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30 juillet 2013

Echos du monde musulman n°195 - Yves Montenay (23 juillet 2013)

  

 Tunisie

La presse française informe maintenant assez bien sur la Tunisie. D'après l'éditorial du Monde : « Ce n'est pas seulement un homme qui est tombé. C'est la démocratie tunisienne et le pluralisme qui ont été visés… », éditorial par ailleurs assez indulgent envers Ennahda. Je dis « indulgent » car si je ne sais certes pas si ce parti est directement responsable, il l’est à mon avis au moins indirectement, ayant nourri le climat de tension et de division, ce qui est confondre la politique partisane et le gouvernement d'un pays. Et plus le temps passe sans élections (voir plus bas) plus cela s’accentue. Ainsi, bien sûr que la colère et les manifestations en face.

Je rappelle que la victime, Mohamed Brahmi, était un des dirigeants du Front Populaire (http://front-populaire.fr/) une des 3 grandes coalitions de partis politiques tunisiens, les 2 autres étant :

- la « troïka » au pouvoir, en pratique réduite à Ennahda et au président Marzouki , une grande partie des députés non Ennahda ayant quitté leurs partis respectifs. Nous observons que le président fait de belles déclarations publiques, mais ne peut ou ne veut rien faire de concret (question aux Tunisiens : s'il démissionnait cela déclencherait-il une présidentielle ?),

- le mouvement Nida Tounès ("L'Appel de la Tunisie", principal groupement de partis d'opposition ( http://www.nidaatounes.org/findex.php ) dont nous avons déjà parlé et dont l'animateur Béji Caïd Essebsi est une figure politique de la Tunisie depuis l'indépendance (1956) … Ce qui lui fait 86 ans, et pourrait le faire buter sur la limite d'âge pour être candidat à la présidence.

Remarquons que ces trois mouvements regroupent des partis ou des factions assez variées qui peuvent mettre leur unité en péril. Et que deux partis d'opposition face à Ennahda, c'est probablement un de trop (à préciser suivant le mode de scrutin, que je ne connais pas)

 

 Les Marocains jouent à la IVe République

(Ce qui vaut mieux que de s'entre-tuer comme dans d'autres pays ; résumé très très très simplifié, détails dans la presse française et marocaine).

 Vous savez que le PJD, parti « islamiste royaliste » n'a que 106 sièges sur 395 à l'assemblée marocaine. Il avait donc monté une coalition avec trois autres partis, dont celui de l'Istiqlal (nationaliste à l'époque de l'indépendance, mais depuis ?), qui vient de s'en retirer. Donc, comme sous la IVe République en France, tout le monde voit tout le monde pour bâtir une nouvelle coalition. Pour l'instant il semble que le patron assez populaire du PJD, le premier ministre Benkirane courtise le RNI (indépendant royalistes) qui semble tenté, à condition « de ne pas faire de la figuration en rejoignant le gouvernement ni jouer au simple remplaçant ».

Le marocain existe-t-il ?

Le marocain avec un « m » minuscule, c'est une langue. Du moins pour certains, mais « surtout pas » pour d'autres. Explications détaillées à :

http://ressources-cla.univ-fcomte.fr/gerflint/MondeMed3/selma.pdf

Il s'agit d'un article commun d'une collègue marocaine et de moi-même sur la langue que parle la majorité marocains et que comprennent presque tous. J'ai bien dit  « parlent », car ils l'écrivent rarement, utilisant alors l'arabe standard ou le français. Elle gagne néanmoins terrain à l'écrit, notamment dans les SMS. Mais elle est loin de pouvoir avoir un rôle opérationnel. Cet article figure dans le numéro 3 de la revue du GERFLINT  http://ressources-cla.univ-fcomte.fr/gerflint/MondeMed3/2couv.pdf

 

L’Égypte

Les manifestations des Frères Musulmans demandant le retour du président Morsi continuent, et leurs groupes s'enracinent à certains endroits. L'homme fort du nouveau gouvernement, le général Al Sissi commence visiblement à s'impatienter et a lancé un appel aux contre-manifestations pour le 26 juillet.  Ce jour-là il n'y a pas eu de « raz-de-marée » de manifestants favorables aux Frères Musulmans, ni de guerre civile, mais les morts commencent à s'accumuler (5 vendredi,  peut-être 80 samedi).

