par Michel Peyret 15 avril 2010 ( A l'un de mes correspondants ) Tu nous interroges à juste titre sur « la forme
organisationnelle ». Bien évidemment, il ne peut d'agir pour nous de lire
dans la boule de
cristal des diseurs d'avenir, mais de retrouver en Marx les fondements
de ses
réflexions à ce sujet , en étant conscient de ce que, à l'égal d'autres
concepts, ceux-là ont pu aussi être « torturés », voire
« falsifiés » ultérieurement. Il m'apparait cependant, après avoir pas mal fait
s'entrechoquer
diverses théories, que l'on en vient à une question originelle: qui ou
quoi,
dans les sociétés humaines, crée les idées, les pensées, les systèmes de
pensées, les idéologies, les institutions sous leurs différentes
formes... Si l'on admet, comme l'exprime excellemment
l'Internationale, que ce
ne peut être un Dieu, ni un César, ni un Tribun, il convient de bien
admettre
également que ce ne peut être un Parti. L'IDEOLOGIE ALLEMANDE Marx est clair, et ce dès « L'Idéologie allemande » :
« La production des idées, des représentations et de la conscience, est
d'abord directement et intimement mêlée à l'activité matérielle et au
commerce
matériel des hommes: elle est le langage de la vie réelle. » Il y revient à la première occasion tant l'enjeu lui
semble de
première importance: « Les idées ne sont rien d'autre que les choses
matérielles transposées et traduites dans la tête des
hommes. » Et, s'agissant de l'histoire, il précise:
« L'histoire ne fait
rien, c'est l'homme, réel et vivant, qui fait tout. » ( voir mon article
à
ce sujet dans « La Tribune de Michel Peyret » mise à ma disposition
dans « Rouges Midi ».) CONTRIBUTION A LA CRITIQUE DE L'ECONOMIE POLITIQUE Dans la Contribution à la Critique de l'Economie
Politique, Marx
développe davantage: « Dans la production sociale de leur existence, les
hommes
entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur
volonté;
ces rapports de production correspondent à un degré de développement
donné de
leurs forces productives matérielles. « L'ensemble de ces rapports de production constitue
la structure
économique de la société, la base réelle, sur qui s'élève la
superstructure
juridique et à laquelle correspondent des formes de conscience
déterminées.. « Le mode de production de la vie matérielle
conditionne le
procès de vie social, politique et intellectuel en général. « Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine
la réalité,
c'est au contraire la réalité sociale qui détermine leur
conscience. « A un certain stade de leur développement, les
forces
productives de la société entrent en contradiction avec les rapports de
production existants, ou, ce qui en est l'expression juridique, avec les
rapports de propriété à l'intérieur desquels elles s'étaient mues
jusqu'alors. « De formes évolutives des forces productives qu'ils
étaient, ces
rapports deviennent des entraves de ces forces. « Alors s'ouvre une ère de révolution sociale. « Le changement qui s'est produit dans la base
économique
bouleverse plus ou moins lentement ou rapidement toute la colossale
superstructure. « Lorsque l'on considère de tels bouleversements, il
importe de
distinguer toujours entre le bouleversement matériel des conditions de
production économiques – qu'on doit constater fidèlement à l'aide des
sciences
physiques et naturelles – et les formes juridiques, politiques,
religieuses,
artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques sous
lesquelles les
hommes deviennent conscients de ce conflit et le mènent à bout. « De même que l'on ne juge pas un individu sur l'idée
qu'il se
fait de lui, de même on ne peut juger une telle époque de bouleversement
sur sa
conscience de soi; il faut, au contraire, expliquer cette conscience par
les
contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui existe entre les
forces
productives sociales et les rapports de production. « Une société ne disparaît jamais avant que soient
développées
toutes les forces productives qu'elle est assez large pour contenir, et
jamais
de nouveaux et supérieurs rapports de production ne se substituent à
elle avant
que les conditions d'existence matérielles de ces rapports aient été
couvées
dans le sein même de la vielle société. « C'est pourquoi l'humanité ne se pose jamais que les
problèmes
qu'elles peut résoudre, car, à regarder de plus près, il se trouve
toujours que
le problème lui-même ne se présente que lorsque les conditions
matérielles pour
le résoudre existent ou du moins sont en devenir. » FAIRE RESSORTIR LE NOUVEAU On comprend dès lors pourquoi ni les élévations de la
conscience des
peuples, ni les conditions de la révolution ou du changement de société,
ne
peuvent être enfermés dans les élaborations d'un parti ou d'une
organisation qui
apporterait de l'extérieur de la société la conscience de la nécessité
de sa
transformation ? Par contre, on peut au contraire concevoir le rôle
