Redéfinir les rapports droite gauche ?
Publié le 17 décembre 2010 par Marx
La question se pose, doit on et faut il redéfinir ces rapports qui
conditionnent les désistements pour le second tour de chaque élection.
Le désistement « républicain » a pour origine le combat des républicains contre les monarchistes. Face à ses derniers, un
front républicain se constituait au second tour.
Nous ne sommes plus dans le même cas de figure. Les monarchistes ont laissé
place aux capitalistes et à la grande bourgeoisie, nouvelle aristocratie
de l’argent. La gauche qui selon la première
définition représente les défenseurs de l’intérêt collectif et
public face à la droite qui représente l’intérêt particulier et privé.
Là aussi c’est une configuration qui n’existe pas réellement de nos jours ou qui est très largement modifiée. La ligne de
fracture actuelle passe entre les partisans du néo libéralisme et le
maintien du système capitaliste et ceux qui y sont opposés, au nom du critère originel qui définit ce qu’est la gauche.
Les radicaux et radicaux socialistes dès le 19ième siècle ne se
proposent pas de changer les rapports de production mais ils
s’inscrivent dans le combat républicain et laïque et pour le progrès social. L’école, la laïcité, la démocratie parlementaire, les
premières lois sur les retraites ouvrières, autant de mesures qui
participent à plus d’égalité de liberté et de fraternité. Ces réformes sont progressistes et participent à l’amélioration de vie
et d’existence des travailleurs et de l’ensemble de la population. Il y a
bien des points sombres, certes mais nous sommes encore dans la définition de la gauche. Ce n’est pas le socialisme
mais une des expressions de l’intérêt public. Naturellement les radicaux
se trouvent dans tous les fronts républicains et partie prenante de la « discipline républicaine ».
Il y a eu quelques entorses à la discipline républicaine, après le cartel des
gauches, l’aile de la SFIO pousse la direction du PS à la conditionner
avant même le premier tour, sur la base de propositions programmatiques minimales car il ne s’agit pas de laisser les
radicaux faire « n’importe quoi » en prenant des mesures anti
populaires. Ce fut d’ailleurs salutaire face à un glissement droitier des différents « cabinets » dominés par les radicaux. Ces derniers
sont d’ailleurs composés de plusieurs tendances parfois particulièrement
antagonistes.
La discipline républicaine est également mise à mal pendant la stratégie "«
classe contre classe » défendue par le PCF et initiée par Staline. C’est ensuite avec la stratégie de Front Populaire que
la discipline républicaine reprend du service, avec l’appui sans
participation au gouvernement de Léon Blum. Les différents Partis de
gauche de cette époque, la SFIO et le PCF sont des partis de classe et de transformation sociale et résolument anti capitalistes.
Des instruments de la lutte des classes, quoi que l’on puisse penser de
l’un ou de l’autre. Le Parti Radical n’est pas un Parti de lutte des classes, malgré la résolution du Congrès de
Bordeaux de 1933. Résolution qui fera débat entre Blum et Herriot ,de
manière assez vive, (On sait ce que parler veut dire à l’adresse de Blum et celui ci répliquera par la dictature du
prolétariat, dans son entretien avec le journaliste Georges Suarez).
Malgré tout le Parti Radical est dans la plupart des mouvements
progressistes et participe à la plupart des grandes réformes
républicaines et sociales.
Nous ne sommes pas dans le même cas de figure, le néo libéralisme,
expression du capitalisme moderne a largement débordé le camp de la
droite, politiquement et idéologiquement, pour « coloniser » une partie de la gauche. L’idéologie dominante a gagné du terrain
jusque dans le camp de ceux qui sont sensés la combattre. La ligne de
fracture est ainsi déplacée, comme d’ailleurs le faisait remarquer un grand dirigeant socialiste, Jean Poperen.
Il y a d’abord , le terrain des idées et ensuite celui de la pratique. Or
avec le gouvernement Jospin, la pratique, c’est les privatisations et le
recul sur tous les thèmes traditionnels de la gauche, services publics , école, santé et les quelques points « positifs »
ne sont pas de nature à effacer le pire de cette politique. Le PS ne
fait même plus ce que les vieux radicaux faisaient et en opposition avec les grandes conquêtes. Or « ceux qui ne peuvent ou
ne veulent défendre les vieilles conquêtes, n’en feront pas de nouvelles
! ». Toute la problématique est là car tous ceux qui refusent d’avancer se posent souvent en réaction au progrès. La
gauche par définition c’est de pousser plus en avant les grandes
conquêtes et non de les sacrifier sur l’autel des profits. Si la gauche c’est aussi la réforme, ce n’est en aucun cas la contre
réforme et le débat pour la définir n’est plus réformistes contre
révolutionnaires mais bien réforme face à la contre réforme. Le débat entre révolution et réforme est un débat interne à la gauche
mais qui ne détermine pas à lui seul la ligne de fracture droite gauche,
ni celle de la lutte des classes.
