs vieilles traditions rurales fortement imprégnées d’une interprétation fataliste et sclérosante de l’Islam...Une fragilité qui prépara les visées coloniales... La lucidité et la ténacité courageuse de certaines individualités, l’engagement total d’une jeunesse consciente et informée, finirent par unir le peuple dans une guerre aussi longue que terriblement éprouvante contre l’une des  puissances qui a exercé la plus abjecte des politiques de colonisation de l’époque. La société en sortit exsangue.

Les valeurs dominantes post-indépendance, suite à l’exode rural  et au statut de sujets économiques des fonctionnaires  de l’Etat- patron, sont la copie dénaturée de l’éthique collective d’avant l’indépendance.

La pire des absences, l’éthique :

Imposée par la conjoncture contre l’autre, l’ennemi commun, cette éthique collective a été une arme de résistance imparable, l’ultime recours. A telle enseigne que si les valeurs morales sont  sur toutes les lèvres, l’individualisme, la filouterie, l’arnaque  et la débrouille sont reines. La solidarité et l’entraide, la bienveillance et l’amitié, sont balayées par le calcul et les considérations économiques (W. Bouzar, p 236/243 ).

Les repères sont à tel point brouillés, que tout se vend et s’achète et que les signes, vestiges d’une certaine éthique, sont raillés en tant que vieilleries et duplicité, par de larges fractions de la société. Celles-ci se caractérisent par un manque d’éthique et de sens de la responsabilité individuelle à laquelle les invite l’Islam, à travers les rites que pourtant elles semblent rigoureusement observer ( W. Bouzar, p 98 ) et bien souvent, à travers les us et coutumes ancestraux. Cette hypocrisie et ce manquement aux règles premières de la morale et de l’éthique ne sont  pas circoncis aux agglomérations urbaines comme l’entend W.Bouzar, elles font loi sur quasiment tout le territoire national,  même si avec des variantes.   

A cette dilution  des valeurs dans l’individualisme forcené et la quête outrancière du gain matériel, vient s’ajouter  subséquemment  à la ruralisation des centres urbains, l’absence de la notion du travail et de sa valeur  pour la réalisation et la production du bien–être. Une notion survalorisée dans les pays industrialisés du Nord....

Au stress du travail aliénant,  sans répit et à la frénésie de  production et de consommation effrénée de la société moderne développée, susdite, fait face le stress de la vacuité de la vie des compatriotes du récepteur, aussi bien de créativité et de production,  que des biens à  consommer dont ils rêvent.

L’inaction, consécutive à l’absence d’un idéal personnalisé, d’une volonté apte à le réaliser et surtout d’une mentalité qui le concevrait, est productive d’improductivité, d’inaptitude à vivre, à  se réaliser, à s’accomplir. Le temps qui presse de « l’ailleurs », n’en finit pas ici. Si esclaves tous  ces hommes sont, ils  n’en meurent pas moins différemment : de n’avoir pas travaillé ou peu ou d’en avoir trop fait ou mal fait. Dans la misère crasse ou dans la pauvreté au pire.

Le règne de l’injustice et de la débrouille :

Consécutivement à la perte des notions  sus-citées,  le déni de justice est général et le sens de la justice fluctueux et défaillant. La justice qui est au cœur de la morale, charpente des institutions et refuge des citoyens  chez les riches de la planète pour lesquels la république est synonyme d’Etat de droit, est absente de façon flagrante et dramatiquement généralisée dans le monde des pauvres de la modernité. Souci premier des structures sociales traditionnelles et des cités islamiques, car garante d’équilibre, tout autant que raison d’être de la république, qu’elle soit de type libéral ou socialiste, elle est dans le pays des manuels, du bas de la pyramide jusqu’en haut, une tartufferie, une démagogie et une façade.

Le vouloir du  bien-être collectif, dominant dans les discours de  la  république démocratique algérienne, est une chimère relevant de l’imposture. Le pouvoir incontrôlé de l’Etat, manipulant et contrôlant les masses dans l’objectif avoué de construire le socialisme, n’en a rien fait, ou plutôt il a construit un capitalisme bureaucratique.

La bureaucratie étatique, héritière des biens des colons et des expropriés européens s’est également enrichie par son monopole des affaires politiques  détournées  à son profit. La bourgeoisie privée, aidée par l’Etat ou construite par ses soins et capitaux, lui est associée dans le partage de la plus-value. C’est pour ne pas perdre  ce pouvoir  que la société est étouffée et que toute revendication pouvant déboucher sur son partage est réprimée ( M.Harbi, p 381)...La débrouille est un mot d’ordre : il contient  les frustrations grandissantes   contrôlées par le renforcement  de  l’Etat policier...

 

Le discrédit de l’Occident ou le maintien du statut quo :

Sur le plan social : Si singer est inefficient, se figer l’est tout autant. C’est dans ces situations bloquées, qu’apparaît le rôle prépondérant de la liberté. Mais celle-ci à l’instar des autres notions est absente quand elle n’est pas un non-sens.  Car la liberté, définitivement acquise  depuis le départ des français, nous l’avons vu plus haut, n’est plus à rechercher. Pis, sa quête est aussi inutile que vaine. Enoncé dans l’école d’un Etat propriétaire absolu des hommes et choses, ce jugement n’est pas fortuit. Il est à la mesure de la situation dont il porte le cachet.

Comment en effet la dictature s’accommoderait-elle d’une éducation à la liberté ? Comment dés lors s’étonner du discrédit jeté sur les philosophes grecs et latins du fait de leur vision négative de la femme ? La belle Pénélope de  l’Odyssée de Homère, n’y est- elle pas portée au sommet pour sa fidélité, son courage et son intelligence ? Le Grand Compagnon du Prophète de l’Islam, Omar le Juste, n’a t’il pas enterré vive sa fille, avant l’Islam ? Ce discrédit, ne prend-il pas sa source dans une vérité toute crue, et qui consiste en ce que la philosophie grecque est née de la liberté de pensée : une liberté responsable qui avait  pour axe le bien-être commun,    celui-même pour  lequel des étrangers à cette terre  ont  consenti le sacrifice suprême ?

 

Sur le plan politique : le mode de régulation social traditionnel, encore vivace et opérationnel en maints lieux, apparenté à une certaine forme de démocratie, tout autant que la forme contemporaine et universelle de gouvernance  sont oblitérés,  dans les manuels au profit du Califat. C’est ce dernier qui représente le   modèle idéal de gouvernance dans l’imaginaire des musulmans ( A. Laroui, p 41). S’il est réactivé alors qu’inexistant  en réalité, c’est semble-t-il, en tant que preuve de son intangibilité et de l’inefficacité  du régime moderne occidental, à créer le bien-être.