que peut avoir une
organisation qui aiderait à montrer le nouveau qui est en train
d'apparaître ou
de commencer à se construire dans la société elle-même, plus
particulièrement
dans son mode de production. Qui aiderait également à montrer que le mode de
production capitaliste
fondé sur l'existence de la propriété privée et la recherche du profit
est
aujourd'hui l'obstacle principal au développement de toutes les
potentialités de
la révolution en cours avec l'automation et l'informatisation de leurs
processus
de production. DES POUVOIRS DE DECISION REELS Qui aiderait à mettre en évidence que la libération
de ces
potentialités exige l'appropriation sociale et le dépérissement de
l'Etat pour
donner enfin les pouvoirs de décision réels, non pas à telle ou telle
structure
qui perpétuerait ou remplacerait par d'autres ces instruments de
domination sur
les peuples, mais à ceux-là même en mesure de libérer toutes les
potentialités
des transformations en cours, et les seuls à pouvoir le faire, parce que
seuls
ils en ont la maîtrise réelle et totale, matérielle et intellectuelle,
dans le
mode de production. Qui aiderait à montrer que les nouveaux progrès de
productivité, sans
commune mesure avec les anciens, qui résulteraient de la libération de
toutes
les potentialités de l'automation et de l'informatisation, permettraient
enfin
de donner les moyens matériels et intellectuels de répondre à tous les
besoins
existentiels des êtres humains de notre planète, d'en finir à la fois
avec le
salariat et le capital, avec la misère, les injustices, la
sous-alimentation et
sous-instruction. LE DROIT AU TEMPS LIBRE REMUNERE Qui montrerait qu'enfin il devient possible
d'augmenter le temps libre
de façon considérable, de développer parallèlement de libres activités
selon les
besoins et les goûts de chacun, et d'assurer à chacun un revenu
d'existence,
associé à l'extension des gratuités en tous domaines. Qui ainsi ferait dès aujourd'hui la preuve que tous
les Sarko
présents, passés ou à venir, avec leur « travailler plus pour gagner
plus » font partie des berceuses éternelles du malheur humain, car qui
ne
voit que dans les conditions nouvelles, il deviendrait possible de faire
travailler plus les machines si cela s'avérait effectivement nécessaire
pour
satisfaire tous les besoins humains, tout en continuant à développer le
temps
libre et ainsi les possibilités du libre développement de toutes les
potentialités humaines dans chaque individu. L'ORGANISATION DU PEUPLE Qui ne voit qu'aussi, en gagnant pour la première
fois effectivement
que le gouvernement du peuple, par le peuple, et pour le peuple,
devienne une
réalité pour l'ensemble de la société, cette organisation pourrait
elle-même se
concevoir dans ce nouveau de toute autre façon que tout ce qui a pu être
connu
jusqu'alors, et que c'est cette organisation qu'il devient nécessaire de
construire dès aujourd'hui, sauf à considérer que le changement de
société ne
serait plus à l'ordre du jour alors que l'ancien est déjà très fortement
rejeté. MONTRER CE QUI EST DEJA LA Alors que, également, en de nombreux domaines, des
formes de la
nouvelle société existent déjà, qu'il s'agisse des formes collectives de
propriété, comme des formes de gestion de maintes activités de
différents
secteurs de la société, le changement de société consistant alors
davantage dans
l'extension de ces formes encore minoritaires que de leur création ex
nihilo. Alors que nous voyons commencer à se reproduire des
effondrements
d'Etat tels qu'ils ont pu se manifester déjà en d'autres périodes
historiques,
tout concourt à faire penser que ces changements sont à appréhender dans
ce
contexte nouveau qui exclut toute comparaison avec des expériences
d'autres
temps. RIEN N'EST ETERNEL En ce monde, et toute son histoire le vérifie, rien
n'est éternel,
tout naît, grandit, se transforme, passe par plusieurs états avant de
finalement
mourir...en donnant naissance à un nouveau cycle de cette histoire que
ceux qui
le vivront inventeront... Et c'est pourquoi le « Ce sont les masses qui font
l'histoire » est sans doute le concept global qui rend le mieux compte
de
tout l'apport de Marx à la compréhension de l'histoire des
hommes. Spartacus, comme les serfs du Moyen-Age ou les
bourgeois du 18ème
siècle, n'avaient pas les mêmes formes d'organisation que celles qui
sont
apparues ensuite dans l'affirmation des Etats et des gouvernements
capitalistes. Ils n'en ont pas moins réussi à impulser aux
différentes étapes les
évolutions qui ont permis des changements de société... Et c'est aussi pourquoi il est très difficile de
prévoir aujourd'hui
ce que seront ces organisations nouvelles répondant aux besoins des
sociétés de
demain.
Autre article de Michel Peyret: http://canempechepasnicolas.over-blog.com/article-les-assises-du-comunisme-toujours-a-l-ordre-du-jour-48223412.html