Jean Cardonnel, un homme indépendant
|
|
Une interview de Pierre Castaner Au moment où nombre de catholiques contestataires de leur Eglise commencent à ne plus rien attendre de leur Eglise et à comprendre, enfin, que Jésus est parmi eux et non dans les hiérarchies ou dans les administrations ecclésiales, Jean Cardonnel, le dominicain “ rouge ” ressurgit à point nommé. Devant plus de 160 catholiques et quelques protestants libéraux invités, il a, comme à son habitude, enflammé son auditoire. C’était durant la veillée du samedi 22 novembre 2003 à Aix-en-Provence, au centre La Beaume tenu par les jésuites. La Fédération des réseaux des parvis y réunissait, durant tout un week-end, sa quarantaine d’associations, mouvements et communautés pour son assemblée générale annuelle. Vous vous souvenez de “ l’affaire Cardonnel ” ? Pierre Castaner, l’un des organisateurs du week-end de Parvis, se souvient bien : Deux ans plus tard, j'étais au forum des communautés chrétiennes à Montpellier. 3.000 personnes dans les années 80 ! Je faisais la file avec mon plateau et des amis pour aller manger et, me retournant, je vois écrit sur le badge de la personne qui me suivait "Cardonnel " ! J'avais lu des articles de lui et sur lui. J'étais émerveillé de le voir en personne car il symbolisait à mes yeux deux actes de foi qui s'opposaient historiquement, à savoir la foi chrétienne et l'idéal communiste. J'ai toujours vu et entendu des catholiques de droite, et ils furent nombreux, condamner les communistes, et ces derniers, dénoncer l'Église. Mais n’y avait t-il pas une part de vérité dans les deux camps ? Cardonnel reliait ces deux idéaux. Le disciple de Jésus se reliait aux résistants au capitalisme. Il est prêtre et marxiste ! ça fait beaucoup n’est-ce pas ?». On n’arrête pas Pierre Castaner lorsqu’il parle de son maître à penser : Une autre fois il rejoint des manifestants écolos, gauchistes, anarchistes et j'en passe des meilleures, sur le site où devait se bâtir une centrale nucléaire. Des chrétiens lui proposent de célébrer l'eucharistie. Il va avec des amis, frapper à la porte d'un presbytère pour demander des hosties : refus ! Interdiction de l'évêque ! Il confirme qu'il va quand même célébrer et réclame un papier de l'évêque interdisant de le faire : pas de papier ! Qu'à cela ne tienne, ils vont chercher du pain à la boulangerie et il célèbre. Là, il ose dire entre autre : "quoi de plus à propos que de célébrer la résurrection du Christ, la célébration de la Vie, sur un lieu de mort ? D'insurrections en insurrections nous allons vers la résurrection !". Cela se passe en Bretagne. Les dames bretonnes avec leur coiffe traditionnelle, qui sympathisent avec les manifestants car elles sentent leur village en danger, demandent au père après avoir communié au pain : " mais pourquoi on n'a pas eu l'hostie ?". En 2002, le Dominicain qui a alors 81 ans est exclu de son couvent de Montpellier par une nouvelle génération de jeunes dominicains moins enclins à jouer les trublions. Vatican II repris en laisse ! Il ironise dans un article de l’Humanité du 7 octobre 2002 : “ J'étais entouré de faux frères, j'ai trouvé de "vraies sœurs " !». Raconte encore … Mais le conteur me fait remarquer que nous ne sommes pas à la veillée, autour d’un bon feu de bois, et que sur la toile les plus belles histoires sont les plus courtes. « Jean Cardonnel nous a initiés à une culture de la transgression. Oser faire ce que l'on pense, ne plus être prisonnier d'habitudes confessionnelles qui, demain, nous paraîtront bien dérisoires. Cette transgression, des chrétiens qui se veulent libres s'apprêtent aujourd'hui à la franchir. Ce sera une transgression, lucide et volontaire, sans colère mais avec détermination. Et beaucoup de chrétiens libres nous suivront. Jésus n’a-t-il pas été un transgresseur ? Du temple ! du shabat ! de la famille ! des rites ! d'Israël ! Et voilà qu’à partir de cette transgression, on a bâti une Eglise conformiste, hiérarchique, dogmatique !». Jean-Claude Barbier, 15 décembre 2003 |