Un pasteur haut responsable au Parti Ouvrier Populaire, le parti communiste Suisse
Josef Zisyadis est responsable, dans le canton de Vaud, du POP, le Parti Ouvrier Populaire. Il fait aussi partie de sa direction nationale et de la direction européenne du Parti de la Gauche européenne. Portrait et parti pris.
"L’Evangile n’est pas une question de parti politique. Nous sommes plutôt dans l’ordre du renversement des valeurs."
- A quel parti politique français le POP correspondrait-il ?
- Au parti communiste, mais avec une tradition différente. Le Parti Suisse du Travail a été créé au sortir de sa clandestinité, les forces de gauche ayant été interdites en Suisse pendant la guerre. Il y a eu une renaissance avec trois composantes : des socialistes, des anti-fascistes et des anciens communistes. Le POP a une tradition d’accompagnement social auprès des personnes âgées et des exclus du système. Se sont ajoutés à notre électorat, ces dernières années, des gens qui ne se satisfont plus des arrangements politiques par coalition. Nous sommes de ceux qui pensent qu’il faut mettre en place de vraies alternances. On pèse peu au niveau fédéral, davantage au niveau de la Suisse romande, car on est un peu le maillon indispensable pour les Verts et les socialistes, dès lors qu’il s’agit de constituer des majorités.
- Quelle est la situation du marché du travail en Suisse ?
- Il y a du chômage, contrairement à ce qu’on pense, même si le taux officiel est extrêmement bas. Certains cantons ont un taux plus élevé que d’autres, 7% pour l’un quand d’autres sont à 2%, par exemple. Pendant de nombreuses années, la Suisse a refoulé les immigrés qui se trouvaient au chômage. Nous n’avons pas d’obstacles aux licenciements comme cela existe dans plusieurs législations européennes. La Suisse est un paradis pour patrons ! Nous avons besoin d’une sécurité de l’emploi, du début de la vie active à la retraite. Je comprends que de petits patrons aient de la peine ou hésitent à embaucher parce qu’ils ne savent pas de quoi demain sera fait. Mais quand on voit les grandes entreprises financières et les bénéfices colossaux qu’elles retirent, nous serions en mesure de créer en Europe un cursus de vie professionnelle qui permette de passer des périodes d’emploi à des périodes de non-emploi. Ces périodes-là seraient des périodes de formation et de requalification. C’est la raison pour laquelle je suis contre tout licenciement. Cette proposition, pour l’instant inimaginable, coûterait moins cher à la société que d’avoir autant de chômeurs dont les coûts indirects sont énormes sur tous les plans de la vie sociale, celui de la santé, de la criminalité, etc.
"Il n’y a pas de changement de société sans conversion individuelle."
- Quels sont les combats qui vous paraissent les plus préoccupants et les plus prioritaires aujourd’hui ?
- Premièrement, le combat contre la pauvreté de masse. Il y a aggravation. On est passé d’une période, celle de l’après-guerre, où l’on connaissait des revenus qui allaient de 1 à 10, à des disparités de 1 à 500. Il faudrait mettre un plafond aux revenus maximums. Réduire les disparités entre les classes me paraît essentiel. Le patron de l’UBS une banque mondialisée— a 31 millions de francs suisses de revenus annuel, 15'000 fois plus que celui de l’ouvrier de base. Ce n’est pas acceptable. Nous sommes dans une situation telle qu’il nous faut revoir la forme de vie en société que nous voulons. Revalorisons le SMIC et faisons en sorte qu’il soit relié à un revenu maximum. Deuxièmement, l’avenir de la paysannerie. C’est la question de notre rapport à la terre qui se pose. Nous devons absolument lutter pour la souveraineté alimentaire. Il convient de maintenir une agriculture vivante dans nos pays ultra industrialisés. Et enfin, troisièmement : la lutte contre la technologie à outrance. Les sciences et la technique deviennent quasiment autonomes par rapport aux décisions politiques (clonage humain, développement d’Internet, etc.). On ne se pose pas la question de la maîtrise de ces sciences et de ces techniques.
- Qu’attendez-vous des églises ?
- L’enseignement de Jésus est simple, et double : Justice et amour du prochain. Il ne s’agit pas d’instituer ici-bas le Royaume de Dieu, mais de créer un cadre juridique qui permette une meilleure justice. Quant à l’amour du prochain, c’est un engagement individuel qui va au-delà du politique. L’Evangile n’est pas une question de parti politique. Nous sommes plutôt dans l’ordre du renversement des valeurs. Dans le système capitaliste, l’individu est broyé. Nous devons être du côté de l’attachement à la personne humaine. Il n’y a pas de changement de société sans conversion individuelle. Je le dis très franchement. Je mets la primauté sur la conversion individuelle. Le changement personnel est détonateur de changement dans la société. C’est une totale erreur de penser qu’en édictant des lois, l’être humain va se transformer. On a vu ce qui s’est passé dans les pays de l’Est...
Propos recueillis par Farid SERGY
Jésus et Marx J’ai fait mes études de théologie à Lausanne, et je suis parti travailler dans les quartiers populaires avec la Mission Populaire Evangélique de France. Je n’ai jamais pensé que le travail de pasteur était inefficace sur le plan politique. Il prend en compte l’individu humain dans sa totalité, corps et esprit. Son travail se situe sur un autre plan. J’ai préféré, à un moment donné, faire le choix d’un engagement politique, mais il n’est pas exclu que je redevienne pasteur. Je n’ai pas du tout perdu la foi. Ceux qui ont pensé qu’on pouvait éliminer la religion par décret d’Etat se sont trompés. J’ai découvert le marxisme comme outil d’analyse. Le vieux Marx était un précurseur, l’un des premiers penseurs de la mondialisation des échanges marchands. Or, aujourd’hui, on est en plein dedans ! Il a été assimilé à un système politique de domination qui n’avait rien de communiste ni de socialiste. Karl Marx est d’abord un penseur, un philosophe. Il a beaucoup apporté, le mouvement altermondialiste s’en inspire plus ou moins… |
Tiré du n°227 de la revue Certitudes
(Article sur http://www.blogdei.com/index.php/)