Aussi, ce n’est pas le mode de fonctionnement  de l’Etat national, ses politiques et  sa gestion des affaires publiques qui sont à mettre en cause en cas de faillite,  le mal est dans le mode  moderne de gouvernance lui-même, lequel même drapé dans les couleurs nationales, n’en reste pas moins étranger  à la  nation, donc inadaptable... Une diversion, il est vrai, car la révolution des  masses a été sciemment confisquée par une minorité qui les a spoliées de leur victoire pour son seul intérêt à la faveur des  coups d’Etat militaires successifs, préludes aux suivants...   Mais aussi, une justification anticipée à priori des échecs à venir.

Priorités : Cultures spécifique et universelle: 

Il est vrai que les algériens à l’Indépendance étaient des ruraux dans leur grande majorité. Mal rompus aux traditions administratives, étrangers au sens du travail salarié, conditionnés par une conception du temps obsolète pour leurs nouvelles activités, ignorants du sens du bien - être collectif, conditionnés qu’ils étaient par l’appartenance d’origine au douar ou à l’aârch sans exclusive et donc par l’esprit tribal. Autant que par une déliquescence - occasionnée par le relâchement des mœurs après l’austérité de la période antérieure,    l’exode et les nouvelles conditions d’existence – qui signa le retour du refoulé et la domination de l’instinct sous toutes ses formes.

Ils étaient en sus de cela, nombreux à être déstabilisés ou à vrai dire déséquilibrés, quand ils n’étaient pas carrément les survivants miraculés d’un état insurrectionnel réactionnel intermittent réprimé dans une violence rare,  130 durant ans. En bref, la situation était telle que même une république digne de ce nom, aurait rencontré des difficultés énormes.

Mais le bilan aurait  incontestablement été différent et les souffrances quelque peu atténuées, s’il y avait eu réellement un Etat qui s’était donné pour mission de redresser la situation dans l’intérêt des administrés.

Dans ce cas de figure,  l’entité politique  aurait eu ( se serait donné) mission de rétablir l’ordre et la justice. Et,  comme dans tout autre domaine dont le fonctionnement optimum ou  l’existence effective  nécessite une interaction positive des éléments en contact ou en conflit en vue d’un apport bénéfique pour tous, l’intelligence bien intentionnée, la vraie,  aurait -  pour optimaliser les résultats - dicté de combiner  les repères culturels  consignés dans les valeurs sûres et les vertus et pratiques ancestrales,  à la connaissance et au savoir – faire véhiculés par le patrimoine immatériel universel, et au savoir moderne.

Cette combinaison aurait secrété un mode de gouvernance  authentiquement maghrébin dont l’objectif cardinal, à l’exemple des anciens modes d’organisations  autochtones et du système occidental à sa genèse, serait la justice et le bien – être commun. Elle aurait pour ce faire,  revivifié les outils de gestion traditionnels,  rénovés et enrichis des apports adaptés de la modernité.

Cela signifie que l’authenticité consiste à se référer à ce qui (a) donne(é) à un individu, à une collectivité ou un ensemble plus vaste, l’élan qui lui (a) permet(is ) progrès et vitalité, soit d’innover et de s’innover à partir   de ses traditions les plus profondément enracinées dans sa personnalité culturelle. L’épanouissement des individus,  des  sociétés, le requiert, l’évolution harmonieuse du monde d’aujourd’hui et de demain l’exige ; un ressourcement ouvert sur la diversité des expériences humaines  à travers le temps, ne peut qu’y aboutir.

En guise de conclusion :

Ainsi, il semblerait que si la République et ses idéaux sont absents, et si le Califat est valorisé, ce n’est pas tant pour la capacité de ce dernier à répondre mieux au besoin de justice sociale, car enraciné dans la culture traditionnelle,  mais à dessein de manipulation. Cette quête d’authenticité aurait alors, imposé d’y associer les mécanismes adéquats des  modes d’organisation  des entités sociales traditionnelles, dont  aucun apport extérieur ne peut égaler l’efficacité, tout autant que ceux jugés efficaces de la modernité. L’évacuation du mode de gouvernance moderne  tient en ce qu’il aurait représenté un modèle crédible et aurait de ce fait suscité la revendication  de  l’Etat de droit, honni par l’Administration faisant office d’Etat national, car la desservant.   

-Dans le manuel de 1979, période correspondant à un début d’ouverture du versant Nord de la Méditerranée sur son versant Sud, s’amorce une timide ouverture : trois textes étrangers y sont inclus. Les deux premiers sont sans connotation culturelle propre, soit, un poème : « Le lac » de Lamartine, poème en prose de 3 pages, présenté parallèlement au  « Lac »  de Abu Ettayab El Mutanabbi, poème en 9 vers  ( m4- p234/ 236 ; 237 )  ; un texte sur les bienfaits du sport , de Ernest Pérès ( m4-p 249/252 ) ;  le 3e          et dernier texte, qui  est de Paul Balta, cite l’espoir du G. de Gaulle de voir les cultures de la méditerranée se féconder pour contrer le modèle américain.

Ce texte évoque par ailleurs, les échanges fructueux entre l’Occident et l’Islam à  l’apogée de ce dernier et rappelle les apports de l’Islam au monde occidental, incarnés par le rayonnement de la Cour de Séville du temps de Roger II  et de Frédéric II, au Moyen-Âge (m4- p68/72 ) . Hormis  « Le lac », les autres textes sont des extraits journalistiques, publiés l’un dans une revue, l’autre dans un journal, moyen-orientaux.

Supériorité de l’Islam :

Dans ce manuel, la supériorité arabe est encore revendiquée ; on y apprend que les arabes, propulsés par leur religion, ont atteint  le sommet de la civilisation dans tous les domaines de la connaissance, du savoir, du savoir-faire et vivre ( m4- p 56/61 ).    C’est de ce savoir perfectionné dans le giron de l’Islam, que l’Occident a hérité ( m4-p 176/181 ). En utilisant la technologie produite par ce dernier, le monde musulman ne fait donc  que se réapproprier son bien.

En cette période d’enfièvrement religieux ou de crispation identitaire autour du noyau religieux, en raison de la crise multiforme interne, de l’aura de la révolution de Khomeini, des guerres de religion,  des conflits au Moyen-Orient, la technologie, arme de dissuasion / protection,  n’est plus décriée et dévalorisée : on y est fait appel pour servir l’authenticité .Ainsi, le savoir peut utilement contribuer sous sa forme technologique à la promotion du patrimoine, ex : l’informatique , au service   de la science du Hadith dont elle peut assurer la sauvegarde et la diffusion ( m4-p 163/166 ) .

L’Islam, solution et remède :

Les problèmes vitaux des sociétés arabes, ne trouveront résolution que par un juste et légitime retour à l’Islam,   réponse et remède à tous les maux sociaux. Ainsi, le savoir-faire islamique doit être  restauré comme alternative au savoir occidental : l’économie islamique, reflétant et respectant la juste mesure est la solution idoine (m4- p128/133 )  ; la recherche scientifique, la réflexion,  doivent être centrales, suivant la recommandation du Coran, dans son insistante incitation à la méditation et à la compréhension des signes ( m4- p148, 151 ) ; le développement social harmonieux doit, pour être réalisé,  reposer sur une éthique du travail et de la production propres à l’Islam (m4- p140/144 ).

