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8 juin 2010

Une société de classe ne peut être une société libre, par Michel Peyret

C'est cette citation de Mansoor Hekmat, qui rappelle ainsi un des fondamentaux du marxisme que l'on aurait plutôt tendance à oublier, comme d'autres d'ailleurs, que j'ai choisie pour titre à un texte qui se propose de donner une suite à celui intitulé: "Peu importent les marteaux et les faucilles. "

Comme le précédent, il vise à voir et à faire connaître l'élaboration du Parti communiste-ouvrier d'Iran dans le contexte compliqué des Proche et Moyen Orient, terres qui ont de long temps fait partie des territoires que les impérialismes se disputaient et se partageaient au gré de leurs propres intérêts, et pour le plus grand malheur des peuples qu'ils soumettaient, et avec des pays tels la Russie, la Chine, le Pakistan, l'Inde,...et Israël, loin d'être le plus mal loti en l'occurrence, possédants des arsenaux nucléaires conséquents.

Dans l'introduction à son ouvrage, « Iran, la révolution invisible », Thierry Coville, ancien allocataire de recherche à l'Institut français de recherche en Iran, met en exergue l'importance stratégique de l'Iran qui n'a d'égale que la méconnaissance de ce pays par le reste de la planète, et notamment par les pays occidentaux.

UN IRAN MECONNU MAIS STRATEGIQUE

« S'il apparaît comme occupant une position clé au Moyen-Orient, cela tient d'abord à sa situation géographique: il est entouré par les pays du golfe Persique au sud, par l'Afghanistan et le Pakistan à l'est, la Turquie et l'Irak à l'ouest, et les républiques d'Asie centrale et du Sud-Caucase au nord.

« Or il aspire au rôle de puissance régionale majeure dans cet espace du fait de sa superficie ( près de trois fois celle de la France ), de son poids démographique ( près de 70 millions d'habitants ), et économique ( lié notamment à ses ressources énergétiques ) et, surtout, de son influence culturelle et de ses liens historiques très anciens avec ses voisins.

« On notera que l'Iran fait souvent figure de précurseur dans le monde musulman, comme l'illustre la révolution constitutionnelle de 1906 et la nationalisation de l'industrie pétrolière par Mossadegh en 1951, ou mené des expériences inédites – et jamais répétées – comme la révolution islamique de 1979.

« Par ailleurs, l'Iran est un des principaux producteurs pétroliers mondiaux; il dispose des deuxièmes réserves mondiales de gaz, ainsi que des ressources en minerais conséquentes et l'importance de sa population en fait un marché à fort potentiel.

« Enfin, ce pays constitue la voie de passage la plus sûre et la plus économique pour exporter le gaz et le pétrole en provenance de la mer Caspienne.

STRATEGIQUE AUSSI PAR SON HISTOIRE RECENTE

« A la suite de la révolution de février 1979, l'Iran est devenu une république islamique », poursuit Thierry Coville.

« C'est événement a suscité une énorme inquiétude dans le monde, notamment dans les pays occidentaux, du fait de la volonté proclamée de la République islamique d'exporter la révolution dans la région, au risque de déstabiliser une zone essentielle pour les besoins en pétrole de l'économie mondiale.

« C'est d'ailleurs ce contexte qui a incité Saddam Hussein à se lancer dans la première de ses funestes menées, la guerre Iran-Irak, qui allait durer 8 ans, 1980-1988. »

Thierry Coville oublie de signaler les encouragements empressés et les aides en matériel militaire dont a pu bénéficier Saddam Hussein de la part des dirigeants occidentaux qui voyaient d'un oeil favorable cet affrontement dont ils pensaient qu'il affaiblirait durablement les deux antagonistes.

Thierry Coville poursuit néanmoins en dénonçant la volonté iranienne de mêler exportation de la révolution et lutte anti-impérialiste qui allait conduire à un affrontement avec les pays occidentaux et, surtout, les Etats-Unis, avec l'affaire des otages de l'Ambassade américaine à Téhéran, les attentats contre les forces américaines et françaises au Liban, la prise d'otages dans ce même pays, etc...

Je laisse bien évidemment la responsabilité de ses propos à leur auteur, de même que celle des suivants.

ASSOCIER L'IRAN AU TERRORISME

Thierry Coville montre que ces évènements vont conduire à associer systématiquement l'Iran au terrorisme islamique.

« Une telle histoire conduisait, selon lui, à expliquer aussi « pourquoi les Etats-Unis continuent de voir l'Iran comme un régime structurellement dangereux et semblent vouloir, après la crise du « 11septembre », solder leurs vieux comptes avec ce pays.

