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13 septembre 2008

Hymne national, nationalisme et internationalisme

Par Hakim Arabdiou

L'attitude d'une frange de la gauche en France, principalement d'extrême gauche, à l'égard de l'un des deux principaux symboles de notre république - La Marseillaise- a pour sous-bassement une conception partiellement erronée du nationalisme, et son corollaire un international étriqué. Je comprends parfaitement la raison de cette défiance : l'expérience historique du nationalisme qui a constitué et continue de constituer en Europe la matrice des idéologies d'extrême droite et du fascisme, et dont s'est servi le capitalisme, comme arme de guerre, contre la classe ouvrière et les forces de progrès, pour justifier ses boucheries dans les guerres interimpérialistes de 1914-1918 et de 1939-1945, et ses entreprises coloniales de rapines. En un mot, l'Europe a connu un nationalisme exclusif, chauvin, raciste, expansionniste et oppresseur.

Or il oublie l'existence d'un autre nationalisme dans les pays anciennement sous domination coloniale. Ce nationalisme est une valeur vénérée par les peuples de ces pays, parce qu'il a été un nationalisme émancipateur. Il a toujours été indépendantiste, et souvent anti-impérialiste. En effet, certains nationalismes se sont limités à mettre fin à l'occupation militaire étrangère, puis à s'insérer dans la division capitaliste internationale du travail et à se ranger dans le giron impérialiste. Ce courant a été représenté par Habib Bourguiba de Tunisie, Léopold Sédar Senghor du Sénégal, le roi Hassan II du Maroc, Houphouët de Côte-D'Ivoire).

D'autres nationalismes ont voulu aller plus loin et parachever leur indépendance militaire et politique, par une indépendance économique, en essayant de sortir des liens de dépendance du système capitaliste international. Ils s'étaient sur le plan politique rangés, peu ou prou, dans le camp mondial qui comptait alors le mouvement de libération national des colonies, ex-colonies et semi-colonies, les principales forces de gauche et démocratiques dans les pays capitalistes et le système socialisme mondial. Ce fut le cas du Vietnam, de l'Egypte, de l'Algérie, de l'Irak, etc. Cependant, le rôle historique commun et majeur de ces deux nationalismes, au regard de l'histoire contemporaine, a été qu'ils avaient fait accomplir à leurs peuples et au monde un grand bond en avant dans l'accomplissement d'une des valeurs universelles essentielles : Aucun peuple ne doit être astreint à la servitude. Prenons l'exemple de la France durant la Seconde Guerre mondiale. Les forces de droite avaient mené le combat national, patriotique, contre l'occupation allemande, une base nationaliste. C'est-à-dire qu'ils s'étaient limités à la libération de leur propre pays du joug étranger et en même temps à la préservation de leur empire colonial. Ce sont les mêmes, de Gaulle en tête, qui combattirent ensuite les résistants des ex-colonies, aussi impitoyablement que les nazis et les hitlériens parlant français[1] les avaient combattus, afin de maintenir les autres peuples sous leurs bottes. A l'opposé, les communistes et les autres forces progressistes avaient mené ce même combat national, patriotique, mais sur une base internationaliste, c'est-à-dire qu'ils reconnaissaient ce même droit à la liberté aux autres peuples.

Dans les ex-colonies et semi-colonies, les communistes avaient bien sûr participé aux mouvements indépendantistes de leur pays, que ce soit en alliance et sous direction des nationalistes, comme en Algérie, soit en étant à la tête de cette guerre de libération nationale, comme au Vietnam. Nous proclamions pourtant que : « Nous ne sommes pas des nationalistes, mais des internationalistes. » Cette proclamation n'est pas une défiance à ce nationalisme. Nous voulons et le voulons toujours une émancipation plus grande ; une émancipation qui fera succéder à la fin de l'oppression nationale, la fin de l'oppression et de l'exploitation sociale ou de classe. En d'autres termes, nous n' opposons pas artificiellement ce nationalisme à notre internationalisme.

Cette position nous avait valu beaucoup d'animosité d?abord de la part des nationalistes de droite, et parfois de gauche (ces derniers aussi bien par incompréhension que par souci d'hégémonisme), pour nous présenter comme des antinationaux, accusation mortelle chez des peuples encore meurtris par le système inhumain, qu'ils avaient subis : le colonialisme. Et ensuite, de la part de notre opinion publique, qui confond nationalisme, synonyme de cette chose sacrée, appelée indépendance, et patriotisme.

Car nous sommes d'ardents patriotes. Notre patriotisme n'a d'égal que notre internationalisme. Notre amour de la patrie trouve son prolongement naturel dans notre solidarité indéfectible avec les luttes des peuples pour leurs émancipations nationales et sociales. Cette patrie s'appelle -provisoirement- Algérie, France, Guinée, Russie, Congo, Vietnam, Cuba, Suède, Israël, Palestine, etc. Provisoire, car nous sommes pour une seule et unique patrie : la Terre.

Nous sommes par conséquent pour le démantèlement des frontières étatiques. C'est objectivement un immense progrès, qui nous rapprochera d'autant d'un monde meilleur, auquel nous sommes nombreux à aspirer. Mais nous refusons que ce démantèlement se déroule sous la houlette et au service sociétés transnationales. Il doit au contraire s'effectuer au fur et à mesure que les travailleurs et les forces de progrès reprennent confiance en eux-mêmes, qu'ils rassemblent leurs forces, aujourd'hui divisées et désemparées, pour passer à la contre-offensive, et au rythme correspondant aux rapports de forces qu'ils établiront en leur faveur, face au grand capital.

L'une des caractéristiques principales qui définit à mes yeux les gauchistes, c'est leur incapacité à articuler l'universel et le particulier, et à comprendre par conséquent que le second n'est que la forme que prend le premier. Autrement dit, un véritable internationalisme prolétarien ne peut s'appuyer que sur un nationalisme conséquent, ouvert sur les autres peuples et les autres nations.

[1] Expression empruntée à Alain Guérin dans sa Chronique de la résistance, éd. France Loisirs, (1972-1976) 2000.

Article publié Vendredi 20 avril 2007 sur Respublica

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