Vers la normalisation avec l’Occident :

En conséquence de quoi, le colonialisme n’est plus autant incriminé qu’il l’a été dans la  phase précédente. Si les   occidentaux, français en tête, sont considérés comme l’une des causes du sous-développement, voir de la misère des peuples arabes, ils   ne sont plus les seuls responsables de l’état désastreux de ces  sociétés : les problèmes sociaux et les entraves au développement relèvent aussi de facteurs  endogènes.

Amoindrissement de la responsabilité des politiques coloniales :

Ainsi, la politique linguistique française d’Algérie, est maints fois accusée d’être à la source de l’aliénation culturelle des algériens qui en ont perdu leurs repères identitaires ( m4- pp113/117, 118/125, 96/98)  ; la haine des colons qui  a détruit par le feu, en Juin 1962, la bibliothèque universitaire d’Alger, privant l’Algérie indépendante  de la mémoire universelle et de l’outil avéré du progrès est venue clôturer les méfaits de la colonisation ( m4- p106/113 ). En sus de ces legs sûrement déstabilisants, les mœurs dissolues de l’Occident ont eu sur le comportement et la vision des arabes d’aujourd’hui, un impact tel qu’ils ont pris goût à la conception fortement individualiste et matérialiste de la vie et à une sexualité licencieuse, indifférente à tout, sauf  au plaisir personnel, dédaignant  les recommandations morales de leur religion...( m4-p81).

La responsabilité des juifs :

A cette lamentable situation, les Juifs ne sont pas étrangers. L’objectif supérieur de ces derniers est d’annihiler les vertus et les vérités religieuses afin de renforcer leur pouvoir de domination sur le monde, et ce, en fomentant les troubles attentatoires à la stabilité. Lesquels troubles sont suscités par  l’impact de la doctrine évolutionniste qui a pour rôle  d’inciter au changement  permanent (m4- p87).

 

La responsabilité des facteurs endogènes :

Mais ce qui est incriminé en premier lieu, c’est le triomphe de l’individualisme d’avant l’islam (m 4- p 39/41),   les lourdeurs et les disfonctionnements de l’administration (m 4-p33/36), l’immoralité des acteurs dans tous les secteurs de la vie  et à tous les niveaux de l’organisation sociale (m4 - p 26/30). Autant de  facteurs de désespoir dont la conséquence directe serait la  fuite des cerveaux ( m4 - p 182/186 )…Quant à la mère de ces vices , et source de toutes ces défaillances, c’est l’abandon du modèle islamique de gouvernance, incarné par l’Etat de Médine, car jugé impraticable ( m4- 5/8, 176/181). 

L’Occident, un modèle… sans présence :

Le  développement des sociétés occidentales,  est quant à lui - d’après un seul et unique texte de ce manuel de 1979, qui développe une  comparaison entre les modes d’organisation et de gestion de la société du récepteur et de l’Occident -    le produit du respect des libertés, d’un enseignement de qualité,  de la régulation par la loi de la vie sociale, et d’une vision optimiste de la vie depuis l’antiquité grecque,   incarnée par Homère, cité en deux mots ( m4-p 61/64). Premier martyr du savoir de l’histoire humaine, Socrate, à travers 2 vers est donné en exemple d’honnêteté intellectuelle  et de courage. Cet homme lucide qui construisait les cerveaux des jeunes athéniens qui se pressaient autour de lui, n’a-t-il pas préféré la mort  dans la dignité à la vie dans l’humiliation  (m4-p 150) ?

André Gide, cité par un autre texte intitulé : «  La jeunesse, c’est la foi et l’action », est un modèle de la volonté d’apprendre quelque soit l’âge, et l’américain Holms ( dans le même texte), un modèle du juge exemplaire pour lequel la vie n’est pas une accumulation de chiffres, mais une image qu’on dessine (m4-p 240/243). Le sérieux du paysan et instituteur français qui assument leurs charges consciencieusement, est mis en exergue à travers quelques lignes (m4-p 19). 

Eloge du monde extra-occidental, à l’exception des noirs :

Le monde extra-européen est représenté  à 3 reprises. D’abord, par l’éloge -  en 6 lignes - d’un roi de Chine.  Souffrant de ne plus pouvoir rendre justice pour avoir perdu l’ouïe,  ce dernier décida de surmonter son handicap. Demandant à ses sujets maltraités de s’habiller en rouge, il alla à leur recherche dans les rues pour écouter leurs doléances. L’histoire est racontée au Calife El Mansour d’Andalousie, par un sujet  incommodé  par le manque de discernement de ce dernier ( m4-p45/48). Vient aussi,  à travers quelques lignes - d’une conférence de Malek Bennabi, en 1959 au Liban – un éloge prononcé du Japon.

Brutalement réveillé par  la main indélicate de la colonisation en 1868, ce pays atteignit en  1905, le niveau de développement d’une des grandes puissances de l’époque, grâce à un plan pratique et scientifique, axé sur l’éducation.... Traduit par une attention soutenue, selon l’auteur, à l’homme, au sol, et au temps ( m4-p50/53,  il est couronné  par le succès rapide et certain des politiques de développement de ce pays ( m4-p 50 ).

Ce monde  figure également à travers une citation admirative de la politique chinoise, en matière de choix d’une philosophie de développement efficace  (m4 p 76).

Ces deux  pays  à l’extrême l’un de l’autre en  philosophie politique et économique, puisque le premier est libéral et capitaliste, le second communiste, ont réussi des avancées spectaculaires et ont promu leurs sociétés respectives à un niveau supérieur par une judicieuse  conjugaison des apports de la modernité occidentale dans les domaines du savoir, de la maîtrise technologique  et de l’autochtonie  culturelle.

Dans ce manuel, les noirs sont encore discriminés et méprisés. Derniers de la lignée humaine, ils n’ont aucune civilisation digne de ce nom, même s’il leur est reconnu certaines pratiques sociales positives. (m4- p 41).

Valorisation de la spécificité algérienne :

Omission délibérée légitimant de ce fait, la voie algérienne officielle  de développement, en l’occurrence le socialisme spécifique qui allie la culture populaire, spécificité algérienne, au socialisme d’Etat, doctrine politique des pays de l’Europe de l’Est. En effet, s’ajoutant aux traditionnelles  révolutions agraire et industrielle de cette doctrine, la révolution culturelle  projette d’après le discours qui la porte, de  parachever le processus de transformation des mentalités, si nécessaire à la réalisation dudit  socialisme spécifique, et qui ne cultive pas moins en tant que pratiques et objectifs sous-jacents,  l’individualisme le plus forcené.

Les trois objectifs de cette révolution culturelle tels que définis par la Charte Nationale et rapportés par le manuel, sont : - La promotion de l’Identité nationale traduite par le populisme et l’Islam, et son renforcement, l’adoption d’un mode de vie conforme à l’idéal socialiste, et l’amélioration constante de la qualité de l’enseignement et des performances technologiques ( m4-p96/98).

