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8 août 2011

Féminisme et théologie de la libération

Publié dans la revue "L'autre parole": 
No. 115 - Féminisme, théologie et libération

 

Le concile Vatican II célébrera l’an prochain son 40e anniversaire. Né sous le pontificat de Jean XXIII, considéré alors comme un pape de transition, l’idée  de ce concile avait d’abord surpris.

 

En rassemblant tous les pasteurs pour leur confier l’avenir, le pape leur avait dit : « Je viens du monde des humbles, j’ai une assez bonne santé et un peu de bon sens, je vous demande de penser que vous êtes au service d’une Église servante et pauvre dans ce monde moderne en quête de lumière. Voyez les signes des temps. » Et parmi ces signes il avait pointé les femmes, et l’ouverture au monde. Quatre grands documents sortiront de ce concile dont L’Église dans le monde de ce temps, et de cette recherche commune, de ce questionnement ouvert et solidaire surgira la théologie de la libération. En se faisant ainsi plus égalitaire, l’Église hiérarchique s’orientait vers une nouvelle Pentecôte.

Mais après la mort de Jean XXIII, qu’est-il advenu de la situation des femmes dans l’Église ? de la théologie de la libération ? des signes des temps?

Pourquoi est-on retourné à l’orthodoxie au lieu de poursuivre l’ouverture au monde? Pourquoi et au nom de qui a-t-on remplacé la collégialité promise par une centralisation mur à mur qui a refermé les portes de l’Église sur elle-même? Ce ne peut être l’Esprit qui ne se laisse pas enfermer mais bien  le Pouvoir qui a pris peu à peu le contrôle de l’Église à sa place.

Mais les femmes n’ont pas dit leur dernier mot. À l’époque du concile, peu d’entre elles s’inscrivaient  en théologie.  Aujourd’hui  devenues plus nombreuses elles ont raison d’espérer des jours meilleurs. Elles n’ont pas oublié qu’elles avaient été reconnues comme un signe des temps et elles sont bien résolues à s’en prévaloir, à prendre leur place dans l’assemblée du peuple de Dieu. Depuis Vatican II, elles ont vécu la marche des femmes et se sont solidarisées avec leur consoeurs  du monde entier. Elles savent que   rien ne changera sans elles, que l’avenir de l’Église est entre leurs mains.   Si les prétendus détenteurs de la vérité oublient que c’est l’expérience humaine qui est la première source de  vérité, les femmes sont là pour le leur rappeler. Mais rien n’est encore gagné. Dominé par la raison, l’homme en général se bat pour avoir le contrôle. Ce n’est donc pas étonnant que le dieu traditionnel qui n’est qu’une production masculine soit un personnage patriarcal, une figure d’autorité qui surveille, qui inspire la peur.

Le fait que Jean-Paul II dans sa déclaration Ordinatio sacerdotalis dise NON à l’ordination des femmes et affirme que cette doctrine doit être considérée comme une doctrine définitive de sorte que la conscience de l’Église ne puisse progresser dans le futur parce que doctrine divinement révélée, est des plus  symptomatiques. Le système patriarcal avec ses structures autoritaires, centralisatrices, hiérarchisées et cléricales a non seulement constitué une barrière pour les femmes désireuses de vivre pleinement leur sacerdoce baptismal mais il est aussi devenu un déni du projet de Jésus qui n’appelle en rien un tel appareil de pouvoir producteur de discrimination, qui enferme dans des catégories de pensées limitatives qui interdisent  l’ouverture à l’Esprit. Or la vérité chrétienne n’est pas un système avec des propositions définies impérativement. La vérité c’est le Christ. Tout le système autocratique de Rome n’a rien à voir avec l’Évangile. Ce qui importe c’est de réaffirmer clairement et de mieux enseigner les règles nécessaires du vivre ensemble. Autrement dit, c’est revenir à l’esprit de Vatican II qui avait opté pour une théologie ouverte sur le monde.

C’est pourquoi les femmes théologiennes sont bien résolues à traverser  le miroir patriarcal pour prendre leur place légitime dans l’Église. Des pas sont déjà faits en ce sens. Si la façade de notre Église est encore impressionnante, il n’en est pas de même de sa réalité intérieure. Le Congrès eucharistique de 2008 s’inscrit bien dans la logique des grands déploiements avec foules. Pourtant chacun sait que la vie réelle des communautés chrétiennes, ici comme ailleurs, est en péril : blocages par rapport aux femmes, morale sexuelle rigide, pénurie des prêtres, impasses œcuméniques…

Ce qui ranime malgré tout notre espérance c’est que nous savons aussi qu’il existe deux forces qui s’opposent à la sclérose du système actuel: l’Évangile, qui pousse toujours en direction de la liberté, le cours de l’Histoire qui ne s’arrête jamais.