« Outre cette dimension stratégique, la révolution islamisque a été perçue dans le monde entier comme un événement marquant le retour du religieux et de l'obscurantisme dans le monde musulman, dont les répercussions allaient se faire sentir de l'Afghanistan à l'Algérie.

« La tournure prise par la politique étrangère américaine après les attentats du 11septembre a encore renforcé ( si besoin était ) le rôle clé de l'Iran.

« Les guerres en Afghanistan et en Irak ont en effet conduit à des tentatives de reconstruction politique de ces deux pays sous égide américaine.

« Or les liens historiques et culturels entre l'Iran et ses deux voisins inquiètent profondément les autorités américaines, qui craignent que la nouvelle donne ne permette à l'Iran d'étendre son influence.

D'IMMENSES PROVOCATIONS

« En outre, insiste Thierry Coville, les tensions irano-américaines ont été amplifiées par le fait que l'Iran a été désigné par le président américain George W. Bush, lors de son discours sur l'état de l'Union en janvier 2002, comme faisant partie de « l'axe du mal ».

« Les accusations américaines portent sur le soutien au terrorisme international ( c'est-à-dire au Hezbollah libanais et aux groupes extrémistes palestiniens ), la volonté présumée de l'Iran d'acquérir des armes de destruction massives ( à savoir l'arme nucléaire ) et le caractère dictatorial de son régime.

« A ces accusations se sont ajoutèes celles d'avoir accueilli des membres d'Al-Qaeda qui fuyaient l'Afghanistan ou de vouloir déstabiliser l'Afghanistan et surtout l'Irak.

« On pourrait croire que les difficultés rencontrées en Irak conduiraient les Etats-Unis à adopter une rhétorique moins guerrière à l'égard de l'Iran.

« Pourtant, début 2005, une enquête d'un journaliste américain révélait que des forces spéciales avaient effectué des missions de reconnaissance dans l'est de l'Iran avec mission de repérer servant à la construction des armes nucléaires afin de préparer d'éventuelles attaques militaires... »

Thierry Coville a écrit son livre en 2007. Depuis bien des faits sont venus confirmer que la politique des Etats-Unis dans cette région du monde n'avait plus rien à voir avec le « grand jeu » traditionnel des impérialismes mais frôlait le délire, l'inconscience, l'irresponsabilité dans la provocation quand se confirmait que Hitler n'était coupable que d'un « enfantillage » quand l'on comparait « son incendie du Reichstag » au sort réservé aux tours de New-York.

En tout cas, ces agissements de l'impérialisme, leur perpétuation jusqu'à nos jours, donnent un relief particulier aux propos de Mansoor Hekmat relatifs à la démocratie et à la liberté.

L'INSECURITE POLITIQUE ET SOCIALE MONDIALES

En juillet 1993, lors d'un entretien pour la revue International, paru sous le titre: « Démocratie: conceptions et réalités », il répond à une question portant sur la fin de la guerre froide et la dissolution du « Bloc de l'Est » et à l'évocation à ce propos de la « victoire de la démocratie » qu'ils auraient pu être.

« Cette expression fournissait une indication sur les espoirs importants des peuples qui pensaient recevoir une récompense à l'occasion de la victoire de l'Ouest sur l'Est...

« En tout cas, avec cette formule et dans son sillage, une fraction des populations paupérisées en Occident, à l'Est et dans le prétendu Sud, ont soutenu les nouvelles solutions de la droite et la perspective d'un nouvel ordre mondial de l'Occident et des Etats-Unis.

« Ces illusions se sont effondrées.

« La fin de la guerre froide n'a pas conduit à l'expansion des libertés et des droits humains, ni à la paix et l'harmonie sociales.

« Au contraire, tout le monde discute maintenant des terribles évènements des trois dernières années, et de l'insécurité politique et sociale à l'échelle mondiale...

« En ce qui concerne le totalitarisme, c'est-à-dire le contrôle du gouvernement sur toutes les interactions politiques et culturelles, cet aspect a été en fait renforcé, dans certains régimes, avec l'apparition des gouvernements islamiques et l'accroissement du pouvoir officiel de l'Eglise dans plusieurs pays...

LA DEMOCRATIE N'EST PAS

L'ANTITHESE DE L'INJUSTICE ET DU DESPOTISME

« En tout cas, la démocratie, si l'on pense qu'elle a triomphé aujourd'hui, n'est pas l'antithèse de l'injustice et du despotisme.

« Cela signifie seulement qu'il existe maintenant une assemblée nationale de représentants choisis à la suite d'élections générales, mais pas nécessairement libres.

« C'est certainement préférable à la domination directe de l'armée et de la police, parce que même la référence polie de la bourgeoisie à une société politiquement et intellectuellement libre offre des possibilités à la classe ouvrière, aux plus démunis, à tous ceux qui désirent la liberté.