Autant de lieux communs avec les références asiatiques sus-citées : Si le développement s’y est réalisé, c’est que le patrimoine culturel, les ressources humaines et naturelles, ont été valorisées et mises à contribution. Et ce, car : « ...elle (la révolution) ne réussira que si elle est enracinée dans notre terre...L’authenticité est la caractéristique de la révolution culturelle envisagée...L’authenticité, c’est tenir compte du facteur temps dans planification de cette révolution, l’avenir ne pouvant être dissocié du passé.. », selon la revue El Djeïch (N° 165 Décembre 1977) ( m 4 - p 90/94). Ce qui nous renvoie à M.Bennabi, dans son texte sur les facteurs fondateurs de la civilisation et au modèle qui illustre sa démonstration, en l’occurrence, le Japon.

Les non-dits des manuels

Absence des fondements de la puissance occidentale : 

Ainsi, la référence à ce qui est sensé avoir fait la puissance de l’Occident, soit le pouvoir de la Loi et le savoir, en sus de  la liberté de pensée, pour sa partie Ouest, est insignifiante, puisque traduites par quelques lignes et quelques modèles hâtivement cités dans un corpus de 556 textes constituant les 4 premiers manuels.  Mais surtout, totale est l’absence de ce qui constitue le véritable moteur du système moderne de développement, soit l’argent et son pivot, l’individualisme forcené. La réalité est que pour l’Algérie socialiste, ces fondements sont le dernier souci. Quant à l’individualisme et le pouvoir des capitaux, ils battent le plein et n’ont de limites que la capacité de nuisance des acteurs.

Le paradoxe des modèles  asiatiques:

Le Japon et la Chine, présentés en modèles,  ont construit de véritables puissances, non pas avec des slogans creux et de la démagogie, mais avec une volonté impérieuse de se sortir du sous-développement et de construire une force qui pèse sur l’échiquier mondial. Ils ont fait de ces objectifs un projet national,  auquel ont adhéré leurs peuples avec enthousiasme, car préparés par une éducation qui a réactivé en les rehaussant, les valeurs – clés des pensées de leurs symboles nationaux de la sagesse: Lao - Tsu  et Confucius, pour lesquels la vertu est synonyme d’harmonie avec l’ordre naturel  et d’une éducation qui inculque le respect des rites et des traditions.

L’intériorisation de ces valeurs a produit non seulement des individus à moralité élevée, mais a relevé le sens patriotique et la fierté nationale.  Renforcées par une poursuite acharnée de la maîtrise des sciences et de la technologie occidentale la mieux adaptée à leurs contextes.

Les travers de la philosophie politique de ces deux pays, en matière de libéralisation économique tout azimut  pour l’un, de restriction draconienne des libertés     et d’exploitation abusive des ressources naturelles pour l’autre, sont connus. Il n’empêche, qu’ayant décidé d’avoir une place parmi les grands, en tant qu’acteurs de poids dans  la civilisation contemporaine, ils le sont devenus pour avoir su être clairvoyants et fait preuve d’une intelligence acharnée au travail pour le bien -être commun. Ils le sont devenus pour s’être donné les moyens de leurs politiques.   

 

Les ambigüités d’une société sans repères :

Quant à la révolution culturelle et au souci proclamé d’authenticité dans les manuels,  elle se traduit à travers ces derniers, par la valorisation récurrente de la langue arabe, de l’Islam, de la politique de désaliénation culturelle, l’arabisation, la démocratie de l’enseignement et enfin une politique du livre propice à la lecture.

Or, si les révolutions agraires et industrielles se sont soldées par un échec, la révolution culturelle n’y a pas échappé. Non seulement parce que cette dernière  a été conçue dans un esprit populiste, appliquée dans l’empressement et sans concertation réelle - c’est le cas de chacune des autres - mais aussi car les valeurs dominantes en Occident à l’Est comme à l’Ouest, ont envahi la société et laminé les traditions qui jusque-là maintenaient la cohésion des groupes, en l’absence de garde- fous ou de valeurs d’échange appropriés.

  1. En matière   de choix linguistiques : Comment la langue arabe classique ou standard,   imposée à l’enfant au mépris de sa langue maternelle, l’arabe   algérien ou tamazight, aurait- elle  suscité en lui le respect   de soi  et des autres, l’amour de soi et de la patrie, quand   sa sensibilité, ses émotions, son quotidien le plus intime  est   pétri dans sa langue maternelle ou ses langues maternelles, et comment   parler d’authenticité quand le déni de la langue vernaculaire est   flagrant. Et ce même, alors que les langues maternelles sont reconnues   en outre  par  les pays de l’Est de Occident, déclarées   patrimoine national et à quelques exceptions prés, enseignées et   promues partout langues officielles, nationales ou régionales ? Comment   la désaliénation culturelle peut elle se réaliser, quand la culture   populaire algérienne, âme et mémoire du peuple,  dans ses multiples   expressions est ignorée, au profit de la littérature classique moyen-orientale,   Ainsi, les poèmes, les textes prosaïques, les proverbes et adages,   sont ceux de l’aire civilisationnelle arabe, exclusivement.

2-En matière de patrimoine culturel : Le patrimoine immatériel algérien, sous ses diverses formes, littérature, musique, danse...  tout autant que matériel, quand bien même participant à l’identité nationale profonde, au regard de la pratique sociale dont il jouit et de la reconnaissance universelle, est carrément occulté. L’entreprise proclamée de  désaliénation par rapport à l’Occident, ne déboucherait-elle pas dans ce cas, sur une aliénation d’un autre genre, puisque les pratiques culturelles de la société, sont ostracisées à l’extrême par un silence absolu qui n’a d’autre sens que le mépris de soi et du peuple. En quoi,  l’assertion de Charles Peguy ( 1904), est on ne peut plus juste : « une société qui ne s’enseigne pas est une société qui ne s’aime pas ; qui ne s’estime pas » dit-il. Et pour cause : elle a honte d’elle-même.

Peut-être, n’est il pas fortuit de rappeler que cette culture qui porte le seau de l’autochtonie est celle de la résistance, qu’elle  n’a rien d’occidental, et que cette région du monde comme celles citées en modèles ou celles qui ont été ignorées bien que développées, ne se sont pas coupées des traditions relevant  des  cultures ancestrales qui les ont fondées et en premier lieu des préceptes de leurs religions et philosophies respectives.

Ainsi, si les masses occidentales souffrent d’une cadence de vie infernale sous la pression d’une minorité aux visées économiques insatiables, les dates, les fêtes, les pratiques artistiques, les événements,  et autres signes symboliques de la société rurale traditionnelle,  d’il n’y a pas si longtemps, sont des occasions festives de ressourcement et d’un recyclage constant, pourrait-on dire. Leur mode de gouvernance modèle n’est pas également étranger à leurs traditions politiques.

