Je suis un Européen du Sud, pour moitié andalou, autant dire à demi-musulman. Je sais trop ce que notre vieux continent doit à l'islam espagnol, et d'abord le retour à la raison grecque. [...] Non seulement les musulmans d'Espagne ouvrirent à la raison un espace où Averroès, Avicenne et Maïmonide s'aventurèrent hardiment, ils furent également médecins, géographes, astronomes, historiens, mathématiciens, alchimistes et physiciens, architectes miraculeux, musiciens raffinés, jardiniers délicats, horticulteurs et artisans subtils. Durant près de cinq siècles, les califes et les émirs ont tenu école de tolérance, défendant les juifs, accueillant les chrétiens, cohabitation sans exemple en ces temps de fanatisme. Cet héritage, je fais plus que l'accepter, j'en tire fierté.
Michel del Castillo
18 Janvier 2002, extrait de Je
suis un musulman, Le Monde
Al Andalus
Pourtant, tout n’était pas idéal. Les conflits entre communautés étaient fréquents. Michel del Castillo suggère qu’Al Andalouz aurait été un pays peuplé de savants et d’artistes un peu comme si l’on disait en pensant à Versailles que les Français du 17ième siècle étaient architectes, ingénieurs, jardiniers délicats, dramaturges. Il faut se méfier des raccourcis. Qu’on songe qu’alors que Tariq – un Kabyle –a passé les colonnes d’Hercule en 732, quatre siècles plus tard, la belle période de tolérance (relative) fait place à ce qu’on appellerait aujourd’hui l’intégrisme religieux. Dès lors, le califat se divise, se délite. Au nord, les catholiques récupèrent leurs territoires. C’est ce qu’on a appelé la Reconquête. Replié autour de Grenade au 13ième siècle, ce qui reste du prestige d’Al Andalouz finit le 2 janvier 1492 par la chute de Grenade et l’expulsion en Afrique du nord de tout ce qui n’est pas chrétien : musulmans et juifs.
On aime évoquer cette période faste pour la diffusion des connaissances. On aime rappeler qu’il y avait l’eau courante et l’éclairage public à Cordoue quand les rues de Paris étaient des coupe-gorges. Il ne faudrait pas oublier la décadence qui est une leçon pour tous et qui doit nous alerter sur certains dangers. Qu’en sera-t-il de notre belle société d’abondance et de consommation si nous continuons à régresser et si nous continuons a rejeter les étrangers ?