L'origine de l'inégalité

Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire, ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables: Gardez-vous d'écouter cet imposteur; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne.

Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, GF Flammarion, p 109

Comments

[Alain]

...n'accables pas Jean-Jacques ! La suite du texte ne le situe pas au niveau de la science-fiction. Ma citation ne constitue pas une conclusion mais seulement l'introduction (saisissante) aux pages suivantes de la 2e partie du Discours que j'invite chacun à lire...
Pour tes précisions, moi (et Jean-Jacques) on est d'accord !

[Lapinos]

- Il faut surmonter l'opposition truquée entre culture et nature, si on ne veut pas resté planté au niveau de la science-fiction de Rousseau : "Le premier qui, ayant enclos un terrain, etc." Il situe le mal d'une façon trop imprécise, et on peut lui opposer le fameux argument qui démolit toute fiction de "l'oeuf et la poule".
La nature n'est pas moins monstrueuse que le droit de propriété. La propriété se fonde sur un rapport de forces qui imite ceux qu'on peut observer dans la nature, notamment la prédation.

- La culture n'est qu'une idéologie de la nature, indispensable à l'homme qui ne peut pas vivre en harmonie avec la nature, contrairement à l'animal. La culture est comme un voile (religieux) posé sur la nature par l'homme qui ne peut la souffrir directement. Autrement dit en repoussant collectivement la souffrance et la peur (notamment à l'aide du droit de propriété), l'humanité renonce en partie à voir la vérité en face. Et de contre-culture en contre-culture, on ira toujours vers la drogue la plus pure et la plus dure. Dans l'opium, le raffinement de la nature et celui de la culture se rejoignent.