Il en est de même du Japon qui a extraordinairement réussi sa mue et de la Chine, et dont la résistance et la fidélité à soi dépendront certainement  de l’ingéniosité de l’un et de l’autre à répondre aux assauts hégémoniques de l’Occident…

 

3-En matière de religion : Comment l’Islam savant, dont  celui des manuels, aurait-il réellement eu un impact, si ce n’est celui de l’embrigadement politique, dans une société à forte tradition orale, en voie de disparition sous la poussée d’une pseudo-culture savante, quand les formes de spiritualité maghrébine attenante à l’Islam ou islamisée, encore vivantes dans la mémoire collective, si ce n’est dans la réalité, sont ignorées ?

Les expressions de cette spiritualité à son plus haut niveau se retrouvent dans les expériences des Saints locaux, connus sous la dénomination de « Awliya Essalihine ». Certaines de ces expressions ou la biographie d’une Autorité spirituelle, auraient pu en figurant dans les manuels restaurer ou renforcer la foi en le prochain, déborder le domaine religieux et faire tâche d’huile par un effet de contagion pour englober les autres domaines de la vie qui requièrent tout autant d’investissement de soi. L’excellence est à ce prix.

En outre, la reconnaissance de ces symboles de la spiritualité la plus haute, édifiants on ne peut mieux sur le mérite de la transcendance, susciterait non pas l’adoration de ces derniers en tant qu’Intercesseurs, mais le besoin pressant de rectitude et de droiture du cœur. La raison, est qu’il n’y a pas d’intermédiaire en Islam, entre Dieu et sa créature. La sincérité et l’acte de foi, seuls comptent. 

En découlerait également, une meilleure appréhension de  ce que l’on dénomme  «  la Guidance » en Islam, qui est une des formes de manifestation du divin et de ses émanations,  son assistance à celles de ses créatures, qui lors de leur cheminement, l’invoquent; laquelle se retrouve de fait chez tous les peuples, depuis les primitifs, tant ces derniers vivaient indissociés du monde dans lequel ils évoluaient et  dont ils sacralisaient les éléments.

Les populations maghrébines, ne sont pas en reste; leur patrimoine culturel, évoque ces pratiques et ces  actes quotidiens, qui reflètent ces croyances originelles, transformées au cours des temps, réorganisées et structurées par l’Islam.  Quel est dés lors, le visage de l’authenticité en question dans ce domaine précis ? 

Aussi, la rationalité occidentale, qui a déchu les sentiments humains et l’empathie pour faire place libre à l’esprit matérialiste, passée presque sous silence dans les manuels, est-elle supplantée par la rationalité islamique, qui même subordonnée au religieux, ne se détache pas moins de ladite rationalité, car son objectif premier, c’est non pas d’aller vers plus d’humain et de transcendance, et donc plus de bien bon, mais d’organiser la vie en société dans son aspect matériel.

Ainsi, la foi, source vive de la quête de l’Absolu, de la beauté et son aboutissement, une société ayant l’humain en son centre, car sacré, est bizarrement éludée. Ignorant ceci faisant, ce qui fait la caractéristique de cette région du monde, carrefour des grandes religions historiques, mais aussi des patrimoines religieux plus anciens, et de brassages civilisationnels dus à une histoire particulièrement mouvementée.

En effet, si les composantes de son identité officielle la rattachent depuis 14 siècles au monde musulman et arabe, sa méditerranéite et son africanité, marquent aussi bien  sa personnalité  profonde qui s’est si bien, faut-il le souligner, retrouvée dans l’Islam. Puisque ce dernier  l’a non pas transformée mais s’est judicieusement et avec bonheur greffé à elle. Et c’est aussi cela, c'est-à-dire, ce qu’elle a en propre dans le domaine de la spiritualité, qu’elle se doit tout autant de préserver et de partager. C’est ce qui fit le rayonnement des Cités maghrébines, ce qui fit qu’il y eut Cordoue et Séville…

4-En matière de savoir et de sciences : Si par ailleurs, l’Occident, rationaliste et scientifique, est arrogant et dominateur, ce n’est point une raison pour lui tourner le dos. Effectivement, certains de ses savants, immatures,  inventent    par exemple des engins qu’ils s’amusent à faire éclater dans le ciel comme des jouets, selon Salama Moussa, qui recommande une utilisation responsable de la science et de technologie ( m5 24).Vu sous cet angle, on ne saurait nier que l’immense savoir qui a installé  l’Occident dans une position de domination,  met la vie en danger.

Mais ce savoir reste nécessaire pour accéder un tant soi peu à cette puissance attestée par le label de l’époque, et ceux qui le contestent ne peuvent que rester à la traîne. Il l’est tout autant pour une meilleure compréhension des conditions de la vie et pour la maîtrise des phénomènes qui risquent de la dénaturer. Il permet de tirer profit de l’évolution de la civilisation pour orienter l’humanité dans le bon sens, grâce justement à cette sagesse de la culture traditionnelle / savante qui allie morale et raison, ces impondérables de tout acte de valeur. Einstein lui même n’a-t-il  pas dit  que la science sans religion est borgne et la religion sans la science boiteuse ? 

L’histoire atteste pourtant que christianisme occidental a rageusement combattu la science au Moyen Age, et c’est indéniablement l’Islam qui à contrario, a permis à la pensée et d’abord à la pensée arabe d’investir tous les domaines du savoir des autres, sans restriction aucune si ce n’est le respect de la pensée islamique et de l’humanité, nous rappelle à juste titre Abdelkrim Ghulab  (m5-81).

 

5-En matière de lutte pour un idéal d’amour et de fraternité : Prenant la relève de l’Islam, c’est le christianisme réformé, épuré des sédiments d’interprétations millénaires tendancieuses, réduit à son essence, qui  a réanimé l’espérance du bien- être, en réhabilitant le sacré et la raison. Ces derniers sont à la base des idéaux des révolutions qui ont vu le jour au 18 e siècle en Occident et au centre des œuvres des plus grands philosophes occidentaux d’hier et d’aujourd’hui. C’est cet idéal d’amour et de fraternité qui se dresse, aujourd’hui encore, derrière la souveraineté de la loi  et fait barrage pour défendre une dignité de plus en plus menacée. C’est cet idéal d’égalité que la société civile à travers associations et organisations indépendantes, s’évertue à défendre, tantôt par morale ou par éthique, tantôt par conviction politique.

Indirectement donc, par une voie détournée, la République a permis à l’objectif social initial de la religion de se réaliser et aux hommes d’accéder à plus d’humanité. N’était-ce la propension des détenteurs de capitaux à dominer le monde, pour plus de pouvoir et donc de capitaux, par leur emprise sur les marchés, les mass-  médias, les projets de société des pays riches ou pauvres, leurs ressources naturelles et humaines, ces idéaux bafoués auraient accouché d’un confort  généralisé en Occident. Et, osons rêver, d’un moindre gâchis planétaire. 

