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A l'indépendant
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14 octobre 2013

Les indépendances africaines

Indépendances africaines : une nouvelle phase
Juba (Sud-Soudan). Le premier jour du référendum. Les Soudanais ont dormi près des centres de vote.
Juba (Sud-Soudan). Le premier jour du référendum. Les Soudanais ont dormi près des centres de vote.
© Tim Mc Kulka/NU
Par Christophe Champin / Marion Urban

L’année des Cinquantenaires des indépendances de 17 Etats africains s’achève au moment où un nouvel État est en train de naître sur le continent. Cette coïncidence de calendrier est l’occasion de dresser un bilan de ces célébrations et de faire la synthèse des réflexions ou commentaires recueillis par RFI au cours de l'année.

L’année 2011 a commencé par un événement symboliquement fort. Après une année 2010, marquée par les cinquantenaires de l’indépendance de 17 pays à l’égard des colonisateurs européens, les Sud-soudanais ont massivement voté pour leur séparation du Soudan. Un nouvel État va émerger, mais il est né de son détachement d’un autre État africain. Dans cette région du monde, on ne se soucie d'ailleurs plus depuis longtemps du rôle de l'ancien colonisateur britannique et, vues de cette jeune nation que sera bientôt le Sud-Soudan, les commémorations organisées dans les pays francophones ont probablement semblé bien exotiques.

Ne l'oublions pas, il n'y a pas une, mais des Afriques. Cinquante-trois États (bientôt 54) aux histoires et aux cultures multiples, mais aussi aux liens différents avec l'ancienne métropole. Depuis les années 50, pour ce qui concerne l'Afrique anglopone, il n'y a guère qu'au Zimbabwe qu'un président, en l'occurence Robert Mugabe, a été en conflit ouvert avec Londres qu'il a accusée de visées néo-coloniales.

En Afrique francophone, cette année de célébrations aura montré que si la colonisation y est une vieillle histoire, les fantômes du passé ont la vie dure. C'est certes avant tout vers leurs dirigeants que la plupart des habitants de ces pays se tournent pour faire le bilan des échecs et des réussites de ces cinq dernières décennies. Mais le rôle passé et présent de la France dans les soubresauts politiques de ses ex-colonies reste sujet à polémique. Il a même fait un retour en force avec la crise post-électorale qui secoue la Côte d'Ivoire depuis fin 2010. Même si Alassane Ouattara est soutenu et reconnu par la majorité de la communauté internationale, ONU et Union africaine comprises, les partisans de Laurent Gbagbo, président proclamé par le Conseil constitutionnel, accusent la France d'avoir contribuer à fausser le jeu pour placer à la tête du pays «son candidat».

Dossier spécial 50 ans des indépendances africaines
© J-B. Pellerin

Depuis le début de cette nouvelle crise, la télévision nationale, contrôlée par Laurent Gbagbo diffuse en boucle des documentaires ou des témoignages sur les méfaits du «néo-colonialisme», notamment français. Au grand dam de Paris et de ceux, nombreux, pour qui la victoire de son adversaire ne fait aucun doute, en raison de la certification du processus électoral par les Nations unies. À leurs yeux, il n'y a ni France, ni françafrique dans cette affaire, mais plutôt une manipulation de l'opinion ivoirienne visant à masquer la défaite du président sortant.

Il n'empêche, cinquante ans après les indépendances, le passé ne semble pas entièrement soldé entre la France et une partie au moins des Africains francophones.

Réflexions et commentaires sur les cinquantenaires entendus sur RFI

 
"L'index des présidents africains" numéro spécial du 27 décembre 2010 de l'hebdomadaire kenyan "The East African". Il classe les chefs d'Etat africains selon leur gouvernance. Cliquez sur l'image pour accéder au dossier (en anglais).
© The EastAfrican

L’indépendance n’est pas la liberté. L'in-dépendance sous entend un rapport à un autre dont on a été dépendant. Ainsi le Sud-Soudan se définit-il par les liens qui l'ont uni au Nord et dans le passé au condominium anglo-égyptien. De la même façon, l'Érythrée, indépendante depuis 1993, s'identifie par rapport à l'Éthiopie et à la conquête italienne. Est-ce pour cette raison que l'influence de l'ancienne puissance ne se chasse pas aussi facilement ? Que les chemins de l'affirmation de soi, de la construction identitaire sont aussi tortueux ? Que les échanges sont si difficiles à rééquilibrer ?

