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12 décembre 2010

Quelle place pour l'économie ?

Sur http://lebondosage.over-blog.fr/

 

La raison purement économique est-elle raisonnable?

 

          La question de la place de l'économie dans la gestion de nos société est un point tout à fait central dans l'histoire récente de l'occident. Depuis la guerre les européens ont tous été aspiré par ce nouveau modus vivendis  de la vie politique qui aurait pourtant étonné nos ancêtres. De plus en plus la politique est économie, l'économie a tout entière absorbé la politique au point qu'il semble impossible aujourd'hui de parler de politique sans parler d'économie. Il n'en fut pas toujours ainsi et c'est bien l'idéologie libérale et le capitalisme qui  ont conjointement conduit l'occident à faire de l'économie le centre de toute les aspirations humaines, ce que j'appelle l'économisme. Il y avait aussi derrière cela l'optique que Keynes avait lui même souligné en son temps "il vaut mieux qu'un homme torture son porte monnaie plutôt que son voisin". En centrant la vie des gens sur l'économie l'on éloignait les passions humaines de ce qui produisait les conflits, les guerres, et les horreurs du passé, l'idéologie et la politique. L'économie est devenu le nouveau champ de bataille des hommes malades de pouvoir, ils peuvent ainsi s'adonner à leurs passions mortifères sur le marché plutôt qu'en massacrant leurs semblables. L'économie est donc en quelque sorte un exutoire à la violence social plus efficace que les champs de batailles et les religions classiques.  A cela s'ajoute en pratique l'accroissement du progrès technique et les gains de productivités qui en découlaient  poussant à l'élargissement sans fin du marché à fin de maintenir la paix sociale par le plein emploi même si la nature des emplois furent progressivement transformées.

     

    L'économisme religion structurante de l'homme moderne?  

   

          Ainsi défini on peut rapproché la fonction de l'idéologie de l'économisme comme étant celle d'une religion, elle donne  une structure, un sens à tout le reste, à la vie  de chacun.  Toute action dans cette nouvelle société doit impérativement se construire en fonction de cette nouvelle référence à laquelle nul ne peut échapper. L'esprit de l'occident moderne  est complètement bloqué dans cette optique et ne raisonne qu'en terme d'intérêt économique puisque tout autre dimension sort de son cadre d'analyse. Ainsi l'homme n'agit-il que par intérêt économique et rien d'autre, on ne peut imaginer un individu motivé par des passions autres que le gout du lucre. La moral, l'honneur, l'amour, l'amitié, la curiosité, la nation n'entrent pas dans     ce cadre et ne sauraient être de vrais motivations puisque celles-ci se réduisent à la l'impulsion de l'avoir et à l'utilité économique. Cette question va bien au delà du capitalisme car les deux grandes idéologies qui ont en partie structuré notre histoire depuis le 19ème siècle le libéralisme et le communisme, sont elles aussi enfermées dans le cadre de l'économisme. La réduction de la réalité sociale à une simple question économique ne s'est pas fait en un jour, ni même en une génération. Ce qui semble s'être considérablement accéléré depuis trente ans était déjà latent depuis  la révolution industrielle au moins dans les pays anglo-saxon. Mais les anciens rites, les anciennes traditions, les vielles croyances, les vielles habitudes ont longtemps résisté, elles ont survécu tant bien que mal pendant des générations, mais elles s'étiolaient inexorablement avec le temps.  

     

          Tout semble s'être accéléré avec la fin de la domination européenne et l'avènement de la tout puissante Amérique rêve incarné de la modernité. Cette société post-idéologique tout entière tournée vers l'esprit de croissance et de progrès qu'elle a malheureusement confondu avec l'économisme. Abandonnant l'ancien occident plein de religion et d'idéologie l'Amérique a     créé un nouveau monde, un monde dans lequel on ne se pose pas d'autre question qu'économique, et où "le temps c'est de l'argent" comme disait le célèbre Benjamin Franklin devient un concept central. Pas question ici d'expliquer l'origine de cette perversion de l'esprit qui conduisit les protestants à créer le capitalisme moderne Max Weber l'ayant amplement explique dans son "Éthique protestante et l'esprit du capitalisme". Mais il est clair cependant que l'économisme est le fruit de cette évolution mentale née en Amérique et exporté par la domination de celle-ci sur le vieux continent.  Même les vielles sociétés catholiques ont succombé, et la maladie semble maintenant se répandre hors d'occident, même si les autres régions du monde ont encore d'autres vues que celle de l'économisme.  