 

En guise de conclusion : Le rôle de ceux qui partagent, en raison des connivences de l’histoire et de la géographie, les valeurs de l’Orient, de l’Occident  et de l’Afrique, se situant au Centre des univers culturels du monde,  n’est il pas de cultiver le meilleur de ces croisements , donc de se féconder  de ce grâce à quoi l’Autre, l’Etranger,  est supérieur et  de présenter de soi, Ce justement dont il manque pour le féconder en un acte  d’acceptation et de reconnaissance mutuelles . Puisqu’en définitive,  accepter l’autre, c’est le respecter dans ce qu’il a de semblable, et admettre ce qui est commun, ce qu’il y’a en partage, par la mise en valeur des ressemblances.

Mais cela ne saurait suffire, l’échange véritable, requiert  la reconnaissance. Reconnaître l’autre, c’est   respecter sa spécificité, le mérite de sa différence, par la valorisation de ce qui le caractérise en propre et le distingue positivement : c’est le remercier pour sa présence.  Le contraire, soit le rejet ou le mépris  relève de la pathologie ou d’un machiavélisme tout aussi pathologique.

 

- A partir de 1985, le respect de l’altérité est nettement mieux exprimé. Les manuels d’histoire français de cette période, affichent la volonté de construire un ensemble méditerranéen à l’identité commune par la mise en valeur des apports mutuels à travers les époques et la solidarisation des cultures.

Côté algérien, dans les manuels 1996 et 2005, un seul auteur étranger : Bertrand Russel, qui ouvre le manuel de 2005, par un discours sur l’un des malheurs des hommes à travers l’histoire: la guerre (m5- p 24/25). Le savoir étranger est ainsi mis à contribution pour dédramatiser un désastre intérieur – une violence meurtrière de plus de 10 ans qui a tout l’air d’une guerre fratricide -  et arabe qui perdure et redonner espoir en l’avenir ; mais aussi pour dédouaner l’Administration de la faillite de sa gestion des affaires publiques et légitimer ses options  en matière de politique sécuritaire.

- La nouveauté, c’est que la cruauté n’est plus l’apanage des français (m5 - p 180-202-206-208), ni le propre des noirs (manuels précédents), elle est aussi espagnole, et ce durant les terribles guerres de la Reconquista qui ont décimé les populations de Cordoue et de Séville ( m5- p 170/171). Mieux, elle est le propre de toutes les guerres menées par les hommes à travers les époques, via B. Russel. Le bref aperçu historique que ce dernier en donne, en fait un phénomène inhérent à l’évolution des sociétés humaines. Son espoir est que les générations futures puissent se doter d’une structure internationale qui sera garante de la paix.

- Deuxième nouveauté : Bien que le rôle de l’apport décisif des sciences arabes à la Renaissance européenne soit nettement revendiqué ( m5-p326/328),  la reconnaissance quoique timide  de l’effort proprement occidental pour l’organisation de la Cité , le bien - être collectif et l’avancée de la science,  est exprimée à travers deux textes. L’un concerne les premiers jeux Olympiques, d’invention grecque et leurs  enjeux culturels, éducatifs et civiques, leur objectif étant d’initier à la solidarité, à l’éthique, à la rencontre...( m5-p276/277). L’autre, décrit l’expérience de Loven Hucke, hollondais né en 1622, que la curiosité et la passion de la recherche menèrent à la découverte du microbe  au 17e siècle (m5-p366/267).

-Troisième nouveauté : La civilisation étant donc le résultat des conquêtes humaines à travers le temps, le recours à la science occidentale, n’a plus besoin de la légitimation de l’Islam, spécificité culturelle de l’en-groupe : la science n’est ni  le produit de l’ennemi, l’impie,  ni un produit diabolique ; c’est un savoir universel, illustré par 5 textes.

Ces derniers traitent de l’électronique, son mode d’utilisation et d’exploitation dans différents domaines ( m5-p 352/354) ; du pétrole brut, des industries qui s’y rattachent et des diverses formes de son exploitation ( m5-p361/362); de la conquête de l’espace et de ses bénéfiques retombées : élargissant l’horizon intellectuel de l’homme dont elle satisfait la curiosité naturelle, et la soif du savoir, la conquête spatiale élargit son horizon spirituel et l’incite à l’humilité( m5-370/371) ; du  désastre environnemental auquel la science apporte des solutions en Occident, et qui se trouve accentué dans le Tiers-monde,  à cause de la gravité de la situation socio-économique qui fait que les pouvoirs publics, faute de moyens, ne peuvent répondre qu’à l’urgence ( m6-p 196/197) ; de l’informatique, en tant qu’outil de sauvegarde les cultures traditionnelles et de la fécondation des cultures, par la circulation des idées, les échanges, et qui favorise donc l’émergence de sociétés nouvelles, ( m5-p374/376).

En résumé, la science est la clef des problèmes ; il faut y recourir sans complexes.   

-Quatrième nouveauté : L’authenticité n’est plus une valeur suprême. Les cultures étrangères ne constituent plus un risque pour la personnalité maghrébine : tout autant que la science, elles ne peuvent que l’enrichir. Aussi, l’enfermement sur soi, l’obsession de la perte de l’identité, doit-il être banni. En tout, 5 textes prônent l’ouverture sur les autres cultures. Et ce, non seulement, parce qu’elles sont enrichissantes, mais aussi parce qu’il n’y a aucun risque dans ces contacts pour les cultures traditionnelles qui peuvent être sauvegardées et diffusées grâce à l’informatique, ouvrant la voie à une ère de paix et de réconciliation (m5-p 374/376).

Cet enrichissement a eu lieu même durant les occupations par les puissances étrangères. Il n’y a donc rien à craindre pour l’Unité maghrébine, car le Maghreb a toujours su défendre sa personnalité régionale devant les conquérants qui ont toujours dû se maghrébiniser pour perdurer avant de battre en retraite, à l’exemple des phéniciens, des romains, des espagnols...( m5-p 311/313). De plus, ces envahisseurs ont profondément marqué la culture maghrébine, dans les domaines  linguistique,  artistique et  architectural, autant de facteurs qui font l’unité du Maghreb arabe.

Pour autant, si le maghrébin doit s’ouvrir sur les cultures arabes et leurs littératures, anciennes et modernes, il doit  tirer avantage des beautés de la littérature occidentale qu’il doit être fier de diffuser dans le monde ( m5-p294 /295)  .

Ainsi, le maghrébin modèle, est celui qui reçoit et qui donne, celui qui croit en l’échange, en le don et les pratique. C’est un homme du monde, et non un homme isolé dans son coin, loin des autres. Ibn Badis,  l’homme symbole, rappelle l’humanisme du musulman d’Afrique : sa  nation est l’humanité entière dont il aime et respecte les races et les religions autant que sa famille et sa patrie ( m5- 306/ 308).