Comment cette dernière jugera-t-elle le temps d’errance de l’Église d’aujourd’hui ?

 

Yvette Laprise

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Commentaires
L
Le "hic", M. Baillergeau, c'est qu'en renonçant à son pouvoir hégémonique, elle n'a pas renoncé à sa structure hégémonique (en réalité Rome a été contrainte à ce renoncement, dans lequel la métamorphose de la société, le passage de témoin de la monarchie à la bourgeoisie d'affaire a joué un rôle décisif).<br /> La réglementation des moeurs, plus encore que la compromission des élites chrétiennes (Wolsey, Richelieu) avec le machiavélisme des gouvernements, était au coeur de cette structure hégémonique. L'Italien Boccace a ainsi peint un tableau calamiteux des moeurs médiévales ("Décaméron"), doublement corrosif de l'idée de "morale chrétienne" : non seulement le discours moral de l'Eglise n'est pas évangélique, mais qui plus est il est parfaitement inefficace, si ce n'est la source du plus grand libertinage.<br /> L'absurdité radicale du discours de l'Eglise romaine, persistant dans un discours moral désuet, a selon moi trois conséquences funestes :<br /> - La première est qu'il associe morale et spiritualité, contre les avertissements du Christ et la dévaluation de la morale accomplie par saint Paul (lettre aux Hébreux) ;<br /> - La seconde est qu'il conforte aussi efficacement que le discours républicain les milieux populaires dans la culture athée héritée des révoltes ouvrières, du temps où la bourgeoisie s'appuyait sur le clergé. La morale familiale de Benoît XVI et de sa brigade mondaine date en effet de régimes appuyés sur une économie paysanne ;<br /> - Contre cette morale frappée de cacucité, la morale libérale moderne s'appuie, n'ayant guère d'autres moyens de s'étayer. Enfin ce monstre qu'est la "morale chrétienne" se dispense de la remise en cause de l'argent, tribut du sang, telle qu'on peut la trouver chez Shakespeare ou Marx, non pas d'un point de vue moral, mais justement spirituel.
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B
@Lapinos<br /> Pour moi, le fait que l'église de Rome se soit substituée à l'église du Christ dans une structure à vocation hégémonique avec son armée de curés formés dans la dépendance à l'autorité centrale de l'évèque de Rome ne me choque pas dans la mesure où chacun aujourd'hui y adhère ou pas, en totale liberté.<br /> <br /> D'autres voies permettent d'être au sein de l'église du Christ, ceux qui Juifs et Chrétiens trouvent dans la Bible la totalité de la matière nécessaire à leur épanouissement - Je pense qu'il y a aussi quelques centaines de millions de disciples de Lao Tseu, mais ma science en ce domaine est trop faible pour être péremptoire.
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L
On peut en effet démontrer la sclérose de l'institution ecclésiastique romaine par le fait qu'elle est sortie de l'histoire. Thomas d'Aquin est dans l'histoire, tandis que celui qui s'en réclame aujourd'hui, le pape, ne l'est plus, il n'a plus qu'une fonction esthétique ou décorative.<br /> - Mais Mme Laprise confond les causes avec les conséquences, si je peux me permettre : la sclérose de l'institution est venue de son ouverture au monde et non le contraire. C'est le mal spirituel dont souffre manifestement Benoît XVI (mal typiquement allemand ou japonais) : la nostalgie d'une Eglise romaine médiévale, qui se confondait plus ou moins avec le monde, ayant rompu avec tous les avertissements du Christ contre l'esprit de corruption du monde (On peut lire Shakespeare comme la défense officieuse du christianisme contre un monde officiellement christianisé.)<br /> En plus d'être ubuesque, la nostalgie du moyen âge de Benoît XVI est parfaitement mondaine : elle traverse pratiquement toute l'idéologie libérale.<br /> - Le discours féministe de Mme Laprise me paraît d'autant plus incohérent que l'Eglise romaine est une institution aujourd'hui presque entièrement aux mains de femmes, dont le principal souci est moral, étranger à la spiritualité chrétienne, de défense de la famille. Ce qui explique que l'audience de l'Eglise romaine est quasiment nulle en Europe aujourd'hui, tandis que dans les nations encore largement agricoles, l'Eglise romaine a encore pas mal d'adeptes.
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B
Il n'y a plus rien à attendre de l'oecuménisme institutionnel.<br /> Heureusment, il reste à l'échelon local des fraternités chrétiennes que rien, ni personne, ne pourra briser.
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