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26 décembre 2008

Entre Jésus, Marx et Gramsci

Le professeur Toussaint définit la Théologie de la Libération comme une théorie « qui se veut à la fois inductive et engagée, se développant à partir des pauvres. Elle est l'expression d'un choix. Il s'agit d'un effort de lecture croyante de la réalité et de la pratique des milieux populaires. Cette lecture, a insisté le conférencier, s'articule directement sur les sciences humaines avec la Théorie de la dépendance dans la prétention d'une compréhension non naïve de ce qui se passe réellement chez les pauvres ».

C'est sur la note d'une approche plus scientifique de la sociologie religieuse que le professeur Hérold Toussaint a introduit , le 15 novembre 2008, sa conférence intitulée : "Marxisme et théologie de la libération en Amérique latine". En présence de près d'une cinquantaine d'étudiants, l'auteur de « Paroles d'un semeur » a placé, dès le départ, la phrase célèbre de Marx sur la religion dans son contexte : "La détresse religieuse est en même temps l'expression de la vraie détresse et la protestation de cette vraie détresse. La religion est le soupir de la création opprimée, le coeur d'un monde sans coeur, tout comme elle est l'esprit d'une situation sans spiritualité. Elle est l'opium du peuple ".

Le professeur Hérold Toussaint a affirmé ensuite : « Ici, l'analyse est pré marxiste, sans référence de classe. Elle appréhende le caractère contradictoire du phénomène religieux ». Posant ses balises, le conférencier a regretté que, souvent, la critique des religions se fait avec une désinvolture théorique ou un réductionnisme facile qui renvoie à une perception de la religion comme « lieu de toutes les aliénations ».

Hérold Toussaint a fait pour l'assistance une brève chronologie de la théologie de la libération en Amérique latine. Il a précisé que la naissance du mouvement remonte vers la fin des années 60 avec la deuxième conférence générale de l'épiscopat latino-américain (CELAM) à Medellin en 1968, et la parution du livre « La théologie de la libération, Perspectives » du père Gustavo Gutierrez en 1971. Le conférencier a placé la théologie de la libération au confluent d'une série d'événements dans la région notamment dans des pays comme le Brésil avec Paolo Freire qui publia en 1960 « La pédagogie des opprimés », l'Uruguay sous coup d'Etat militaire en 1973, le Chili et l'Argentine en 1976.

Qu'en est-il du point de vue idéologique ? La théologie de la libération, a fait remarquer le professeur Toussaint, « a développé la théorie de la dépendance de la CEPAL, Commission économique pour l'Amérique latine ». Selon cette théorie, a informé le conférencier, « la pauvreté des pays sous-développés n'est pas due à des causes internes ni à un retard, mais au fait d'une dépendance par rapport aux intérêts des pays du Nord dont les Etats-Unis d'Amérique ». L'idéologie de la théologie de la libération est axée sur un schéma «centre et périphérie et applique des grilles d'analyse marxiste ».

Du point de vue ecclésial, a souligné le professeur Toussaint, « il y a eu le concile Vatican II avec trois ouvertures principales : l'ouverture au monde et à ses questionnements, la revalorisation de la Bible et de sa lecture et l'attention portée au défi de la pauvreté soulevée par quelques évêques latino-américains avec Don Helder Camara.

Le professeur Toussaint définit la théologie de la libération comme une théorie « qui se veut à la fois inductive et engagée, se développant à partir des pauvres. Elle est l'expression d'un choix. Il s'agit d'un effort de lecture des milieux populaires. Cette lecture, a insisté le conférencier, s'articule directement sur les sciences humaines avec la théorie de la dépendance dans la prétention d'une compréhension non naïve de ce qui se passe réellement chez les pauvres ».

Parlant de la non uniformité de cette théologie, le professeur Toussaint a spécifié les aspects « pastoral » avec Jean Luis Segundo, « politique » avec Gustavo Gutierrez et Leonardo Boff, puis une « vulgate marxiste en termes de lutte des classes » avec Hugo Assman.

Des divergences significatives ont été soulignées entre les théologiens de la libération. Le conférencier a avancé « l'implacable réquisitoire moral et social contre le capitalisme désigné comme « péché structurel ». Il a noté l'utilisation de l'instrument marxiste pour comprendre les contradictions du capitalisme. Il a développé le concept de « l'option préférentiel pour les pauvres » et argumenté autour du « développement des communautés chrétiennes de base (CEBS) une « comme nouvelle forme de l'Eglise et une alternative au mode de vie individualiste imposé par le système capitaliste ».

Le conférencier a aussi insisté sur « la nouvelle lecture de la Bible, la lutte contre l'idolâtrie et non l'athéisme, la libération humaine » comme salut final en Christ et la critique de la théologie dualiste opposée à la spiritualité de la tradition biblique.

Le conférencier Toussaint a informé que les théologiens de la libération se sont inspirés du « néo-marxisme » représenté par Ernst Bloch, Althusser, Marcuse, Luckas, Gramsci, Lucien Goldman, André Gunder Frank pour articuler la « théorie de la dépendance ». La théologie de la libération, a soutenu le professeur, interpelle aussi le marxisme orthodoxe qui fait des oeuvres de Marx, de Lénine et d'Engels une nouvelle Bible. « En ce sens, le marxisme et les marxistes ne peuvent pas ignorer, selon Hérold Toussaint, le nouveau rôle du christianisme comme ferment de libération des masses opprimées de l'Amérique latine ».

Selon le conférencier, la théologie de la libération a inquiété le gouvernement américain, l'Ecole des Amériques de Panama et tout l'establishment qui ont mis en place des stratégies de lutte contre le mouvement. « Syndicalistes, animateurs populaires, agents pastoraux et même évêques sont assassinés », signale le conférencier. De Rome à Washington, on accuse cette théologie de faire des clins d'oeil stratégiques à Cuba et de réduire la foi à un messianisme terrestre ».

Le professeur Toussaint a conclu sa brillante conférence sur l'actualité de la théologie de la libération comme « toujours vivante et marquée par la lecture de la Bible ». Il n'a pas abordé le volet haïtien du mouvement, mais mentionné ses « Pères fondateurs » : Laennec Hurbon, pères William Smarth, Godefroy Midy et Karl Lévêque. Après un fructueux débat avec le syndicaliste Josué Mérilien, la conférence s'est terminée au bout de trois heures, à la salle de lecture de la bibliothèque, à la satisfaction enthousiaste des participants.

Pierre Clitandre (Le Nouvelliste, Haïti)

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