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25 décembre 2013

Échos du monde musulman N° 209 (Yves Montenay)

 

  5 décembre 2013

  Algérie : paroles manquantes, paroles de trop

           Les paroles manquantes sont celles du président

Ce journal algérois consacre de longs articles à la santé du président Bouteflika, souligne le secret total sur son état santé et s'interroge sur une atteinte à la partie du cerveau relative à la parole. C'est dans ce contexte qu'il se fait l'écho de la demande d'une allocution en direct du président à ses citoyens. Et voilà que Canal+ nous montre que la télévision algérienne a légèrement truqué l'émission pour donner l'impression que le président bougeait sa main droite.

Vous savez que les présidentielles approchent et que l'on ne sait pas si le président Bouteflika sera candidat à un 4e mandat. La constitution ne le permet pas mais peut être modifiée. Et si il ne se représente pas, appuiera-t-il un des candidats avec les moyens que l'État met de fait à sa disposition ? En tout cas, les associations de soutien à sa 4e candidature se réveillent doucement.

Plusieurs candidats d'opposition, dont Soufiane Djilali dont nous avons parlé, ont lancé « le groupe des 20 » qui s'inquiète des conditions de l'élection et de l'égalité des moyens entre les futurs candidats. En attendant, comme nous l'avons souvent évoqué ici, beaucoup d'Algériens ont l'impression qu'ils ne sont plus gouvernés.

 

Et les paroles en trop …

L'autre personnage est le premier ministre français Jean-Marc Ayrault venu signer le partenariat avec l'Algérie, avec l'objectif avoué que la France redevienne le premier fournisseur de ce pays, alors qu'elle vient de se faire légèrement doubler par la Chine. Au-delà des relations économiques, fluctuantes par nature, la coopération en matière de formation professionnelle me paraît beaucoup plus utile et beaucoup plus durable. Si elle se concrétisait à l'échelle évoquée, ce serait un grand progrès.

Les visas – dans les 2 sens – sont toujours un problème délicat : 250 000 ont été délivrés l’an dernier vers la France en hausse de 20 %, dont la moitié sont des visa à entrées multiples c'est-à-dire accordés à des professionnels faisant des allers-retours fréquents (hommes d'affaires, enseignants, artistes, congressistes…). C'est important pour les liens durables et évite les rancœurs de cette élite. Jean-Marc Ayrault a souhaité une réciprocité.

Sur le plan économique, aucun contrat d'envergure n'a été annoncé. 30% des entreprises françaises auraient auraient quitté le pays entre 2005 et 2011, d'après  Nicole Briq, ministre française du Commerce extérieur. La règle selon laquelle le partenaire algérien doit avoir 51 % du capital freine considérablement les investissements français. Faute de mieux, on a donc communiqué de part et d'autre sur la meilleure atmosphère entre les 2 pays. Mais quelques jours plus tard la « mauvaise blague » de François Hollande a jeté un froid : il faut toujours peser ses mots quand on parle de l'Algérie, alors qu'on peut être beaucoup plus détendu lorsque l'on parle du Maroc et la Tunisie …

Si François Hollande est sorti de la digne stature présidentielle, la susceptibilité algérienne n'est pas non plus très diplomatique, d'autant que tous les médias locaux se sont cru obligés de hurler comme un seul homme. Or, il y a à peine 3 ans, on me déconseillait des zones de la Kabylie du fait d'enlèvements crapuleux qui se terminaient souvent mal, et de résidus de maquis islamistes. Quand j'ai remis les pieds à Paris, j'ai été accueilli avec la même formule par ma famille (« tu es vivant, c'est déjà ça », pour ceux qui n'auraient pas suivi la blague hollandaise). Et surtout l'Algérie a traversé une guerre civile qui a fait 160 000 morts, dont des femmes parce qu'elles enseignaient le français, tandis que beaucoup de vieilles dames mariées depuis des décennies à des Algériens ont dû rentrer précipitamment en France. Là aussi une certaine réciprocité dans l'analyse aiderait. Si au moins cet incident pouvait rendre conscients les Algériens de leur image à l'étranger…

 

