Quand la France refuse des visas aux artistes et écrivains africains
Voici, reporté ici, le texte publié dans le quotidien “Libération”, édition du 29 juillet 2009 (rubrique “rebonds"), texte que nous avons rédigé depuis le salon du livre de Cajarc avec Christian Eboulé pour nous insurger contre certaines injustices des ambassades africaines à l’égard des artistes africains francophones. Les douleurs sourdes, lancinantes, et leur corollaire, la colère, sont souvent les plus violentes, voire les plus meurtrières. Ainsi en est-il de celles qu’éprouvent actuellement bon nombre de citoyens africains au Sud du Sahara, face au sort qui leur est réservé dans la plupart des consulats français du continent.
Obtenir un visa pour venir en France n’était déjà
pas une sinécure, c’est de plus en plus mission impossible; et aucune
catégorie de population n’est épargnée. Si l’on peut comprendre les
nécessités d’une gestion rationnelle des flux migratoires, dans un
environnement marqué par de multiples crises, l’on peut néanmoins
s’interroger sur la mise en œuvre et les conditions d’application de la
politique française d’immigration.
Alors que traditionnellement, artistes et intellectuels d’Afrique
noire bénéficiaient d’une certaine bienveillance dans l’octroi des
visas, la donne semble avoir complètement changé. Chaque jour, les
refus de visas se multiplient, notamment en période estivale, où les
invitations à participer à des festivals et autres manifestations
culturelles sont nombreuses. Pis, les procédés employés pour signifier
ces refus sont de plus en plus pernicieux; les rendez-vous proposés
unilatéralement par les consulats, sont fixés de telle sorte qu’il est
impossible d’honorer les invitations.
Invité au festival Africajarc, qui se tenait du 23 au 26 juillet dernier à Cajarc dans le Lot, l’écrivain sénégalais Fadel Dia n’a obtenu un rendez-vous que pour le 07 septembre prochain. Les Ivoiriennes Awa et Maaté du groupe les Go de Koteba, ou encore l’écrivain mauritanien Mbareck Ould Beyrouck ont eux aussi été victimes de la même logique absurde. A la frustration de ne pouvoir voyager, s’ajoute l’humiliation. Une double peine qui dans bien des cas n’est pas que symbolique. Si les artistes et les intellectuels qui vivent en Afrique, parfois au péril de leur vie, sont réduits au silence, à cause d’une gestion aveugle de l’immigration, alors quid du dialogue des cultures et de la diversité culturelle. Si ces hommes et ces femmes, qui ont volontairement choisi de vivre dans leurs pays, ne peuvent plus circuler librement, alors c’est un peu de notre culture que nous abdiquons.
Fadel Dia, septuagénaire, est l’auteur du roman
"La Raparille", paru aux Editions Présence Africaine, à Paris, une
maison que fréquentaient entre autres Théodore Monod, Jean-Paul Sartre,
Michel Leiris. L’ironie du sort est à son comble puisque, quelques mois
avant, la directrice de Présence Africaine, Christiane Diop, avait été
élevée au rang de chevalier de la Légion d’honneur par le Président de
la République...