Dans l'ensemble les réactions occidentales, tant officielles que journalistiques,  ont curieusement basculé et reprennent l'interprétation des Frères Musulmans,  souvent présentés comme des victimes : « le président était démocratiquement élu, c'est donc un coup d'État ». Certains vont plus loin dans la reprise de leurs arguments : « c'est un retour en force de l'ancien régime ». Alors que les mêmes dénonçaient il y a encore quelques jours « la dictature rétrograde » de ces mêmes Frères.

Vous savez que mon avis est nuancé : la démocratie ne se résume pas à une élection, mais suppose tout un contexte. J'ai rappelé qu'un autre général, De Gaulle, démocratiquement élu, n'hésitait pas à consulter le peuple en cours de mandat quand il sentait une différence patente (mai 68) ou même simplement possible (questions algériennes, questions constitutionnelles) pour vérifier si « sa » majorité existait toujours, et a démissionné (1969) lorsqu'il a constaté  qu'elle était devenue légèrement minoritaire. Et comme dit dans les lettres précédentes, une majorité, même « vérifiée » (ce qui n'était pas le cas), n'a pas à imposer n'importe quoi à la minorité ni à chaque individu, et doit s'en tenir aux décisions de gestion dans le cadre de son programme électoral, ce qui n'était pas le cas de Mohamed Morsi qui s’était fait élire sur un programme très « ouvert ».

Enfin, comme nous l'avons vu dans le déroulement de la Révolution française et de ses suites, écarter toutes les personnes ayant frayé avec « l'ancien régime », c'est se priver d'une grande partie des élites du pays, beaucoup de responsables étant forcément proches du pouvoir quel qu'il soit dans le cadre de leurs fonctions sans être pour autant des partisans d'un retour en arrière. Rappelez-vous qu'une des grandes erreurs des Américains en Irak a été de licencier tous les adhérents au parti Baas, c'est-à-dire presque toutes les personnes qualifiées du pays et même de simples employés, tous bien forcés d'y avoir adhéré, cassant ainsi le fonctionnement quotidien du pays qui ne s'en est jamais remis. Et, « en prime », les Américains les a ainsi dirigés vers l'opposition armée ! Napoléon, au contraire, a puisé dans les élites de tous les camps, reconstitué une unité nationale et pris les plus compétents, ce qui a beaucoup contribué au succès de ses premières années.

Si ce cap de la contestation des Frères est passé avec succès (c'est trop tôt pour le dire), le nouveau gouvernement se retrouvera face à deux énormes  problèmes : la sécurité et l'économie. Le premier ministre, Hazem Al-Béblawi, est d'ailleurs un économiste de renommée internationale ayant étudié et enseigné  en France.

 

Al-Azhar et les islamistes

Vous connaissez Al-Azhar, pas seulement la mosquée du Caire, mais surtout le centre d'éducation religieuse traditionnelle de l'Égypte et d'une grande partie du monde musulman depuis des siècles. Donc bien avant que n'existent les Frères Musulmans et les salafistes.

Si l'on veut classer les acteurs actuels par modération, on peut dire que les Frères sont plus modérés le salafistes et Al-Azhar plus modérée que les Frères. En fait, le mot « modéré » qui est rentré dans le langage courant n'est pas très adapté. Il vaudrait mieux dire « par degré de contrainte », le salafistes voulant contraindre chacun ici et maintenant, éventuellement par la violence, les Frères plus progressivement par l'encadrement social et l'éducation, alors que l'islam égyptien traditionnel, donc Al-Azhar, pense que la religion n'a pas à se mêler de la politique. Bien sûr, je simplifie un peu abusivement l'idée générale de chaque groupe, qui, par ailleurs, sont tous très divisés en personnalités et en courants.

Bref, Al-Azhar s'est retrouvée avec le patriarche copte et les militaires dans le camp anti–Frères. Ce positionnement correspond à la demande des « laïques » égyptiens, beaucoup plus religieux que les laïques français, mais opposés d'une part à toute contrainte religieuse et d'autre part à ce qu'ils appellent « l'obscurantisme » déversé à longueur de journée par des prédicateurs télévisuels souvent financés par l’argent wahhabite, loin des maximes prudentes d'Al-Azhar. Mais la réalité est complexe, car beaucoup de monarchies wahhabites sont des adversaires des Frères Musulmans et soutiennent donc leur mise à l'écart. Ils sont plutôt proches des salafistes, mais en pratique on s’y perd un peu !

On peut voir sur un thème voisin l'article du magazine francophone égyptien Al-Ahram HEBDO :

 http://hebdo.ahram.org.eg/NewsContent/0/5/33/3277/L%E2%80%99urgence-d%E2%80%99un-islam-mod%C3%A9r%C3%A9.aspx

 

 

 

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