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  • De Marx à Teilhard de Chardin, de la place pour (presque) tout le monde...
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22 juin 2013

Chétiens et marxistes: il n'y a pas deux communautés. Un texte de Roger Garaudy

Je ne pense pas qu'il y ait deux communautés. C'est mal poser le
problème. Il n'y a pas les chrétiens ici et les marxistes là. Il y a une
seule communauté affrontée aux mêmes problèmes : de la lutte contre
un capitalisme qui est dégradant pour tous, d'un socialisme dont nous
connaissons les perversions (et, par conséquent, d'un système qui n'est
pas la seule réponse possible aux contradictions du capitalisme). L a pire
erreur serait d'identifier simplement le socialisme avec la socialisation
des moyens de production et pire encore avec leur étatisation. Marx ne
définissait pas ainsi le marxisme ; il le définissait comme un système
dans lequel chaque enfant qui porte en lui le génie d'un Mozart ou d'un
Descartes pourrait le déployer pleinement. L a socialisation des moyens
de production est un moyen, mais un moyen seulement, une condition
nécessaire mais pas une condition suffisante. Nos problèmes communs
sont ceux de ce capitalisme, ceux de ce socialisme, ceux de ce christianisme
(car le christianisme aussi a été perverti par sa propre histoire)
Et puis i l y a les problèmes du tiers-monde, les problèmes des grandes
mutations scientifiques et techniques. I l n'y a qu'une communauté affrontée
à l'ensemble de ces problèmes. Après dix ans de pratique du dialogue,
nous en avons fini avec les prolégomènes. Ricoeur peut, comme moi,
mesurer le chemin parcouru, car i l a été un des pionniers de ce dialogue,
dans cette même salle, au cours d'une « Semaine de la pensée marxiste » .
Le temps n'est plus où nous disions : vous êtes là, vous les chrétiens, nous
les marxistes nous sommes là ; est-ce qu'il est possible de discuter
ensemble et de faire quelque chose ensemble ? Il faut inverser les termes
de la question. Nous sommes affrontés à des problèmes qui nous sont
communs, voyons comment nous pouvons chacun apporter quelque chose
pour les résoudre. Vous me dites : est-ce que ce socialisme que vous rêvez
ne nous obligera pas à accepter les principes d'une certaine politique ? Je
ne parle ni du dehors ni du dedans du Parti Communiste. Pas du dedans
puisque j'en suis exclu, ni du dehors non plus parce que d'en être exclu
ne m'en a fait perdre ni les visées, ni l'espérance, ni la solidarité. Le
socialisme que nous voulons faire — et je voudrais parler avec autant de
responsabilité que du temps où j'étais l'un des dirigeants de ce parti —
ne sera pas seulement ce que les communistes veulent en faire. Il portera
l'empreinte de tous ceux qui auront participé à le construire. Dans un
petit livre que j'ai intitulé L a reconquête d e l ' e s p o i r , j'ai attribué une
grande importance à la dimension humaine et surtout à la participation
des chrétiens. Parce que, plus les chrétiens qui acceptent, comme le disait
tout à l'heure Ricoeur, d'« intégrer la critique radicale », pour en faire
une composante de leur foi, seront nombreux dans la construction du
socialisme, plus les rechutes du stalinisme deviendront improbables. C'est
pourquoi je tiens tellement (et d'une façon permanente, pas seulement
depuis l'an dernier, mais depuis trente-sept ans), non seulement à réaliser
une convergence, mais une coopération, une fraternité de combat. Il ne
s'agit pas seulement d'une nécessité tactique. Dans un pays comme le nôtre,
dire que l'on voudrait faire le socialisme sans les chrétiens ou contre
eux, cela reviendrait à dire qu'on ne veut pas faire le socialisme du tout.
Mais là n'est pas l'essentiel : même si l'on parvenait au socialisme à la faveur
d'une crise, d'une guerre, d'une manière exceptionnelle, nous risquerions
de retomber dans les erreurs du passé, de retomber dans des formes
bureaucratiques, voire despotiques, dans la mesure où l'une des composantes
de ce socialisme ne serait pas cette « défatalisation ». C'est le
dénominateur commun sur lequel nous nous sommes retrouvés. Vous
avez tout à l'heure évoqué, à propos du Christ, cette image de celui qui
« défatalise ». Dans la mesure où dans la construction du socialisme cette
composante chrétienne sera une composante non seulement historiquement
nécessaire mais une composante réelle et une composante puissante, nous
pourrons réaliser un socialisme qui ne prenne pas les formes bureaucratiques,
autoritaires ou despotiques. Il les a prises dans des pays qui
avaient à remonter un lourd handicap de développement et à réaliser
cette accumulation primitive qui avait été faite d'une manière si criminelle
par le capitalisme. Elle s'est accompagnée d'un certain nombre de
crimes aussi à l'intérieur du socialisme. Si dans notre pays, nous n'avons
pas ce handicap à remonter, i l nous est possible de retrouver le modèle
primitif de Marx, c'est-à-dire de voir dans le socialisme un dépassement
du capitalisme ayant atteint son plein épanouissement. Oui, i l nous est
possible de construire une véritable démocratie socialiste, à condition que
nous la construisions ensemble. C'est l'une des conditions essentielles de
la reconquête de l'espoir.
 
Roger Garaudy

Recherches et débats , n°73

Voir texte intégral à http://rogergaraudy.blogspot.fr/2013/06/la-foi-soupconnee.html

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