Dans les années 60, les nouveaux États avaient sous-estimé la puissance de leur relation avec les anciens colonisateurs.  «Nous n'avons pas eu le choix de nos visions, de nos politiques», dit Amadou Toumani Touré, en parlant de l'exploitation des richesses nationales uniquement tournée vers la France. «On parle toujours le français qui est une langue étrangère», s'indigne Dian, un étudiant malien dans l'émission Appels sur l'actualité diffusée le 8 décembre 2010. 

Unis dans la lutte pour l'indépendance, les peuples découvrent leur difficulté à incarner le concept de nation. «Les premiers leaders ont occupé le pouvoir dans la discorde, discorde entre eux et discorde entre les régions», analyse l'historien burkinabé Bruno Sanou.

Manque d'expériences, absence de cadres civils préparent le lit aux régimes forts, centralisés, personnalisés, qui seront par la suite instrumentalisés par les acteurs de la Guerre froide. «Il n'y avait pas de modèle économique précis : un coup marxiste, un coup libéral» commente Olivier du Bénin qui regrette l'incapacité des dirigeants à assimiler les leçons de leurs échecs. Les ajustements structurels prônés par la Banque mondiale pour réduire les dettes nationales et la marche forcée vers la mondialisation conduite par l'Organisation mondiale du commerce brisent les tentatives de développement. «Cette politique néo-libérale a imposé la liquidation de toutes les entreprises et sociétés nationales» se fâche Tayrou, à Bobo-Dioulasso. «C'est regrettable que nos dirigeants aient suivi cette politiqueIl faut savoir dire non !» insiste un invité.

Si les intervenants, les auditeurs et internautes des  États «cinquantenaires» se sont réjouis des quelques avancées politiques de ces dernières années tout en se déclarant encore apprentis de la démocratie, bien peu notent des progrès sociaux. «La première des indépendances... c'est être capable de se nourrir et de ne pas attendre l'aide de l'extérieur» remarque l'historien nigérien Djibo Hamani qui s'interroge sur le sous-développement chronique agricole de son pays. «Nous n'avons pas bien ficelé l'éducation (...) ni le civisme», regrette un autre intervenant burkinabé. «En 1978, au sortir de la conférence de l'Organisation mondiale de la santé d'Alma-Ata, les États s'étaient engagés à procurer les soins de santé primaires pour tous en l'an 2000. Aujourd'hui, malgré les progrès, les Maliens n'ont pas les moyens financiers d'accéder à un centre de santé», déplore Cheikhna, à Bamako.

 

Aujourd'hui l'indépendance!

La ferveur nationale, l'euphorie, l'enthousiasme qu'ont décrit les témoins des Indépendances des années 60 se rencontrent au Sud-Soudan en 2011.

Les chefs d'État qui participent les 30 et 31 janvier 2011 à l'Assemblée générale de l'Union africaine à Addis-Abeba, regarderont avec un brin de nostalgie mais aussi avec le regard des grands-frères la naissance du petit dernier. Sans doute seront-ils bien intentionnés dans leurs voeux et prudents dans leurs recommandations, qui avec un peu d'imagination, pourraient ressembler à celles-ci :

Des urnes, tu ne tireras pas ta seule légitimité.
De ta population, tu te soucieras (autosuffisance alimentaire, santé, éducation).
De la confusion des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire, militaire), tu t'abstiendras.
De la corruption et du népotisme, tu te prémuniras.
De la transparence, de la liberté d'expression, de la presse, de l'égalité, tu appliqueras les lois.
Du progrès et de la diversification économique, tu seras le promoteur.
Du contrôle de tes ressources naturelles, tu jouiras.
Des diktats des puissances et des institutions financières, tu te protègeras.
De tes ennemis... et de tes amis, tu te méfieras et une diplomatie finement équilibrée, tu construiras.

  

 

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