« Mais ces transformations politiques ne nous réjouissent pas pour autant. Les dispositifs essentiels des gouvernements bourgeois dans les pays sud-américains, asiatiques et africains, c'est-à-dire l'interdiction ou la limitation sérieuse des activités des organisations révolutionnaires et de la classe ouvrière; la limitation de la liberté d 'expression, de l'activité politique, des droits de s'organiser et de manifester; l'existence d'un formidable appareil de répression militaire et policier fonctionnant au-dessus des lois, d'une justice servile face au gouvernement; le manque de droits sociaux et politiques garantis pour les individus, l'usage de la torture, l'existence de la peine capitale, et, pour résumer, l'impuissance et la dépossession des citoyens de leurs droits face au pouvoir d'Etat, sont demeurés intacts...

POUR LE PEUPLE, PLUTOT LA LIBERTE ET L'EGALITE

Mansoor Hekmat poursuit: « Si du point de vue des démocrates, la situation qui prévaut dans le monde s'appelle la démocratie, et bien cela ne me pose pas de problème; mais cela montre que, pour le peuple, le problème n'est pas cette démocratie mais, plutôt, la liberté et l'égalité.

« Les chiffres des emprisonnements, des exécutions, des tortures, des limitations des libertés et des interactions imposées à divers secteurs de la population, sans parler de la pauvreté, des sans-abris, des déplacements massifs de population, et de la mort provoquée par la faim ou la mal-nutrition simplement au cours de ces dernières années du « triomphe de la démocratie, ne nous incitent pas à émettre un jugement favorable sue ce monde qui vit sous le règne de la démocratie... »

LA LIBERTE EST POUR NOUS UN CONCEPT PIVOT

« Dans mon système de pensée, insiste Mansoor Hekmat, en tant que révolutionnaire socialiste et marxiste, la démocratie ne constitue pas un concept-clé.

« Nous préférons parler de liberté.

« Et la liberté est pour nous un concept pivot.

« Car la démocratie découle d'une conception de classe particulière, d'une compréhension spécifique, historiquement déterminée, du concept plus large de liberté.

« La démocratie est une catégorie grâce à laquelle, à un certain moment de l'histoire, une certaine section de la société humaine a envisagé le concept plus large de la liberté.

LE CARACTERE BOURGEOIS DU CONCEPT DE DEMOCRATIE

« Ma conception de la démocratie, ajoute encore Mansoor Hekmat, peut donc seulement être une conception objective et historique...Un marxiste doit élaborer sa définition en partant de la signification historique et pratique de la démocratie et de sa fonction sociale...

« En fait, durant les deux dernières générations, ce sont les classes et les couches opprimées qui se sont battues pour la démocratie, et se sont les intellectuels et les mouvements de ces classes opprimées qui ont défini et interprété de différentes façon ce concept.

« Cela n'ôte rien au caractère bourgeois dans ce concept.

« Bien au contraire, ce terme exprime la domination de l'idéologie et de la terminologie bourgeoise sur les luttes pour la liberté et la libération de l'humanité.

« La société bourgeoise a réussi à substituer au concept de liberté et de lutte pour la liberté et de lutte pour la liberté la notion de démocratie.

« Elle est ainsi parvenue à limiter les aspirations des classes dominées dans leur quête de la liberté, et à déterminer la forme finale de leur victoire?

« En quelque sorte, elle leur a dit: « Combattez pour la liberté et, si vous obtenez la victoire, nous vous donnons le Parlement et le « pluralisme »...

« Cependant le terme de démocratie n'acquiert une signification claire que si on lui adjoint des adjectifs: ainsi, tu as la démocratie « libérale », « populiste », « parlementaire », « représentative », « directe », « occidentale », etc...

LE GOUVERNEMENT DU PEUPLE?

Pour Mansoor Hekmat, « la conception de la démocratie comme « gouvernement du peuple » a commencé à gagner du terrain au 18ème et 19ème siècle contre la monarchie autocratique et les despotismes fondés sur la monarchie et l'Eglise.

« Contre les gouvernements existants dont la légitimité idéologique et le pouvoir provenaient de sources extérieures au peuple et à la société, la bourgeoisie ascendante, les masses populaires, et les réformateurs sociaux, ont exigé des « gouvernements du peuple ».

« La revendication en elle-même, comme l'ont montré les luttes qui se sont déroulées durant les deux siècles suivants jusqu'à aujourd'hui est tout à fait ambiguë.

« Premièrement, la forme que doit prendre la participation du peuple au pouvoir politique et au gouvernement n'est pas claire, et, deuxièmement, on ne sait pas ce qu'englobe la catégorie de « peuple »...

« Ensuite, et c'est le plus important, il faut noter que la démocratie et l'idéologie démocratique ignorent totalement la structure sociale et les relations économiques.

