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31 juillet 2013

Le catholicisme, ses «conservateurs» et ses «progressistes»

Publiée par les jésuites des États-Unis, la revue America est connue pour sa grande qualité et pour ses positions souvent avant-gardiste et libérales. La Matinale chrétienne de La Vie nous apprend, dans sa livraison du 2 juillet, que le nouveau rédacteur en chef de la revue, Matt Malone renonçait désormais à utiliser les termes « catholiques progressistes » et « conservateurs ».

Billet de blog initialement publié sur cathoreve.over-blog.com par Philippe Clanché

« Quand nous envisageons l’Église en fonction de catégories politiques essentiellement laïques, alors ce n’est plus vraiment l’Église, ce n’est plus une communion mais un regroupement de factions. Et la conséquence de cela, c’est que les termes et la teneur des conversations ecclésiales deviennent de plus en plus difficiles à distinguer de celles du monde qui nous entoure. »

Ces catégories sont-elles si laïques que cela ? Dans l’Église, de tout temps se sont pourtant affrontés, à fleuret moucheté certes, des partisans de l’évolution et des tenants de statu quo. C’est après de tels débats que les dogmes, les professions de foi, les règles disciplinaires ont vu le jour… ou ont été abandonnés. Peut-être, le jésuite américain souhaite-t-il que la médiocrité et les errances du débat politique partisan étatsunien, guère plus brillant que chez nous, ne viennent polluer le monde catholique ? Car dans celui-ci, c’est bien connu, tout le monde est frère, et ambitions et guerres d’influences n’ont pas lieu d’être.

Aux États-Unis, la récente polémique opposant Rome à la principale fédération de religieuses apostoliques montre bien, pourtant, que des visions d’Églises différentes existent. Comme rendre compte de cette diversité si on s’interdit le vocabulaire compris par tous pour en rendre compte ?

Matt Malone s’appuie sur un texte célèbre de la lettre de saint Paul aux Galates (3, 28) : « Il n’y a plus ni juif ni païen, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus », justifiant, selon le journaliste de La Vie, « que la revue bannira désormais de ses pages tous les qualificatifs dont on affuble souvent les croyants, selon leur sensibilité ».

Les propos de Paul décrivent un monde idéal, celui du jour de la réalisation de la promesse chrétienne. Quand toutes et tous auront trouvé leur bonheur sur cette terre. Ce qui est loin d’être le cas dans l’Église. Notamment à cause de la ségrégation persistante dont souffrent les femmes. On pourra reprendre la question quand le tableau paulinien peindra la réalité.

Le troisième argument développé par le rédacteur en chef est très recevable. « Pas de partie de l’Église où America ne soit pas chez lui. » On comprend ce souci. Si l’Église catholique acceptait en son sein une opinion publique, la revue pourrait sans peine faire débattre des courants divers, nommés par leurs appellations traditionnelles. À condition de ne montrer aucun ostracisme a priori, et d’accepter que des bonnes idées puissent éclore dans les différents groupes, pour l’intérêt général. Une exigence qui doit être partagée par tous les médias catholiques, quelles que soient leurs origines.

En s’interdisant de qualifier les traditions ecclésiales, on court le risque, sous prétexte d’unité, de présenter une vision unanimiste. Ce qui aura pour conséquence l’oubli des plus faibles aujourd’hui, en l’occurrence les courants progressistes, invisibles au sommet de l’Église et en perte de vitesse numérique dans les communautés.

« La doctrine sociale de l’Église, explique le jésuite américain, est bien plus radicale que nos politiques laïques, précisément parce qu’elle s’inspire de l’Évangile, qui est lui-même un appel radical à devenir des disciples, c’est à dire des révolutionnaires opposés à toute notion humaine de pouvoir. » Cette Doctrine, si exigeante pour l’humanité, est une référence partagée par toutes les familles de catholiques. Si l’on pense que le respect de l’individu que prône l’Église peut concerner son propre fonctionnement, il faudra entendre des voix différentes du courant dominant, peu soucieux de changement.

Quand au discrédit de la « notion humaine de pouvoir » dans les propos du P. Malone, il étonne chez un jésuite, congrégation qui a toujours su former les élites et qui n’est pas naïve au point de croire que ce mal « humain » épargne les hommes de foi, lesquels demeurent toutefois « humains ».
En France, les citoyens qui prétendent ne pas « faire de politique » et récusent les étiquettes sont le plus souvent conservateurs. Dans le monde catholique, un refus de la pluralité de convictions, confinant au déni de réalité, ne rendra pas service à l’Église.

Philippe Clanché

  1. On peut certes analyser cette position comme le fait Philippe.

    Mais on peut aussi se dire :
    – que les anciens clivages ne sont plus vraiment opérants, et que de plus en plus de gens s’en rendent compte (cf. l’état de décomposition avancée du système partisan en France)
    – ce qui ouvre une période passionnante de re-définition, de re-positionnement… avec des opportunités sans doute, mais aussi beaucoup de risques, de troubles potentiels, ce qui est inévitable "quand les lignes bougent" (ainsi qu’on l’a vu récemment en France avec le "mariage pour tous") ; et puis beaucoup de fragilités pour ceux qui veulent, malgré tout, défendre les plus faibles, la nature, une certaine idée de l’être humain, etc.. Car le système, lui est plus écrasant et insidieux que jamais.
    – qu’il y a en effet quelque chose de commun aux chrétiens (cohérents/impliqués, qu’ils soient catalogués comme "de droite" ou "de gauche", comme "progressistes" ou "conservateurs") -et je dirais même aux croyants des diverses religions. Un quelque chose qui est peut-être l’essentiel, et qui doit obliger tous ces hommes et ces femmes de bonne volonté à travailler ensemble pour résister à ce système qui défigure l’humain. Quelque chose de l’ordre du spirituel et de l’éthique : du choix de moyens non-violents, et de celui du travail sur soi, inséparable du travail sur leurs groupes et sur la société globale.

    Amitiés,
    Eric Vinson

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