 Le mariage des musulmanes, suite

Vous vous souvenez de cet écho de la semaine dernière, où je disais que, contrairement à une opinion répandue et à certaines législations, l'islam donnait « le droit » aux musulmanes de se marier à un chrétien ou un juif (ou au père de les marier à ...). L'association marocaine de défense des droits de l'homme Bayt al Hikma a diffusé cet écho, ce qui a déclenché de nombreuses réponses. Pour commencer ce « droit » à un conjoint « du livre » n’a pas été dénoncé ; une minorité s'accroche à l'obligation pour les enfants de prendre la religion du père, tandis que la majorité en appelle au droit de choisir librement son conjoint quel qu'il se soit et de laisser les enfants libres de choisir leur religion.

Le nom de Bayt al Hikma (la maison de la sagesse) est celui d'une institution musulmane de jadis qui a laissé le souvenir d'un espace de discussion libre, notamment des œuvres grecques. Cela avant la réaction islamiste du XIe siècle.

Une interlocutrice m'a fait état de la grande complexité pour un couple de résidents français d'origine marocaine de faire reconnaître leur mariage civil parisien dans leur pays d'origine. Le Maroc n'est bien sûr pas le seul dans ce cas.

Ces réactions majoritairement positives viennent surtout de Marocains parfaitement francophones, et ne sont donc pas représentatives de celles qu'aurait eues, disons, des talibans ou des traditionalistes mal lettrés. Mais tant au Maghreb qu’en France de nombreuses musulmanes « de base » ne se posent pas de questions compliquées avant de vivre ou de se marier avec « un Français » (elles ne disent pas « un chrétien »). C'est bien sûr plus simple quand on vit ou travaille « hors ghetto ».

 

La Tunisie toujours perplexe

Vous vous vous souvenez qu’Ennahda aurait plus ou moins renoncé au pouvoir au profit d'un premier ministre « technicien ». Toutefois il faut attendre de voir la nouvelle équipe à l'œuvre, et notamment ses relations avec les dirigeants mis en place un peu partout par Ennahda.

Cette relative détente s'expliquerait par des sondages favorables aux islamistes leur permettant d'espérer un retour rapide et indiscutable au pouvoir pour 4 ou 5 ans, alors qu'aujourd'hui leur légitimité est diminuée par le fait qu'ils ont sans arrêt prolongé une assemblée qui n'avait été élue que pour un an.

Un sondage récent donne en effet 31 % pour en Ennahda, 29 % pour le principal parti d'opposition, 16 % pour divers partis toujours d'opposition et 44 % d'indécis. Ces résultats ne sont pas limpides et ont probablement une marge d'erreur importante ; de toute façon, même en supposant qu'un vote donne ce résultat, on irait vers de nouveaux problèmes si un parti ayant moins d'un tiers des voix se conduisait comme si tout pouvoir lui était donné. Par ailleurs beaucoup  de Tunisiens enragent de voir cette dispersion de l'opposition.

 

Centrafrique

Deux mots seulement, car la presse française semble informer correctement : la situation vire à la guerre de religions, ce qui est inévitable lorsqu'une minorité (les musulmans ne sont que 15 %, et peut-être pas tous aux côtés du président autoproclamé), une minorité, donc, prend le pouvoir par la force dans un pays et dans une capitale non seulement de religion mais aussi d'histoire totalement opposée. A fortiori si elle commence par piller. La réaction sanglante ne s'est pas faite attendre, et le désordre est aggravé par le fait que les armées africaines extérieures chargées de ramener l'ordre sont elles aussi en train de se diviser religieusement, les Tchadiens défendant les musulmans, et donc tirant sur une manifestation chrétienne pro-française qui aurait (ou aurait pu) attaquer leurs coreligionnaires.

Comme le rapportent les journalistes : « il n'y a que trois personnes pacifiques à Bangui : l'évêque, le pasteur et le mufti, lequel a dû se réfugier à l'évêché. Mais personne ne les écoute »

 

Joyeux Noël à tous, qu'il soit familial, festif ou religieux

(du moins pour ceux qui ont la chance de ne pas être en Syrie, ou autres endroits martyrisés)

 

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