-De l’incrimination de l’autre à l’autodénigrement :

Il reste qu’en dépit de cette ouverture affichée qui prêche l’effacement devant l’autre, le détenteur d’un savoir supérieur, le dominateur de l’heure,  la défiance, l’auto-glorification et  le ressentiment  sont latents bien qu’expressément absents des discours : ainsi, l’on passe dans le même manuel des massacres et crimes de la soldatesque  de la Reconquista  à Cordoue, Séville,...( m5-p 170/171), à  la représentation magnifiée du Palais d’El Hamra ( m5-p331/333) , et de l’apport décisif arabe à la Renaissance européenne ( m5-326/328), aux destructions et traumatismes des ignominies  coloniales ( m5-p 180-202-206-208), à la misère des jeunes émigrés algériens, acculés en  France à un désespoir qui les perd ( m5-p 241/242).

Consécutive à la mondialisation et à la dépendance extrême vis-à-vis du capital international, cette accusation tacite et modérée est  supplantée par la normalisation avalisée de l’ordre établi et sa consécration par l’autodénigrement ou l’autojustification.

Il en est ainsi de cette comparaison entre l’aisance des étrangers en terre arabe (  texte de A.Amine )  où ils accèdent au bien- être, voir à la richesse, et le dénuement des nationaux auxquels échoient en raison de leur paresse et de leur relâchement, misère et indigence. La responsabilité de cette triste  situation leur incombe, selon l’auteur, totalement ( m5-p 266/267). Il en est de même, selon ce constat sur la politique environnementale de l’Occident qui investit dans la recherche scientifique pour trouver des solutions aux dramatiques retombées de la pollution   et qui – via les multinationales - commercialise ou enterre les déchets sciemment interdits sur son territoire, dans les entrailles des pays du  Tiers-monde : les problèmes insurmontables des populations empêchent les autorités de ces derniers d’avoir une politique de protection de l’environnement    ( m6-p 196/197).

Ainsi donc, les avatars et les événements du passé et ceux du présent servent à dire l’autre, et selon le contexte, tantôt à le dévaloriser et à s’auto-glorifier, ou l’admirer et s’auto-flageller. La quête de la valeur étant la première des quêtes, il s’agit d’écarter tout motif d’angoisse qui susciterait le doute dans les repères identitaires de l’en- groupe. S’il y a focalisation sur les crimes des hors-groupes, c’est par auto- défense, toute civilisation et toute société, toute puissance, s’étant construite contre d’autres. L’autodénigrement de même, signifie la soumission  à un adversaire trop puissant, quand il n’est pas tout simplement, signe de reconnaissance et d’admiration.    C’est spontanément alors, qu’est omis ou censuré ce qui ne peut être justifié ou légitimé chez l’un ou l’autre partie...

       

 Les non-dits des manuels

- Sur le plan des droits humains : Le texte d’Ahmed Amine est très éloquent. Si ce dernier, programmé à dessein, s’insurge contre  ses compatriotes, qu’il s’étonne de voir  croupir dans la misère et la fainéantise, quand les étrangers s’enrichissent en Egypte, il ne souffle mot sur les politiques éducatives, ni sur l’état des Droits de l’homme, lesquels ont structuré la personnalité des uns et des autres. Ces différences ne sont pas mises à profit pour mettre le doigt sur les limites de la démocratie qui se dit être au service du bien-être commun, telle que connue et pratiquée en Occident,  et qui s’avère de plus en plus chimérique pour de larges couches sociales,  mais aussi  et surtout, telle qu’imposée et  bricolée ailleurs, où  ses retombées sur un contexte qui ne s’y apprête ni culturellement, ni économiquement,   sont dramatiques.

-Sur le plan des désordres écologiques : Le rapport prédateur du système occidental dominant, à l’environnement naturel et culturel mondial, est totalement occulté. Le droit inconditionnel qu’il s’arroge sur la nature et sur  lequel repose son industrialisation  et s’est  construit son mode de production économique,  fragilisant et  bouleversant les écosystèmes et les modes de vie des sociétés prétendues «  barbares »,   n’est ni expliqué, ni comparé à celui ou ceux découlant d’autres types de rapports, en usage précisément dans ces sociétés -là.

Ce qui en dit long sur sa main mise sur les richesses naturelles et sur les ressources des  sociétés traditionnelles qu’il s’acharne à asservir, mettant ainsi la vie de la planète et ses divers modes d’existence, sous la botte de sa loi.

Sur le plan des désordres de la loi du marché : Cette loi, toute tournée vers le bien-être matériel,  est absente des manuels, tout autant du reste, que celle émanant des croyances spirituelles des sociétés traditionnelles. Or, ne pas comprendre la prééminence de la loi dans les divers types de société, de la plus traditionnelle à la  post-moderne d’entre elles, c’est ne rien comprendre au fonctionnement de leurs modes de vie. 

Cela équivaut à  condamner quiconque  connaît mal l’une ou l’autre, à en ignorer l’essence fécondante, sa source vivifiante, à le priver de l’apprentissage d’une voie d’existence équilibrée. De même, qu’il est mis en situation de vivre en marge, en handicapé,  s’il vient d’ailleurs,  non outillé pour s’y installer ou tout au moins s’y adapter. Comment pourrait-il dans cette situation y apporter sa richesse, y faire reconnaitre le bénéfice de sa différence ?

Il est mis en outre, en situation de dépendance de cette loi dominante pour la satisfaction du moindre de ses besoins, s’il évolue dans le  monde sous- développé, par la méconnaissance de ce qui confère aux pays développés, pouvoir et puissance militaire, économique et technologique, à savoir l’esprit d’émulation et la compétition féroce en tous domaines, dont résulte ce  perfectionnent  continu des  savoirs et  du savoir-faire, par lesquels ils président aux  destinées du monde.    . 

Sur le plan de la diversité des cultures: Si donc, les derniers manuels sont expurgés de la religiosité tactique des précédents, et se font rassurants quant aux bienfaits de l’ouverture aux autres, ils sont loin de permettre, contacts et échanges réellement bénéfiques pour tous. Ils bénéficient  d’abord et en premier à l’Occident,  l’occidentalisation n’y étant pas un mal qu’il faut craindre, mais un bien, à l’instar des cultures des conquérants du Maghreb. Ce dernier, leur devant ses spécificités les plus saillantes.

Cet alignement hautement proclamé et revendiqué sur la culture dominante est tel  que l’Afrique, terre d’appartenance première et berceau de l’humanité    n’y est pas représentée, quand l’Asie est presque ignorée. Les civilisations de ces régions du monde, celles des indiens d’Amérique, les sociétés autochtones d’Australie et d’ailleurs sont totalement absentes. La grandeur passée de leurs peuples, les succès, les réalisations et symboles de leur histoire contemporaine, les trésors que recèle leurs cultures,    n’y bénéficient d’aucun  égard. Ce qui est préjudiciable à tout le monde.

L’initiation au contact, un défi : C’est le respect suscité par un enseignement qui initie au contact et  valorise l’altérité, par la reconnaissance des modes de pensée et de vie, différents de ceux de l’en-groupe, qui  promeut l’apprentissage de la tolérance aux ambiguïtés culturelles et aux tensions générées par la proximité de l’autre, l’étranger, tout particulièrement. Qui confère estime et considération.