 

    L'échec de l'économisme 

     

        Si l'économisme a réussi à pacifier en apparence nos sociétés en expulsant la violence dans le champs économique, la rendant ainsi moins palpable et moins directe, il ne l'a pas éliminé totalement. De la même manière la violence sous la forme économique est peut-être, par certains aspects, moins voyante, mais elle n'en est pas moins meurtrière. Dire comme Keynes qu'il     vaut mieux torturer son porte feuille que son voisin, c'est oublier un peu vite que l'on peut torturer son voisin grâce à son portefeuille, ce que font très bien les rentiers, les banques, les multinationales et les actionnaires la situation actuelle le démontre clairement. La violence est d'ailleurs plus sournoise de nos jours qu'à l'époque des massacres et des ambitions idéologiques, aujourd'hui on détruit des vies sans même en avoir conscience, et en prime en ayant l'ambition d'une certaine morale. Le petit capitaliste qui gagne son argent avec ses intérêts cumulés n'a pas conscience réellement qu'il vole le pain d'autrui, à l'image de la guerre moderne l'économisme fait de la violence à distance, loin des yeux éliminant toute forme d'empathie possible. La politique que certains libéraux critique par ses aspect corrompu et populiste est en réalité mille fois plus civilisé et moins violente que le marché. En démolissant le pouvoir politique pour nous adonner entièrement au culte de Mammon nous avons en fait largement régresser sur le plan de la civilisation.  

     

      L'autre gros soucis c'est que la prétendue efficacité capitaliste et la prétendu efficacité économique de l'économisme commencent à apparaitre pour ce qu'elle est, complètement  fausse.  Et si en fait l'efficacité économique était dû à des mécanismes complètement différents de ceux prétendument moteur qui font le lit de l'économisme et du capitalisme?  Et si en     définitive nos sociétés ne s'étaient pas développées grâce à ce cadre de l'économisme, mais malgré lui. Et si en fait c'était toutes ces habitudes résistantes, ces traditions d'érudition, de  curiosité, d'entre-aide, de famille qui avait fait la richesse de l'occident et non l'économisme auquel nous avons aujourd'hui tout sacrifié? Cela expliquerait l'épuisement massif des sociétés     occidentales actuelles. En  n'ayant plus de moteur libidinale en dehors de l'argent , l'économie de nos sociétés ne sont plus ni créative, ni efficaces, même sur le plan purement économique. En devenant tout l'économie est devenue rien, le vide, le néant, peuplé d'individus motivés par le seule profit il n'y a plus ni art, ni science, ni famille, ni création, ni nation. Nous     souffrons d'une inversion dramatique entre  en la fin et les moyens. En prenant l'économie comme unique but et non comme un moyen d'atteindre un but, nous avons perdu ce qui faisait  l'essence de notre civilisation. L'aberration la plus totale venant de la façon dont nous parlons de la croissance, naguère la croissance avait pour but d'enrichir  la population, d'améliorer les conditions de vie, aujourd'hui on les dégrades, on appauvrit le peuple pour nourrir la croissance. Autrefois on éduquait pour former des citoyens aptes à s'impliquer dans la vie politique du pays, aujourd'hui on transmet des techniques pour faire des travailleurs aptes à répondre aux besoins économiques. Nous vivions dans une civilisation qui  mesurait les arts et la littérature à la qualité, aujourd'hui on les mesures à la quantité de vente.  

     

    En route vers une troisième civilisation occidentale?  

     

      Heureusement l'occident n'est pas seul, il a des civilisations concurrentes aptes à le remplacer maintenant que sa décadence est avérée. Ces autres civilisations vont petit à petit remplacer celle de l'ouest qui perdra de plus en plus de son éclat puisqu'elle a épuisé tout ce qui faisait sa substance. Mais c'est une chance, une chance de remettre en cause en occident même ces mécanismes de dépérissement. Les contraintes qui vont s'appliquer à nous du fait de notre dépérissement vont petit à petit permettre une remise en cause interne des mécanismes qui ont construit l'occident moderne. En premier lieu l'économisme qui a structuré et structure encore nos vies sera bien difficile à maintenir avec l'appauvrissement général lié à la perte de domination  économique. L'on pourrait ajouter à cela les contraintes énergétiques qui vont mener notre civilisation vers de très grandes difficultés ne serait-ce que pour nourrir la population. Il va falloir créer un modèle de société moderne techniquement mais sans pétrole et avec une capacité de durabilité qu'elle n'a jamais eu à faire à cause de l'abondance momentanée crée par la  mondialisation.  Dans un cadre d'appauvrissement général, ou même de stagnation de la croissance, l'organisation actuelle de nos sociétés ne peut qu'exploser rien que par les effets des intérêts économiques par exemple. Le fait que le futur n'est plus vue comme une amélioration mais comme une régression devrait remettre en cause également la question de la motivation purement économique, l'homme devra se trouver d'autres passions que l'enrichissement pour vider ses pulsions néfastes. Il va falloir réapprendre à canaliser les pulsions sans le recours à l'artifice  consumériste, il va falloir se reciviliser en quelque sorte.  

     

     Tout ceci pourrait bien obliger l'occident à se réinventer totalement, et à fonder un troisième occident en quelque sorte et si l'on considère le premier comme étant l'occident chrétien et idéologique du moyen-âge à la révolution industrielle, et le second que l'on pourrait dater du début de l'ère industrielle. Ce troisième occident aurait la lourde tâche de réconcilier les deux     premiers, de prendre peut-être le meilleur des deux premiers pour fournir une civilisation plus durable que celle qui altère à l'heure actuelle les conditions de la propre continuité. Avoir la paix et l'efficacité de l'occident économiste et la passion, la vivacité  de l'occident idéologique en même temps voila la tâche immense qui s'ouvrira au 21ème siècle.  

Yann

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