ET LA STRUCTURE SOCIALE?

ET LES RELATIONS ECONOMIQUES?

« En d'autres termes, précise Mansoor Hekmat, la situation économique existante, le rôle de l'Etat, la position des individus dans les rapports de production et dans les rapports de propriété, la division du peuple en différentes classes et couches sociales, les institutions politiques et administratives existantes, tous ces phénomènes sont considérés comme allant de soi pour la démocratie et l'idéologie démocratique.

« Le fait d'exiger que le droit de vote ne soit plus lié à la possession d'un titre de propriété, par exemple, est considéré comme une revendication démocratique, alors que l'on ne remet pas en cause la propriété, en elle-même et par elle-même, ni la relation des divers secteurs de la population à la propriété.

« On peut, d'un point de vue démocratique, exiger que les femmes participent aux opérations de l'armée américaine dans la guerre du Golfe, ou protester parce qu'il n'y a pas assez d'officiers d'origine indiennes, mais par contre on ne peut critiquer la guerre elle-même ou le rôle de la CIA.

« Le fait de diviser le peuple en shiites, sunnites et chrétiens, puis d'exiger, par exemple, que le gouvernement du Liban attribue attribue une portion du pouvoir à chacune de ces catégories est considéré comme une position démocratique.

« Ou encore, la conception de la démocratie au sein des entreprise juge « naturelle » la division éternelle entre ouvriers et patrons – et donc la limitation du pouvoir des syndicats...

« Pour résumer, la démocratie et les aspirations démocratiques possèdent un contenu objectif commun: à tous les niveaux, elles présupposent l'existence des relations sociales capitalistes et la domination intellectuelle de la classe bourgeoise./

« Elles exigent donc que l'on étende le fondement juridique ou formel du pouvoir politique à une plus grande partie des stratifications et des divisions sociales actuelles.

« D'un point de vue pratique, la démocratie est une formule qui permet à une couche sociale donnée de protester, si elle le souhaite, contre son exclusion légale, ou de facto, du processus de décision politique, et d'exprimer son désaccord.

« Telle est à mon avis la seule caractéristique commune et générale à toutes les formes de démocratie. »

LA DEMOCRATIE N'EST PAS EN SOI UN REGIME POLITIQUE

Mansoor Hekmat considère que c'est plutôt un mouvement constant par lequel les couches exclues luttent pour obtenir des droits semblables aux autres par rapport au pouvoir politique.

« La nature de la démocratie et de l'idéologie démocratique dépend, donc, des couches sociales en question, du genre de société,et de la conjoncture politique dans laquelle elles surgissent...

« En conclusion, je dirais que nous, les révolutionnaires socialistes, avant d'entamer une discussion sur tel préfixe ou suffixe, nous sommes très loin d'accepter l'essence commune de toutes ces conceptions.

« Nous n'acceptons pas la base économique du système existant; nous ne réduisons pas la question de la libération politique à celle de la participation des individus ou des couches sociales au processus légal de la formation de l'Etat.

« La démocratie, sous ces différentes formes et dans toutes ses descriptions, a jusqu'ici été le mécanisme qui a servi à légitimer la domination de classe de la bourgeoisie, domination qui, par nature, s'exerce sur le peuple...

« Juchés au-dessus du pouvoir d'Etat et du Parlement, des cercles officieux dictent la politique nationale; des procès secrets et des tribunaux cautionnent des décisions prises ailleurs; des institutions et des organes armés contrôlent les peuples; les médias et les journalistes ont porté l'art de l'intimidation, de la provocation, et de l'intox à un niveau de perfection grâce à une véritable révolution technique; des nervis de droite, soutenus par le gouvernement et liés à la police, veillent à ce que la gauche et les couches les plus pauvres ne les gênent pas; et des dizaines d'autres organes et méthodes ont transformé les droits humains, les droits de l'individu et la liberté de choix en une sinistre plaisanterie dans les sociétés occidentales elles-mêmes. »

Michel Peyret

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Commentaires
V
Tu as raison, cher camarade et frère Michel Peyret :<br /> Une société de classe ne peut être une société libre,<br /> Et le mieux serait de supprimer ces fameuses "classes"<br /> Et pour cela : Un Idéal imiter les premiers et vrais Disciples du Christ, mettre tous nos biens EN COMMUN, dans la vraie fraternité, dans la vraie Égalité, dans la vraie Liberté!<br /> Pour ce qui est du concept "démocratie" il y a beaucoup à dire!<br /> Mais d'autres Tâches m'appelle et je te conseilles de prendre connaissance de mes commentaires et autres travaux...<br /> Cordialement et fraternellement, <br /> Pierre Bothy.
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