Cet apprentissage est favorisé par la compréhension que les mécanismes, les produits, les structures même, des divers groupes mis en fonction, sont les solutions appropriées au contexte, les meilleures, mais évolutives pour autant  et mobiles,  et pas plus figés que d’autres, car toutes les sociétés se rencontrent  en ce  qu’elles sont régies par les valeurs et contraintes qui leur conviennent à un moment de leur histoire. Constituant tantôt un rempart contre la dislocation du groupe, tantôt le moteur de leur  avancée,  celles-ci, forcent le respect et la tentation de l’autrement : ceux qui vivent ailleurs, conformément à d’autres modèles, d’autres visions des choses, n’en sont pas moins des hommes, qui souffrent ou rient pour d’autres raisons peut être, mais n’en sont pas moins des semblables.

La richesse du contact: Ainsi, la  comparaison  qui permet de cerner les différences, mais aussi l’idem du soi et des autres invite son acteur à voir, à sentir  autrement, colorant ainsi sa perception du monde, enrichissant son regard sur les choses, élargissant le champ des possibilités, serait-ce virtuellement. Si ce sur quoi elle ouvre, n’est complètement viable, il est vrai,  que fondu dans les normes qui lui donné le jour, elle permet cependant d’aller de l’avant, de progresser. En un temps relativement court à celui nécessité par une évolution strictement endogène, instruite par la diversité des expériences humaines et leurs conquêtes et réalisations les plus bénéfiques. 

L’acteur en sort grandi, quand armé d’une réelle volonté de progrès sûr, à visage humain, il sait quoi choisir parmi la panoplie d’offres ou d’expériences qu’il a en présence. Quand ce choix penche consciemment vers ce qui sied à l’intérêt réel de la communauté, indissociable quant à lui de celui de l’humanité, tout le monde y gagne.

A.de Saint – Exupéry l’avait si bien dit, convaincu qu’il était que la différence loin de  léser les hommes, frères en l’humanité,  les grandit. Cette conviction, si elle venait à se généraliser, permettrait à la diversité  d’exister dans la symbiose, ce pourquoi Dieu en Islam a diversifié les  groupes, pourtant dotés d’attributs égaux : «  Nous vous avons crées, peuples et tribus, pour que  vous vous connaissiez. Le meilleur pour Allah, est le pieux d’entre vous. » dit-il, dans le Coran.    

En guise conclusion : C’est le contact avec les cultures, la compréhension même limitée des règles qui les régissent, qui permet l’émergence des éléments médiateurs, émigrés en tête, dont l’action rapproche les peuples. Ces éléments sont ceux-là qui auraient d’abord reconnu leurs propres spécificités et cerné les traits constitutifs de leur authenticité. C’est là, l’étape première vers l’acceptation de la différence. A partir de là, l’autre ne pose plus problème. Sa singularité n’est plus à effacer, son ipséité, son altérité, sont dés lors, facteurs d’enrichissement mutuel. L’accueil, peut alors être.

Mais au préalable, il nécessite la rencontre. Rencontre, qui doit être selon O.Reboul, l’unique valeur universelle de l’éducation ( 1995, p 75). Elle est salvatrice, en ces temps troubles de déplacements forcés, de circulation massive des hommes à l’échelle planétaire et de violences meurtrières sans précèdent. Pour ce faire, il faut d’abord que les législations des Etats-Nations, redéfinissent le sens de l’hospitalité qui ne se fera plus sous le signe de l’intégration forcée, qui consiste à nier et à effacer la culture d’origine, et toute trace de singularité.  Ni sous le signe d’un rapport à l’autre, vicié à la base et formaté par les discriminations, les dévalorisations et les autoglorifications    suintantes de mépris, décrétées ou insinuées par les officines officielles pour des raisons bien ou mal intentionnées.

 

Pour finir, c’est à cette conception paradoxale de l’hospitalité qui a prévalu jusque-là  que se doivent les drames de l’humanité, alors que  l’hospitalité au sens éthique, signifie, selon Levinas,  «être en proie » à l’autre, être son obligé, c’est à dire responsable devant lui. Dés qu’on écoute autrui, dés qu’on lui parle,  le temps est au respect et à l’amitié, à l’accueil. Si j’accueille l’autre chez moi, ajoute Derrida je suis  en situation d’otage dans la mesure où je suis chez moi,  l’invité de l’autre, son hôte. Aussi, cette éthique doit- elle  se construire sur cette structure de « proie » et d’otage pour pouvoir résister à toutes les violences (Jacques Derrida, 2000,   P66/67.)

Elle doit donc se faire en tant que rencontre assumée, qu’elle soit voulue ou imprévue, sous le signe de la considération réciproque et de la reconnaissance mutuelle qui fait que la singularité de l’un et de l’autre est respectée autant que possible.

C’est pourquoi,  si le XI siècle veut concrètement inaugurer une ère de coopération internationale et de paix, il doit se doter d’institutions et s’inventer des instruments qui sauront instaurer un climat non pas non agressif, mais moins violent,  enclin à l’amitié,  au respect et à la bienveillance envers l’autre, et pour revenir à notre sujet, envers tout nouveau venu  ou toute personne d’ailleurs.

                                       

                                                                                                                                                                  

                                                                                                                                         Djouher KHATER 







Bibliographie :

1-Manuels de textes et de lecture (cours de littérature arabe du secondaire).   

2 - Bencheikh J.E.,  La poétique arabe, édit. Anthropos, Paris, 1975.

3 - Ben Jalloun T.,  «  Au – delà du dialogue », in Le Monde du 23 Novembre, 1978.

4 - Bouzar W.,  La culture en question,  Les édit. SNED, Alger, 1982.

6 - Bouzar  W.,  La mouvance et la pause, Les édit. SNED, Alger, 1983.

7 - Derrida J., Sur parole, édit.  De l’aube, Paris, 2000.

8 - Harbi  M.,  Le  FLN, mirage et réalité, Les  édit.  Jeunes  Afrique,  Paris, 1985. 

9 - Ibn Khatib : m2- p 262/263 ; IlIya Abu Madhi : m3- p 375 ; Abdelhamid Elkhatib : m1- p 161 ;  Ibn Zaydoune : m2 – p 233/234, 234/235, 314, 315, 317 ; Mahmud Samy El Barudy : m 3 – p 75/76, 83/84.

10  - Laroui A., Islam et modernité,  Les édit. La Découverte, Paris, 1986.

11 -  Mammeri  M.,  Culture savant, culture vécue,   édit.Thala, Alger,1991.

12- Michaud  G., Architectures , in Ethnologie.N°2 -3, Septembre, 1971.

13- Pégu

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Commentaires
L
Je viens de lire votre travail sur les représentations de l'étranger. J'ai apprécié la pertinence de l'analyse et constate, une fois de plus, que dans vos conclusions, nous sommes sur la même longueur d'onde. Nous souhaitons une fécondation réciproque des cultures.
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