Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
A l'indépendant
Publicité
  • De Marx à Teilhard de Chardin, de la place pour (presque) tout le monde...
Newsletter
Archives
Visiteurs
Depuis la création 420 691
21 février 2008

L’enjeu de la propriété sociale

Par Alain Boscus, maître de conférence à l’université de Toulouse-Le Mirail.

La pensée de Jaurès concernant la propriété et l’appropriation sociale me semble bien montrer l’actualité de sa réflexion à l’heure de la mondialisation capitaliste. Ses textes, innombrables, montrent à quel point il était un collectiviste convaincu et conséquent. Il avait perçu combien la propriété privée est néfaste. Elle sépare les hommes d’avec les choses, les divise entre eux et les rabaisse en faisant disparaître, en eux-mêmes, une large part d’humanité. C’est pourquoi il n’y a pas, selon lui, « d’idéal plus noble que celui d’une société où le travail sera souverain, où il n’y aura ni exploitation ni oppression, où les efforts de tous seront librement harmonisés, où la propriété sociale sera la base et la garantie des développements individuels ».

Socialiser, donc, c’était dans un premier temps créer des services publics démocratiques, nationaliser les grands groupes industriels et les grands domaines agricoles, donner à la nation la maîtrise du crédit. Mais Jaurès envisageait ces socialisations dans un cadre plus large, se prolongeant au cours du processus révolutionnaire et s’achevant dans la société future. Elles devaient aussi permettre d’amoindrir la puissance des classes dominantes, d’étendre ici et maintenant les capacités et les forces de la classe ouvrière, de créer des points d’appui d’une démocratisation économique et sociale à bâtir de A à Z. Démocratisation qui fondait tout à la fois son rejet de l’étatisme, du fonctionnarisme, du corporatisme et des demi-mesures solidaristes.

Socialiser, c’était aussi prélever et redistribuer une bonne part de la richesse produite, par le biais de l’impôt vraiment redistributif et par la mise en place d’un système complet d’assurances sociales (retraite, invalidité, maladie, chômage…) sur la base de droits-créances conçus comme des droits de propriété, ouvrant l’ère nouvelle de « la participation directe du prolétariat à la puissance économique ».

Jaurès unifie donc des formes inséparables de socialisation, aucune n’étant en elle-même suffisante. Il prend bien soin d’ajouter qu’il ne peut y avoir d’embryons socialistes dans la société capitaliste. Le « communisme démocratique universel » auquel il aspirait, selon ses propres termes, appelait d’autres « dépassements », afin d’empêcher toute pensée et toute forme d’oppression. C’est en grande partie pour avoir oublié la centralité de la question de la propriété et la nécessité de l’appropriation sociale (en étendant la démocratie à tous niveaux) que la gauche et le mouvement ouvrier sont aujourd’hui en crise. Ayant historiquement opté pour l’étatisme et le corporatisme, dans le cadre d’un compromis social qui a laissé le marché se développer de façon démesurée, ils se sont trouvés impuissants face au néolibéralisme destructeur. Ils ne pourront relever la tête qu’en comprenant, comme Jaurès, que la propriété est à la base de toutes les inégalités d’avoir, de pouvoir, de savoir et de valoir. Tracer les chemins du changement social de façon pragmatique sans abandonner l’idéal (la socialisation et la démocratie), tel est un de ses messages qu’il importe de se réapproprier…

l’Humanité des débats

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité