L'héritier, l'électricien et le communisme.

Par Yvan Najiels

 Alors comme ça, l'électricien qui dispose de 271 œuvres de Picasso ne peut être qu'un voleur. C'est d'ailleurs ce que dit l'héritier du peintre.

Haro sur l'électricien ! Haro sur le prolo ! Comment ça, Picasso aurait eu un ami pareil ? Et il lui aurait légué, comme ça, 271 tableaux ?

Il fallait voir ce soir le sourire goguenard de Denisot, ce journaliste aimé par Sarkozy, face à une telle hypothèse. Au Grand journal, il a fait une remarque du genre : "Ben dis donc, quel ami ce Picasso !"

Et pourtant. Pourquoi pas ?

Nos ignorants de la Sarkozye semblent avoir oublié ce que fut le XXème siècle. Ou plutôt si, ils le savent : le XXème siècle fut celui des camps (Goulag = Auschwitz, Staline = Hitler, Lutte des classes = extermination,...) et de l'horrible passion du réel (que détestent les disciples de Furet et de Corcuff)... Choses à oublier pour qu'enfin, tout roule à nouveau et que fleurissent non plus cent fleurs mais les profits du capital mondialisé !

Mais voilà, l'épisode qui nous occupe sonne comme un retour du refoulé. C'est que Pablo Picasso, qui avait déclaré qu'il adhérait au Parti communiste "comme on boit à la fontaine", fut un camarade, un artiste engagé dans la cause du prolétariat mondial. Pire, il ne fut pas le seul. Qu'avec le sien résonnent les noms de Brecht, Neruda, Nazim Hikmet, Césaire, Aragon, Jacques Roumain, Fernand Léger et Antoine Vitez !

C'est que nos gueux du capital contemporain ont oublié qu'au siècle dernier - et quoi qu'on puisse en penser par ailleurs -, il y eut LE Parti, celui des réprouvés, des humbles, des prolétaires et des paysans pauvres alliés aux intellectuels et aux artistes. Leur idée ? L'élitisme pour tous, selon la formule d'Antoine Vitez.

Certes, la morosité capitaliste de notre époque nous fait oublier cela. Les visages des gens du peuple, radieux et sagaces, des films de Renoir ou de Pasolini, les ouvriers peints par Léger et aimés par Rimbaud. Mais tout cela fut, têtu.

Alors quoi ? Quel rapport avec les 271 œuvres que Picasso lui-même aurait déposées chez ce pauvre électricien ? Après tout, que cela décoiffe ou non l'héritier du maître (A bas l'héritage, vraiment !), le communiste Picasso peut très bien avoir légué ces œuvres à un électricien dont, comme son ami trop tôt disparu Apollinaire, il admirait le travail. Ce don serait donc la matérialisation, somme toute, d'une véritable alliance communiste et d'une politique révolutionnaire en acte. Par ce don, c'est la division du travail qui se voit rejetée !

Quoi ? Impossible ? Impensable ?

Eh bien soit... Que votre époque périsse, et au plus vite, marchands, héritiers et journalistes dans l'air du temps !


Sur la générosité du camarade  Picasso, voir aussi :
http://lacomunidad.elpais.com/notredeloupy/2010/12/1/picasso