Le néo libéralisme est ainsi le critère actuel de la droite face à
la gauche révolutionnaire et réformiste. Dès lors comment, à
l’expérience de la pratique, ne pas être tenté de redéfinir ses nouveaux rapports entre la droite et la gauche, avec d’un côté
ceux qui pratiquent des politiques néo libérales et ceux qui y ont
opposés. Le problème n’est pas simplement français, il se pose à peu près partout en Europe, notamment en Grèce, en Espagne,
au Portugal et en Irlande à la lumière des événements actuels. Ces
Partis socialistes et sociaux démocrates défendent le système actuel, ne défendent plus les acquis et appliquent des politiques
sous la pression des organismes les plus libéraux et les plus
réactionnaires et sans la moindre rébellion. Il n’est plus question de réformes allant dans le sens de l’amélioration de la condition
salariale et du renforcement des politiques publiques, c’est l’inverse
comme le ferait et le fait par ailleurs tous les autres gouvernements de droite. Tout est sacrifié, secteur nationalisé
comme le secteur socialisé et tout est offert à la recherche maximum du
profit. Le vieux Parti Radical malgré toutes les divergences avec le mouvement ouvrier n’est jamais allé aussi loin
et loin s’en faut.
Les programmes sociaux de la droite et des sociaux libéraux, n’est autre
que le contenu de la doctrine sociale de l’église et il y a là aussi
rupture idéologique avec la gauche traditionnelle et y compris avec le radicalisme républicain. La doctrine sociale de
l’église a toujours été considérée par toute la gauche comme une
doctrine de droite, vecteur idéologique entre autre du national catholicisme et du fascisme et pivot de la démocratie chrétienne.
Cela explique partiellement l’abandon des références laïques d’une
certaine gauche actuelle. A la fracture sociale vient s’ajouter, ou l’inverse, la fracture idéologique. Le meilleur
représentant du christianisme social, le Comte Albert de Mun siégeait à
droite. Il y a eu pendant une période, avec la « deuxième gauche » une représentation de cette idéologie, vers la gauche,
circonstanciée par les trente glorieuses et le recul de la SFIO sur ses
fondamentaux et l’idéologie dominante à gauche d’un PCF dominé par le stalinisme.
La « discipline républicaine » n’a pas été selon les époques d’un
automatisme à toute épreuve, loin de là. Les frictions entre socialistes
et communistes ont été nombreuses , y compris quand les uns et les autres se réclamaient du marxisme. C’est à partir du Congrès
d’Epinay et de l’union de la gauche que les uns et les autres car
objectif oblige renouent avec la discipline républicaine et non sans remous de la part d’une partie des bases et d’électeurs
respectifs. Il y a le programme commun et le PS , le PCF et le MRG , la
vieille gauche ensemble sur un accord programmatique et de rupture avec le capitalisme. Nous n’en sommes plus là et depuis 1983
et le tournant de la rigueur, le système n’est plus remis en cause et
les contre réformes néo libérales sont conduites par la droite comme par une partie de la gauche. L’aristocratie financière
trouve aussi des appuis et des gestionnaires zélés à gauche. Alors que
peut bien signifier la discipline républicaine pour ceux qui la vendent à la découpe aux milieux financiers et à la «
monarchie capitaliste ».
La candidature ou la non candidature de DSK soulève la question. Est il
de gauche ou de droite ? Dans le même temps de nombreux dirigeants du
PS repoussent d’un revers de main toute discussion et tout accord éventuel avec le NPA, LO ou le PT, en y collant le
qualificatif de « gauchiste », refusent de répondre pour un éventuel
désistement en faveur de Mélenchon, si d’aventure celui ci arrivait en tête en 2012. Les mêmes se tournent vers le Modem qui
pourtant n’a jamais été un partenaire de la discipline républicaine. Ils
sont donc les partisan d’une discipline républicaine à sens unique et à leur seul bénéfice en écartant toute autre
possibilité dans le sens inverse. De fait ce n’est plus la « discipline
républicaine » mais l’expression d’un profond mépris de celui qui se croit en position de force pour l’éternité et pour qui les
autres ne peuvent que représenter une force d’appoint. Le FN représente
une menace pour la République mais nous n’y trompons pas, le néo libéralisme également . C’est ce que l’on constate à
l’épreuve des faits puisque c’est la remise en cause systématique de
toutes les avancées républicaines et sociales depuis l’interdiction du travail de nuit, la loi de 1905, de 1901, du Front
populaire et de la libération. Tout y passe avec un contenu idéologique
plus proche de Pétain que des républicains les plus modérés. Même Guy Mollet fourvoyé était un républicain. Ce terme de
républicain est incompatible avec le neo libéralisme, la mondialisation
capitaliste n’est pas l’avenir de la démocratie, au contraire elle en est la fin. Si le néo libéralisme n’est pas la
gauche, si il ne signifie pas la République, que devient la discipline
républicaine. Elle risque de prendre du plomb dans l’aile
lorsque l’organisation la plus importante refuse de l’assumer en
exigeant aux plus petites de la prendre en charge, sans endosser de
responsabilité. C’est le risque avec DSK, entre autre, dont on sait que quelque soit le programme ou le projet du PS, son candidat
quel qu’il soit aura le sien et indépendamment de tout le reste. Avec
DSK, c’est une certitude, la gauche et la République aura tout ce qu’elle ne veut pas . Il y a avis de tempête sur la
discipline républicaine si l’on n’en redéfinie pas les contours à la
lumière des positions actuelles.